D'où viens-tu, Patrick, et que fais-tu actuellement ?
J'ai 58 ans et je viens de Genève, Suisse. Suite à un grave accident à l'armée en 1983, mon parcours professionnel a été brutalement interrompu. Après de multiples opérations et séjours en hôpitaux, je fus placé à l'Invalidité en 1995. Mon handicap, lourd, concerne la colonne vertébrale. Donc mes médecins m'ont fortement conseillé de quitter l'Europe et d'aller vivre sous des climats moins éprouvants pour mon dos. Donc, depuis 1995, j'ai voyagé à travers le monde, pour trouver l'endroit où je vivrais heureux (ou presque...). J'ai vécu en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu, en Australie, au Brésil, à la Réunion et finalement je me suis installé aux Philippines, il y a un peu moins de dix ans. Je ne peux exercer d'activité professionnelle à cause de mon handicap. Donc, je m'occupe en cultivant mes légumes, en cuisinant, en lisant, en faisant de la bécane...
Pourquoi as-tu choisi de t'expatrier aux Philippines ?
A la Réunion, j'ai rencontré une Philippine qui travaillait dans le secteur de l'informatique comme moi. Nous nous entendions bien et je l'ai suivie. Le climat m'y est favorable. Au bénéfice du visa de retraité du « Philippines Retirement Authority », je suis exonéré d'impôts. Le coût de la vie ici me permets de vivre confortablement, ce que je ne pourrais faire en Europe !
Qu'est-ce qui t'as attiré vers Olongapo ?
A mon arrivée, je me suis installé à Kawit, Cavite... Mais à chaque grande marée, nous avions les pieds (et même les genoux...) dans l'eau ! Quand Imee, mon ex-compagne, s'est installée aux États-Unis avec nos deux enfants (je précise que nous sommes restés de très bons amis, sommes très complices et partageons la responsabilité des enfants), je suis parti vivre à Tagaytay, ville de villégiature prisée des expatriés car plus fraiche et moins tentaculaire que Manille. Malheureusement, ces dernières années, les promoteurs ont commencé à construire d'innombrables tours de condominiums et la ville est devenue infernale. Étant « biker », j'avais de nombreux amis vivant entre Angeles et Olongapo. Je n'aime pas Angeles. J'ai donc choisi Olongapo.
Comment s'est passée ton installation ?
Je ne corresponds pas au profil type de l'expat ! Lors de tous mes grands départs, je suis toujours parti avec le minimum : une vieille cantine militaire, contenant mes livres, mes papiers importants, et c'est tout ! Donc, l'installation n'a posé aucun problème. J'ai aussi « la chance » d'avoir ma pension d'invalide. Donc, je n'ai eu aucun problème à m'installer, ouvrir des comptes en banque, et financer mes gros achats, voiture, ordinateur, entre autres. Quant aux innombrables objets introuvables ici, je me débrouille toujours pour acquérir ces biens sur internet, en Europe ou ailleurs, puis je les fais venir ici dans les balikbayan boxes d'amis.
Depuis combien de temps t'y es-tu installé ?
Aux Philippines, il y a neuf ans et demi. A Olongapo, depuis bientôt un an.
Quelles étaient les procédures à suivre pour qu'un citoyen suisse s'expatrie aux Philippines ?
Honnêtement, je ne me suis jamais vraiment posé la question ! La dernière fois que j'ai du aller en Suisse, dans les années 2000, ça a été plutôt compliqué avec les fonctionnaires du Contrôle de l'Habitant car je n'avais jamais annoncé mon départ, et encore moins mon retour ! Ici, aux Philippines, j'ai assez rapidement pris contact avec le « Philippines Retirement Authority » pour obtenir mon visa permanent. Je ne suis pas très fan de l'Immigration Office ici, réputé pour être gangréné par la corruption. Chez moi, ça ne passe pas. J'ai donc légalisé mon statut avec le PRA et ne dépends donc plus de l'Immigration.
As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?
Aucune. Honnêtement, on peut se plaindre de beaucoup de choses, mais comparé aux fonctionnaires des administrations en Europe, ici c'est le paradis !
As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?
Non. Comme je l'ai dit précédemment, j'ai beaucoup voyagé dans les pays tropicaux à travers le monde. Donc, mon apprentissage s'est fait « à la dure ».
Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée à Olongapo ?
Rien de particulier. C'est une petite ville philippine typique. Bien sur, Olongapo étant à Subic Bay, la « fameuse » base militaire américaine, il y a plein de bars à filles, mais depuis mon installation je n'y ai jamais mis les pieds ! Il faut dire que je suis très heureux avec ma partenaire, Ann. Donc, pourquoi aller chercher ailleurs ?
As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ? Quels sont les types de logements qui y sont disponibles ?
Comme partout aux Philippines, je pense. Personnellement, je loue une grande maison avec d'immenses pièces (construite par un Américain, il y a 20 ans). On trouve des maisons ou des appartements sans problème. Par contre, d'une manière générale, ne comptez pas trop sur internet pour trouver un logement ! Les photos sont retouchées et les prix sont surévalués. Il vaut mieux se balader, demander aux amis, et surtout, se montrer intransigeant ! Des travaux à faire ? Assurez-vous qu'ils soient faits avant d'emménager. Ne donnez jamais de chèques d'avance. Malheureusement, les Philippins ont généralement horreur d'avoir à douiller pour retaper leurs biens immobiliers. Donc, ils feront tout pour louer sans avoir à le faire. Ils vous feront mille promesses, puis riront bien du bon tour qu'ils vous ont joué. Sachez être dur en affaires ! Mais ça, ce n'est pas particulier aux Philippines, je pense, sauf qu'ici la loi est simple. Les Philippins ont raison et les étrangers ont tort, un point c'est tout !
Que penses-tu du mode de vie des Philippins ?
Difficile à dire ! Il y a 1 700 îles... Il y a surement autant de différences entre un Philippin vivant et travaillant à Makati et un fermier de Samal, qu'entre un bon vieux Suisse et un Philippin ! Tout est relatif. Comme tous les peuples vivant dans les pays chauds, une certaine nonchalance qui peut énerver parfois, et surtout, cette fierté qui les anime.
Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?
Ayant bien vécu dans plusieurs pays, pas d'idées fausses à priori. Elles furent vite guéries au Vanuatu et au Brésil !
A quoi ressemble ton quotidien à Olongapo ?
On dit que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt... Donc, je me lève vers 4 heures du matin. Jusqu'à 8 heures, je joue en ligne avec mes amis francophones (ce qui me permets de pratiquer le français). Ensuite, ça dépend. Je cuisine beaucoup, pour mes amis, pour moi... Je fais de la charcuterie, je fume de la viande, du poisson, entre autres. Je commence un petit élevage de lapins aussi. J'ai récemment commandé des graines en Europe pour cultiver quelques légumes quasi introuvables ici.
Que fais-tu pendant ton temps libre ? Quels sont les loisirs accessibles aux expatriés ?
J'ai été condamné aux vacances à perpétuité, donc, je n'ai pas trop le choix ! Je lis beaucoup, regarde beaucoup de documentaires, cuisine, jardine, fais de la bécane, et rencontre mes potes au Sit'n'Bull, notre QG, où on boit le pastaga ! Ici, il y a beaucoup de touristes qui profitent de la plage et des restaurants en journée et vont aux filles en soirée. Mais ça ce n'est pas ma tasse de thé. Pour les expatriés, il n'y a pas grand chose à faire sauf s'organiser de petites expéditions pour sortir un peu de la ville.
Qu'est-ce qui te plait le plus à Olongapo ?
Mes copains « bikers », puis mes copains francophones, nos bonnes bouffes, la plage...
Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la Suisse, ton pays d'origine ?
La neige ! Il faut dire que, n'ayant plus aucun attachement familial ou social en Europe, je n'y retourne jamais.
Un évènement particulier que tu as vécu aux Philippines et que tu voudrais partager ?
Non, rien de particulier. Contrairement à ce que certains pensent, j'aime beaucoup ce pays et je m'y sens bien. J'y suis heureux et ce que je pourrais partager ne serait en rien différent de ce que vous pourriez vivre dans d'autres pays...
Quel est ton avis sur le coût de la vie à Olongapo et aux Philippines en général ?
La vie, en général, est bien moins chère qu'en Europe. Par exemple, ma maison de 400 mètres carrés, avec 4 chambres à coucher, sur un terrain de 1 000 mètres carrés, le tout entouré de murs, me coute 18 000 pesos, donc en gros moins de 400 euros par mois. Par contre, l'électricité est beaucoup plus chère qu'en Europe. Dans l'ensemble, l'on vit mieux, mais si l'on se cantonne aux produits importés, ça peut coûter très cher. Il faut donc être judicieux dans ses choix. On trouve quasiment tout dans les supermarchés. Par contre, lorsque vous trouvez un article convoité, n'hésitez pas à faire d'importantes réserves ! Ici, il n'y a pas de gestion de stock. Donc, ce que vous trouvez aujourd'hui, ne sera plus disponible pour au moins six mois... ou plus jamais !
Des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient s'y expatrier ?
Il faut d'abord venir ici, impérativement ! Et ne pas se cantonner à un endroit... Voyager dans les îles, visiter différents endroits. De plus, évitez absolument de vous engluer dans une relation amoureuse via internet avant de venir ici. D'une part, dans 99 % des cas, vous vous faites embobiner. D'autre part, dès votre arrivée, vous vous retrouverez où votre dulcinée virtuelle voudra bien vous emmener, et pas forcement où vous voudriez aller ! Consultez les forums de voyage, les blogs... N'hésitez pas à contacter des gens qui vivent ici (mais attention ! Il y a aussi des arnaqueurs chez les expatriés)... Ne vous engagez jamais à distance. La plupart des hôtels, stations balnéaires et autres logements n'ont rien à voir avec ce qui vous est promis sur internet. Au pire, vous pouvez toujours faire une réservation pour un ou deux jours, par l'entremise de sites où les commentaires des utilisateurs sont plus réalistes que les promesses des propriétaires. Puis, une fois ici, vous aurez au moins la liberté de trouver quelque chose qui vous correspond.
Quels sont tes projets d'avenir ?
Je suis entrain d'acheter du terrain, au nom de ma fille (ici, ça vaut mieux. Les femmes passent, les enfants restent...). Je pense y construire une maison et développer un grand jardin et un peu d'élevage... Cela mettra un peu de beurre dans mes épinards lorsque j'atteindrai l'âge de la retraite et que je n'aurai plus ma pension militaire. Je n'ai aucune intention de me lancer dans le business. Au risque de faire hurler certains, je dis « Aux Philippines, pour un étranger, le meilleur business c'est pas de business ! ». Je ne dis pas que c'est impossible, mais vous risquez de très vite déchanter.