En tant qu'expatrié, la population locale peut vous rappeler votre statut d'élément « provenant d'ailleurs » dès que l'occasion se présente. Comment transformer cette perception et ressentir enfin le fameux sentiment d'appartenance ? Avez-vous déjà eu l'impression, même après des années passées dans un pays, d'être encore et toujours un étranger ? Malgré vos efforts pour apprendre la langue et vous approprier la culture locale, quelque chose vous maintient à l'écart, comme une sensation de ne jamais vivre pleinement les choses. Malheureusement, ce ressenti est courant chez les expatriés. Mais d'où vient-il ? Et pourquoi ?
Quels liens entre l'éternel étranger et la mentalité régionale ?
On appelle « mentalité régionale » cette perspective selon laquelle l'identité, les valeurs ou la vision du monde d'une personne sont façonnées par les caractéristiques culturelles, sociales et géographiques d'une région en particulier, généralement celle où elle est née ou celle à laquelle appartient sa communauté. Cette manière de penser favorise les traditions, les normes et les frontières locales. Cela peut parfois se traduire par uniquement une forme de tolérance envers ceux ayant des idées, des pratiques différentes, ou qui viennent simplement d'une autre région.
La mentalité régionale n'est pas une denrée rare, aussi, vous en avez probablement fait l'expérience dans votre propre pays. Peut-être connaissez-vous des personnes qui n'ont jamais vécu à l'étranger et qui considèrent l'expatriation comme une simple parenthèse, loin d'être un véritable engagement.
Il en va de même dans votre pays d'accueil, où vous pouvez également vivre cette situation. En effet, certains locaux vont naturellement penser, croire, que vous finirez par retourner chez vous, que votre présence est temporaire. Résultat : vous conservez cette impression d'être un éternel étranger, jamais pleinement intégré.
Avoir une apparence différente
Au-delà des mentalités et des perceptions individuelles, certaines circonstances peuvent accentuer votre statut d'« étranger ». C'est le cas, par exemple, si vous êtes « visuellement différent » de la population locale. En effet, votre apparence, votre façon de parler ou même la manière de vous habiller peuvent vous faire sortir du lot, parfois même de façon irréversible. Ce phénomène est d'autant plus marqué dans les sociétés homogènes.
Dans des pays comme le Japon ou la Chine, où la majorité de la population partage une origine ethnique, ces distinctions sont souvent plus marquées et marquantes. Un expatrié occidental au Japon, par exemple, sera systématiquement qualifié de « gaijin » (étranger), peu importe la durée de son séjour ou sa connaissance de la culture japonaise. En Chine, il sera probablement considéré comme un « laowai », même s'il parle couramment le chinois. Ces étiquettes peuvent renforcer l'idée que vous ne faites pas partie, et ne ferez jamais partie, de votre environnement local.
Être différent culturellement
Les locaux ont souvent tendance, sans malveillance, à considérer les expatriés comme des étrangers incapables de véritablement comprendre leur culture. Soyons francs : cette perception a parfois un fond de vérité. Mais lorsque la distance persiste après des années de vie sur place, elle devient un rappel lancinant du statut d'étranger dont on ne parvient pas à se défaire.
Sans parler de la langue, ce sont les expériences partagées qui tissent le lien social. Les locaux se rassemblent autour de repères culturels communs, festivals, événements historiques, humour, qui restent souvent incompris des étrangers. Ce manque d'expériences communes crée un fossé invisible. En conséquence, l'expatrié se sent progressivement exclu des conversations et des dynamiques sociales les plus profondes.
En Turquie, par exemple, la signification d'Atatürk, premier président et père fondateur de la nation, échappe souvent aux expatriés, tout comme les célébrations qui lui sont liées. De même, en Thaïlande, Songkran, le Nouvel An traditionnel, reste une fête dont le sens profond leur reste insaisissable.
Les clichés sur les étrangers
Les expatriés font fréquemment l'objet de stéréotypes portant sur leur comportement et leur mode de vie. Des suppositions qui ne correspondent pas forcément à la réalité.
En Thaïlande, , par exemple, les expatriés occidentaux sont considérés comme étant riches, tandis qu'en Chine, on s'imagine que les Américains mangent principalement des hamburgers et des frites. Aussi absurdes et infondés que soient ces stéréotypes, leur rappel constant peut entraver la création de liens authentiques.
Brian, qui a déménagé en Chine pour une mission, a immédiatement commencé à travailler avec des locaux : « Mes collègues étaient très gentils et m'invitaient tous les jours à déjeuner, ce à quoi je n'étais pas habitué. Mais comme j'étais jeune et que je venais des États-Unis, ils pensaient que je serais heureux de manger de la malbouffe tous les jours. Je me suis donc intéressé à la gastronomie locale, ce qui a facilité les choses, car nous avons enfin pu aller dans les restaurants que mes collègues aimaient vraiment. »
Les stéréotypes peuvent également avoir des répercussions plus profondes. En France, par exemple, on perçoit les expatriés américains comme étant moins cultivés. Bien que ce cliché ne soit pas nécessairement négatif ou malveillant, cela peut empêcher les locaux d'engager des conversations plus intellectuelles, par crainte qu'elles ne soient pas pleinement appréciées.
Les stéréotypes peuvent également donner aux expatriés l'impression de devoir toujours faire leurs preuves. La lutte contre ce phénomène peut nécessiter du temps et de l'énergie, ce qui peut devenir émotionnellement épuisant, voire aliénant.
L'impact émotionnel du sentiment d'être un étranger
Pour de nombreux expatriés, le sentiment d'aliénation commence souvent par une exclusion sociale subtile. Cela peut se traduire par ne pas être invité à une célébration nationale ou se sentir invisible lors d'une rencontre entre voisins. Il suffit que ces exclusions se répètent pour affecter la santé mentale et l'estime de soi. En se sentant étranger dans des situations quotidiennes, par exemple au travail, dans son immeuble ou entre amis, cela peut engendrer un sentiment de solitude et d'inadéquation. Avec le temps, les émotions deviennent anxiété, dépression et même perte de confiance en soi.
Les expatriés qui font des efforts pour s'intégrer peuvent également être confrontés au syndrome de l'imposteur. Ils se mettent alors à douter de leur légitimité à faire partie de leur pays d'accueil. Ce doute génère un cercle de frustration, avec l'impression de ne jamais être à la hauteur, malgré tous les efforts pour s'intégrer.
Avec le temps, cette volonté d'intégration sans réponse peut se transformer en fatigue culturelle. Si le choc culturel est souvent bref et intense, celle-ci peut être plus lente. Elle peut même résulter de tâches quotidiennes : remplir les formalités administratives, s'adapter aux règles sociales tacites, essayer de s'intégrer.
Un autre problème auquel Brian a été confronté lorsqu'il travaillait en Chine : l'importance des guanxi (réseaux de relations). « Presque tous les soirs, j'étais invité à des dîners d'entreprises ou de clients, des invitations auxquelles je ne pouvais pas échapper. Ces repas duraient souvent plusieurs heures et pouvaient même se passer d'un restaurant à l'autre au cours de la même soirée. De mon point de vue, nous passions d'une réunion de 30 minutes à un dîner coûteux de deux heures. Mais c'était ainsi et j'ai dû m'adapter ».
Existe-t-il un moyen d'inverser le sentiment de rejet ?
Le sentiment de rejet est assez complexe à analyser, car il peut résulter de plusieurs facteurs. Ce qui signifie donc qu'il n'existe pas de solution prête à l'emploi. Si vous avez constamment l'impression d'être mal à l'aise dans votre pays d'accueil, il est peut-être préférable de parler à un thérapeute ou à un expert en expatriation, afin d'adapter la solution à votre situation.
Cela étant dit, certaines bonnes pratiques peuvent inverser petit à petit la situation, notamment en étant proactif au niveau social. Organisez-vous pour assister à des événements typiquement locaux, participez à des festivals ou portez-vous volontaire pour des projets sociaux. Si cela peut prendre du temps, en fin de compte, c'est ainsi que vous pourrez nouer des relations sincères et solides.
L'apprentissage de la langue locale est également un outil d'intégration concret. Non seulement cette initiative vous rendra la vie plus facile, mais elle prouvera votre volonté d'intégration au pays, à sa culture et à son peuple.
Attention, l'objectif n'est pas de changer votre identité ou que vous disparaissiez dans la masse. Le but est de créer une double identité culturelle. Gardez en tête qu'il n'y a rien de mal à être fier de ses racines tout en profitant de sa vie à l'étranger et en faisant de son mieux pour s'adapter aux transitions locales.
Si vous avez l'impression que les stéréotypes créent une distance, soyez le premier à initier un échange culturel, comme l'a fait Brian. Partagez quelques éléments de votre histoire personnelle et soyez ouvert à l'idée d'explorer de nouvelles idées et de nouveaux modes de vie.
Une véritable intégration prend du temps et nécessite de la patience, aussi bien à l'égard des nouvelles personnes qui vous entourent qu'envers vous-même. L'acceptation et la compréhension réelles peuvent prendre des années.
Parlez à d'autres expatriés et analysez leur expérience pour en tirer des leçons. C'est peut-être le moyen le plus simple de se sentir moins seul et d'avoir une conversation sincère avec quelqu'un qui sait exactement ce que vous vivez.
En fin de compte, il vous faudra parfois accepter que vous vous sentirez toujours un peu étranger dans votre pays d'expatriation. Certaines contrées sont plus difficiles à intégrer que d'autres et les gens peuvent aussi être différents. Il est possible que le « travail d'intégration » semble trop stressant ou accablant. Enfin, certains expatriés préfèrent conserver une certaine distance, se sentant parfaitement à l'aise dans leur rôle d'étranger sans chercher à s'intégrer pleinement.