Binôme limougeaud-francilien, nous avançons tous les deux vers nos 26 ans dans la chaleur des Caraïbes.
Comment t'est venue l'idée de t'installer en Haïti ?
Une opportunité professionnelle immanquable s'est présentée pour M. Caraïbes, on a eu un mois et demi pour se faire à l'idée et préparer la logistique, et on était dans l'avion.
Depuis combien de temps es-tu partie ? Est-ce la première fois que tu vis loin de chez toi ?
Nous vivons à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, depuis un peu plus d'un an, et avons tous les deux étudié un an à l'étranger dans des pays différents, à six heures de décalage horaire de la France, donc le concept nous était familier.
Comment s'est passée l'installation ?
Plutôt bien dans l'ensemble, nous avons eu la chance d'être très bien pris en charge par l'employeur de Monsieur. Il nous a fallu un petit mois pour trouver notre logement définitif et acheter la voiture (indispensable pour se déplacer facilement), ce qui nous a permis de prendre nos marques et d'être ensuite autonomes. J'ai également pu trouver un travail assez rapidement, ce qui m'a évité de trop tourner en rond comme ça peut arriver à certains conjoints d'expatriés.
Les Haïtiens sont-ils accueillants ?
Le contact se passe globalement bien avec les Haïtiens que nous rencontrons personnellement. Cependant, nous avons remarqué en bougeant un peu dans la Caraïbe que les Haïtiens sont moins ouverts envers les étrangers que dans d'autres pays. On s'habitue, mais au début, j'avais beaucoup de mal à supporter le regard des gens dans la rue : ils vous fixent, le visage fermé, comme si vous aviez deux têtes, et vous suivent du regard tant qu'ils le peuvent. C'est assez pesant. Cela dit, dès qu'on discute avec les gens, ils sont généralement curieux et souriants. Ils trouvent très bizarre qu'un étranger puisse habiter en Haïti sans travailler comme volontaire ou dans le développement ! On ne pensait pas non plus croiser autant d'ONG et d'organisations internationales : elles occupent une bonne partie de l'espace public, on rame un peu pour se familiariser avec tous les sigles…
Qu'est-ce qui t'a le plus surpris en Haïti ?
On s'attendait à une grande pauvreté, et finalement, on trouve des coins très mignons et des produits auxquels on ne s'attendait pas à avoir accès, même si bien sûr le pays est dans l'ensemble très pauvre. J'ai aussi été surprise par la quantité de déchets visibles dans le pays : il y en a partout, c'est assez impressionnant quand on longe la décharge publique de Port-au-Prince. Enfin, les gens ont en général une vision préconçue du comportement des autres : du coup, ils sont complètement déboussolés quand le blan agit d'une façon imprévue, par exemple quand il demande pourquoi il n'y a pas de poisson au restaurant au lieu de manger sagement.
Quelles sont les différences les plus marquantes avec la France, ton pays d'origine ?
Haïti fait partie du tiers-monde, donc tout y est beaucoup plus compliqué qu'en France. C'est un pays où les gens se battent pour leur survie au jour le jour, où la vision est à court terme. Je dirais que tout est différent : les paysages, le niveau de vie de la population, la qualité des infrastructures, les mentalités… La seule chose pour laquelle on n'est pas trop dépaysés, c'est la langue.
Quel est ton meilleur souvenir ?
La visite de la Citadelle du Roi Christophe, au Cap Haïtien. Un monument majestueux, imposant, hors du temps, qui se mérite après une grimpette sportive sous un soleil de plomb, mais offre ensuite une vue magnifique sur le pays. Un must qui vaut le détour.
Sur le plan émotionnel, nous avons assisté à quelques graduations (cérémonies de remise de diplômes), et dans un pays aussi désavantagé qu'Haïti, voir des jeunes prendre leur vie en main et partir vers l'avenir pour essayer d'en faire quelque chose de grand, c'est très fort comme moment.
Est-ce qu'il y a des choses qui te manquent depuis que tu es installée en Haïti ?
La famille et les amis, la nourriture et marcher dehors, dans cet ordre. Les deux premiers c'est un classique de l'expatriation ; pour la marche, les conditions de vie en Haïti sont telles qu'on ne se déplace qu'en voiture, et nos emplois du temps ne nous laissent pas la possibilité de faire du sport. Résultat, quand on a pris des vacances dans d'autres îles et qu'on les a arpentées à pied, on a eu des courbatures ridicules aux mollets.
La vie d'une expat en Haïti, ça ressemble à quoi ?
Haïti sonne exotique, du coup nos amis sont assez déçus de découvrir que notre vie se résume à embouteillages-boulot-dodo la semaine (la circulation à Port-au-Prince est infernale). Le week-end, soit on passe beaucoup de temps sur Internet, soit on fait beaucoup d'heures de voiture (mais assez peu de kilomètres) pour aller respirer hors de la ville, soit dans les mornes dénudés, soit sur les plages de sable blanc devant la mer turquoise (car il y en a, nous vivons quand même dans les Caraïbes !). On passe beaucoup de temps à monter et à descendre, Haïti étant un pays très montagneux ! Sinon, les expats en Haïti forment une communauté assez resserrée : nous n'avons jamais quitté la ville pour aller nous balader sans croiser une connaissance plus ou moins proche lors de notre périple, en particulier à Jacmel, où le surf attire les jeunes expatriés des ONG.
Qu'est-ce qui t'a donné envie d'écrire ce blog ?
Je voulais pouvoir partager notre quotidien avec la famille et les amis, et garder une trace de notre aventure pour plus tard. Et puis j'avais cherché à me renseigner un peu avant le départ, et j'avais été déçue de ne pas trouver de blog en français sur Haïti, donc j'ai essayé d'écrire ce que j'aurais aimé lire !
As-tu déjà rencontré du monde grâce à ton blog ?
Non, nous ne lui faisons pas de publicité pour éviter que nos amis et connaissances professionnelles tombent dessus, ce qui nous obligerait à faire encore plus attention à ce que nous écrivons.
Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à celles et ceux qui souhaitent aller vivre en Haïti ?
Partir avec l'esprit ouvert : Haïti est représenté à l'étranger par le séisme et la pauvreté, mais c'est aussi un pays riche, qui a beaucoup à donner. Cela dit, il faut aussi se blinder un minimum : vous allez rencontrer énormément de situations difficiles, usantes ou poignantes, et il existe le risque de se faire dévorer mentalement.
Sinon, sur le plan matériel : prendre un bon anti-moustiques, acheter une voiture sur place et prendre ensuite des cours de méditation pour garder son self-control face aux comportements délirants des Haïtiens sur la route. Et si vous ne supportez pas le bruit, réfléchissez bien – ou emportez des boules Quiès.