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La « honte des expatriés » : comment la reconnaître et la surmonter

Gabriela Encina
Écrit parAnne-Lise Mtyle 02 Septembre 2020

Lorsque vous annoncez à vos amis et à votre famille que vous quittez tout pour vivre une nouvelle aventure professionnelle à l’étranger, ils n’attendent rien de moins pour vous que le succès. Et honnêtement, pour vous aussi, il n'est pas question d'échouer. Mais que se passe-t-il lorsque les choses ne se passent pas tout à fait comme vous l'aviez souhaité ? Gabriela Encina, psychologue et conseillère en expatriation, parle à Expat.com d'une phénomène qu'on qualifie de « honte des expatriés ».

Qu'est-ce que la honte des expatriés ?

La honte est une émotion qui émane de la peur et se mêle bien souvent à la culpabilité. Elle découle généralement de l'image négative que nous avons de nous-mêmes et de quelque chose de mal que nous avons fait ou ressenti. Cela déclenche le stress, l'anxiété, voire l'envie de se cacher ou de fuir. On l'associe également à l'impuissance et à une faible estime de soi.

Le fait de « vouloir se pelotonner sous une couverture et ne jamais en ressortir » est une analogie assez précise pour décrire ce que nous ressentons lorsque nous éprouvons de la honte.

« Honte des expatriés ».

C'est un phénomène que j'ai été amenée à identifier durant mes longues années de travail avec des expatriés. Ce qui la diffère de la honte « normale » est que la « honte des expatriés » comprend un stigmate supplémentaire. Vivre le rêve d'une vie d'expatrié, où tout devrait scintiller, telle une aventure palpitante... Lorsqu'ils éprouvent des sentiments qui ne correspondent pas à cette image, comme le ressentiment, la jalousie, l'anxiété ou le manque de motivation, certains expatriés éprouvent de la honte parce qu'ils « ne devraient pas ressentir cela ».

Aussi, tous les expatriés sont « censés » réussir comme c'était le cas dans leur pays d'origine, avec leur situation financière, leur reconnaissance sociale, une brillante carrière. Quand ces atouts changent à l'étranger et que leurs attentes ne correspondent pas à la réalité, la honte prend rapidement le dessus.

Quand les expatriés ressentent-ils le plus de honte liée à leur statut d'expatrié ?

De nombreux expatriés ressentent de la honte par rapport à leurs compétences professionnelles. Par exemple, beaucoup de mes clients ont très bien réussi dans leur pays d'origine et ils s'attendent à avoir quelque chose de similaire dans un court laps de temps dans leur pays d'accueil. Comme s'ils auraient voulu ramener leur statut professionnel avec eux à l'étranger. Pourtant, dans leur nouveau pays, leur quête du succès et la période d'ajustement ont pris plus de temps qu'ils le pensaient.

De même, une personne intelligente et accomplie peut avoir honte de ne pas pouvoir bien s'exprimer dans une autre langue.

Pour les conjoints suiveurs, l'échec d'une relation peut également entraîner de la honte. Cela peut ne pas être compatible avec l'image sociale qu'ils veulent préserver, ce qui peut mener à l'embarras.

À quel type de pression émotionnelle un expatrié est-il exposé ?

Cultiver une nouvelle identité à l'étranger est une étape qui peut être très stressante. Les expatriés font face à des défis uniques, développent de nouvelles compétences et redécouvrent leurs qualités pour y faire face. Au cours de ce processus, ils se sentent plus vulnérables et exposés que d'habitude. Ils ont tendance à se comparer aux autres expatriés. Lorsqu'ils perçoivent la « réussite », que ce soit en termes de carrière, de finances ou de relations, le ressentiment et la jalousie peuvent rapidement prendre le dessus. Comme ce sont des émotions « inacceptables », cela peut les amener à avoir honte.

Les attentes sont un autre facteur contribuant à leur état d'âme. C'est étroitement lié aux objectifs qu'ils se fixent et ceux qu'ils pensent que les autres ont. J'insiste sur le mot « croire » parce que nous pensons souvent que les autres ont certaines attentes par rapport à nous, mais si nous faisions l'effort de demander, c'est peut-être une réponse complètement différente que nous aurions obtenu.

De quoi les expatriés ont-ils généralement le plus peur lorsqu'ils déménagent à l'étranger ?

La liste peut être très longue et cela dépend de la raison pour laquelle ils ont déménagé.

J'ai identifié les trois causes les plus courantes :

  • la perte du statut financier et social qui pourrait les conduire à une certaine dépendance économique et même émotionnelle.
  • la solitude et l'isolement, car c'est plus compliqué de trouver des liens significatifs et profonds quand on est adulte. Ajoutons à cela les barrières linguistiques et culturelles, ce qui rend la création d'un réseau de soutien encore plus difficile.
  • la perte de leurs liens émotionnels avec leurs proches dans leur pays d'origine, leurs traditions et leur milieu culturel. Les expatriés luttent constamment pour s'adapter à leur nouveau pays sans perdre leur identité.

Comment reconnaît-on la honte des expatriés ?

La honte est une émotion très « chargée » et, par conséquent, difficile à reconnaître quand on la vit.

La stratégie d'adaptation habituelle est de l'ignorer.

Je dis souvent à mes clients que ce n'est pas si difficile de reconnaître la honte :

  • on ressent le besoin de se cacher ou de fuir dans un endroit où personne ne peut nous voir
  • l'inadéquation ou le sentiment de « je n'appartiens pas ici »
  • on essaye de mentir ou de cacher (à nous-mêmes et aux autres) ce que qu'on ressent
  • on se sent exposé et on a souvent le sentiment qu'on va échouer quoi qu'on fasse.

Comment peut on gérer la « honte des expatriés » quand on vit à l'étranger ?

Identifiez ce que vous ressentez

Le simple fait de pouvoir donner un nom à cette émotion est incroyablement puissant. Une fois que vous arrivez à identifier ce nœud dans le creux de votre estomac, vous pouvez commencer à le démêler pour vous libérer. Cela peut prendre un certain temps, mais être ouvert à voir tous les côtés de soi-même, même les côtés B (en particulier les côtés B), est la première étape pour reconnaître et faire face à la honte.

Parlez-en

Comme le secret est le principal aliment de la honte, il ne peut pas survivre à la parole. La deuxième étape et la chose la plus critique que vous pouvez faire pour retrouver la clarté est d'en parler à un ami, un membre de la famille ou un professionnel.

Empathie et auto-compassion

L'empathie est l'ennemi de la honte. Imaginez qu'un ami vienne vous voir avec le même problème que vous rencontrez. Comment feriez-vous preuve de compassion envers lui ? Essayez donc de vous parler de la même manière et ne soyez pas si dur envers vous-même.

Éliminez les jugements sévères qui sont souvent réservés à l'autocritique, même si vous n'imposeriez pas aux autres le même niveau. C'est essentiel pour faire face à la honte.

Quelles leçons peut on en tirer ?

Toutes les émotions sont des sources d'informations pertinentes. Il n'y a pas d'émotions « bonnes » ou « mauvaises ». La façon dont nous nous rapportons à eux et comment nos pensées nourrissent ces émotions génère des résultats négatifs ou positifs.

La honte peut ainsi nous aider à :

Avoir un aperçu des demandes que nous nous imposons

Cela peut nous amener à revoir nos propres exigences et à évaluer si elles sont réelles ou raisonnables. Nous supposons généralement ce que les autres veulent ou attendent de nous sans même le leur demander. Prenez donc le temps de demander et de réfléchir au lieu de supposer.

Surmonter et mettre de côté ces impositions

Le simple fait d'évaluer ces choses que nous nous imposons peut également changer notre perception de notre importance et faciliter les adieux.

Se lier aux autres à un niveau plus profond

Pour reprendre une citation de Brené Brown (d'ailleurs, je la recommande vivement !), « La vulnérabilité mène à des connexions profondes et significatives. Et la vulnérabilité peut se manifester par la honte. Voir et reconnaître la cause la honte peut vous conduire à une plus grande ouverture à la connexion plus profonde et significative ».

Vie quotidienne
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A propos de

Anne-Lise a étudié la psychologie pendant 4 ans au Royaume Uni avant de rentre à Maurice pour prendre de l'emploi comme journaliste. Après 3 ans dans la presse écrite, elle occupe désormais le poste de responsable éditorial à Expat.com.

Commentaires

  • olthy33
    olthy33il y a 4 ans(Modifié)
    Tout est résumé dans les toutes premières phrases, c'est un problème qui est lié à la personnalité et non pas à l'expatriation. Dans le cas des expatriés de pays pauvres vers les pays riches, c'est le poids de la société qui impose le départ et la réussite, mais les deux sujets ne sont pas comparables et ne peuvent être traités en même temps.
  • Eureka Del Campo
    Eureka Del Campoil y a 4 ans(Modifié)
    Il y a pas de honte à avoir, quoique vous fassiez vous serez jugé, jugé bêtement, dans les pays Européens disons Latinos, le premier signe de richesse est la voiture, plus elle est grosse plus elle fait de l'effet...Ridicule mais c'est ainsi. Vous n'avez pas à entrer dans les détails de votre vie d'expatriée, vous n'êtes pas obligés de fréquenter les personnes que vous connaissiez avant de partir. (De toute façon les fréquenter ou pas, il y aura des critiques négatives). Passer un coup de chiffon à poussière sur nos relations ne fait de mal à personne, Ils ne saurons jamais qu'être expatrié puis rapatrié vous rend riche d'expériences. Une expérience qu'ils n'auront jamais. Vivre toujours dans la même ambiance ne vous apprend pas à prendre du recul, sur les personnes, sur la vie en génerale. (Je pourrais être plus longue sur ce sujet, mais je ne souhaite pas le faire)

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