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Véronique Loiseau : « Le Canada est la porte d'entrée des francophones en Amérique du Nord »

Publié le 25 Mai 2016
Véronique Loiseau, Directrice de la Chambre de Commerce et d'Industrie Française au Canada, s'est installée au Pays à la Feuille d'érable il y a 16 ans. Elle nous raconte son parcours et sa mission à la Chambre de Commerce et d'Industrie Française au Canada, et son ressenti au sujet de son expatriation.

Madame Loiseau, qu'est-ce qui vous a motivé pour venir vous installer au Canada ?

Je travaille à la Chambre de Commerce et d'Industrie Française au Canada depuis 12 ans. J'ai débuté ma carrière à la Chambre en tant que directrice des événements et de la communication et, depuis 7 ans, je suis la directrice générale de cette institution. Je dois reconnaître que mon parcours est un peu atypique. Avant de travailler dans le milieu des affaires franco-canadiennes j'ai exercé mes fonctions dans le milieu de l'aéronautique en France en tant que négociatrice commerciale pendant près de 16 ans. Je suis par la suite partie en famille en expatriation en Chine et aux États-Unis. Après plusieurs années à l'étranger je suis rentrée en France ou j'ai repris mes fonctions au sein de la compagnie Air France. Mais, lorsque vous avez pris l'habitude de vivre à l'étranger, il est un peu difficile de se réadapter à une vie plus ou moins traditionnelle. J'ai donc décidé de quitter la France afin de m'expatrier au Canada avec mon fils. Aujourd'hui, je possède la double nationalité franco-canadienne.

Quels sont les principaux besoins des entrepreneurs et investisseurs français lorsqu'ils arrivent au Canada ?

Leur objectif premier est de trouver de nouveaux marchés et de développer leur réseau d'affaires afin que la croissance se fasse vite et bien. Le Canada est un marché très stimulant et les opportunités sont légions. Cependant des pièges sont à éviter et la langue française pratiquée au Québec reste un leurre car nous sommes bien en Amérique du nord et il ne faut pas négliger les aspects culturels ni les différences qui en découlent.

Comment la Chambre de Commerce Française au Canada y répond ?

Outre l'aspect technique avec l'organisation de rendez-vous hyper qualifiés tout au long d'une semaine de rencontres, nous accompagnons l'entreprise dans les différentes phases de son développement en offrant des séances de coaching, en promulguant des conseils, par exemple en marketing (comment vendre son produit, comment se présenter, mettre en valeur son site internet etc.). Ce sont des aspects à ne pas négliger lorsque nous abordons un autre marché. Le Canada a la particularité d'être la porte d'entrée des francophones en Amérique du Nord et le Québec offre à nos entreprises françaises un formidable marché dans des secteurs très dynamiques tels que le numérique, l'aéronautique, l'agroalimentaire et les sciences de la vie entre autres. Nous travaillons avec l'ensemble des partenaires institutionnels de la région afin que l'accompagnement de ces entreprises se fasse dans les meilleures conditions.

Parlez-nous des conditions de travail et de création de business au Canada.

Un entrepreneur, peut créer son entreprise en quelques heures et en quelques clics pour un montant allant de 1500 À 2000 $. Il est cependant vivement recommandé de transiger avec un avocat et un fiscaliste pour doter son entreprise d'une bonne fondation. Certains secteurs d'activité sont très dynamiques, tels que le numérique par exemple, et de nombreux incitatifs financiers existent pour aider les entreprises qui possèdent un contenu innovant. Le réseautage est très important car il facilite le développement des contacts et donc des opportunités d'affaires. Les barrières hiérarchiques existent mais elles sont beaucoup moins présentes qu'en Europe et les contacts sont facilités par des gens d'affaires opportunistes dans le bon sens du terme. Pour réussir il faut avoir une attitude très proactive, démontrer beaucoup d'énergie et de dynamisme. Pour un salarié, les conditions de travail sont agréables, mais il doit oublier les pauses café, les 35 heures de travail hebdomadaire ainsi que les 5 à 6 semaines de vacances annuelles. Les avantages sociaux et la sécurité d'emploi ne sont pas des atouts que l'on met en avant en Amérique du Nord. En revanche le climat et la qualité de la vie sont très agréables et nous font oublier certains désavantages. L'univers de travail est très compétitif et stimulant et les opportunités nombreuses lorsqu'on a acquis une certaine expérience professionnelle.

L'acclimatation des étrangers au Canada est-elle facile ? Est-il facile d'immigrer et de travailler au Canada ?

L'acclimatation n'est pas aussi facile que cela car les différences culturelles sont très importantes malgré la langue française parlée au Québec. Il faut compter environ 5 ans pour s'adapter à sa nouvelle vie en Amérique du nord. Beaucoup arrivent avec des idées préconçues et minimisent l'aspect culturel en côtoyant les canadiens qui sont des gens fort sympathiques et chaleureux. Petit à petit, on se rend compte que la culture est radicalement différente et des incompréhensions de toute part peuvent survenir. Les québécois sont des américains du nord qui parlent le français avec toutes les différences que cela comporte par rapport à notre culture française. De plus, l'aspect climatique prend une place très importante dans la vie de tous les jours et rien ne doit être négligé de ce côté si vous ne voulez pas faire de votre vie un enfer. Au Canada, les hivers sont longs et froids et notre vie est souvent rythmée par les températures.

Quid du mode de vie au Canada ? On entend parler, par exemple, d'un mode de vie cyclique en fonction des saisons.

Il est vrai qu'en hiver on gère notre quotidien en fonction des tempêtes et de la température extérieure. Cependant, je défends bec et ongle l'idée qu'il faut vivre l'hiver et ne pas rester cloitré chez soi. Cette saison est assez longue, mais il suffit d'être bien équipé et de pratiquer les nombreux sports d'hiver offerts. Je fais du patin à glace et du ski avec mon fils sous -20°C et nous nous portons très bien ! Lorsqu'on entend dire que les Canadiens vivent dans des souterrains l'hiver, c'est une légende urbaine, même s'il est vrai que ces aménagements existent et sont utiles lorsqu'on veut aller manger un morceau ou faire les boutiques. Ceci dit les rues sont tout de même fréquentées l'hiver : on sort, on gare sa voiture, etc. Il est vrai que l'on peut trouver drôle le contraste entre l'hiver et l'été, où les terrasses sont ouvertes et très fréquentées dès que la température atteint 12°C au printemps et où l'on aime prendre un bol d'oxygène en profitant des rayons du soleil. Mais je ne dirais pas que les Canadiens restent chez eux tout au long de l'hiver. Pour ce qui est du mode de vie, il est radicalement différent et c'est un peu difficile de faire des comparaisons. Au Canada, il y a une vraie douceur de vivre, le taux de criminalité est très bas et nous ne vivons pas de pressions particulières, les gens sont sympathiques et la qualité de vie est importante. On travaille dur, mais on ne néglige pas l'aspect personnel et familial. Aussi, le Canada est un pays d'immigration et donc multiculturel, ce qui fait la richesse du peuple canadien. Je pourrais dire que la vie y est douce.

Quels seraient les conseils les plus importants que vous donneriez aux expats au Canada ?

Tout d'abord, comme je l'ai dit plus haut, il faut éviter de minimiser l'aspect culturel en pensant que l'on vient dans un pays francophone. Le Canada est un tout autre pays, avec une autre culture et une autre façon de vivre et de travailler. Nous vivons en Amérique du Nord avec tous les aspects que cela peut comporter. Les avantages sociaux, la scolarité et l'aspect médical sont nettement différents de ce que l'on peut avoir connu en France. Il faut oublier ses habitudes françaises et se plonger dans un autre monde pour mieux s'adapter. Ce n'est pas toujours facile, mais au final nous n'en retirons que du positif.

Quelle est la mission de la Chambre de Commerce et d'Industrie Française au Canada ?

La CCI Française au Canada a trois missions importantes : animer la communauté d'affaires franco-canadienne et franco-québécoise ; aider les entreprises françaises qui sont des PME pour la plupart, à s'implanter au Canada ; et favoriser les relations économiques entre les deux pays grâce aux relations étroites que nous entretenons avec les nombreux représentants institutionnels français, canadien et québécois.

Couvre-t-elle également l'est du pays, de Toronto à Vancouver ?

Indirectement, oui. La Chambre de Commerce possède effectivement une section dans la ville de Québec, et une autre pour les provinces atlantiques, à Dieppe. Nous n'avons pas de représentations à Toronto, mais des partenaires œuvrent pour et avec la Chambre de Commerce française dans la région de l'Ontario pour aider nos entreprises françaises.

Comment vous êtes-vous retrouvée à la tête de la CCI Française au Canada ?

C'est une évolution graduelle. J'ai débuté ma carrière en tant que commerciale et négociatrice. Cette formation commerciale m'a permis d'arriver à la Chambre en tant que directrice des événements et de la communication. Durant cette mission, j'ai développé ce département, j'ai étendu mes compétences dans la gestion et découvert de nouveaux métiers. Grâce à ma bonne connaissance du tissu économique local, j'ai progressivement reçu la confiance du conseil d'administration.

Quelles sont vos missions au quotidien ?

Je suis en quelque sorte, le chef d'orchestre de la Chambre de Commerce et d'Industrie Française au Canada. Je m'occupe notamment de la gestion de la Chambre au quotidien, de l'orientation et du développement de sa stratégie commerciale, de son image et je suis responsable de sa bonne gestion aussi bien financièrement qu'humainement. Je travaille en étroite collaboration avec mon équipe et je m'investis beaucoup dans le développement du service d'appui aux entreprises : je peux être amenée à rencontrer, avec mes collaborateurs, de nombreuses entreprises qui désirent développer des marchés au Canada et qui ont besoin de nos conseils et de notre longue expertise. Nous accompagnons ces entreprises, pour la plupart des PME, tout au long du processus de développement à l'international jusqu'à l'implantation. J'anime également avec l'équipe les différents comités sectoriels. Et pour ce qui est de l'événementiel, j'aide notamment mes collaborateurs à créer de nouveaux évènements, à trouver de nouvelles idées ou affiner certaines activités afin de répondre aux besoins de nos membres. J'apprécie surtout l'organisation de notre Grand bal car il me permet de mettre en avant la créativité et les qualités artistiques de toute l'équipe.

Si vous deviez faire un bilan de votre expatriation au Canada, quel serait-il ?

Je le referais mille fois ! Cela n'a pas toujours été facile, l'expatriation et l'adaptation à un nouveau pays n'est pas un long fleuve tranquille. Mais avec du courage, de la ténacité, du travail et surtout de la volonté, on y arrive. Ce que je continue de trouver extraordinaire dans ce pays, c'est la possibilité que l'on a d'accéder à des postes de haut niveau parce que l'on tient compte de vous et de vos performances. Il y a une réelle méritocratie et, de ce fait, la réussite est possible pour tout le monde, pour les jeunes comme pour les moins jeunes. C'est un concept qui me convient parfaitement : tout est possible au Canada et en Amérique du Nord. Cependant, j'ai aussi vu des Français rentrer en France déçus de n'avoir pu réussir et les cas sont nombreux. Néanmoins, je continue de dire aux personnes qui croisent ma route que le Canada est le plus beau pays pour s'épanouir et pour élever son enfant...

Canada
Montréal

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