« Cela fait des années que je me suis installée ici avec ma famille, mais c'est la première fois que j'ai témoigné d'une telle situation, même à distance », reconnaît Amelia, une jeune britannique qui vit à Johannesburg. Même si les émeutes ont débuté dans les villes de Durban et se sont poursuivies dans celle de Kwazulu-Natal avant que la situation se calme, la terreur semble bel et bien présente en Afrique du Sud. « Les images que nous avons vues à la télé donnent froid dans le dos : des incendies, des pillages, des morts, on se dirait dans une scène telle d'un film hollywoodien. Hélas, tout cela était bel et bien réel, et c'est inquiétant ». Quand Amelia a choisi de s'installer en Afrique du Sud, elle était bel et bien au courant de l'historique de l'Afrique du Sud. « D'ailleurs, quand j'ai annoncé à mes proches et amis que je m'envolais pour l'Afrique du Sud, tout le monde m'a conseillé d'y réfléchir à nouveau. Ma décision était déjà prise et j'étais sûre de moi. Mais plus maintenant », confie-t-elle.
Mais voit-elle l'avenir de ses enfants dans un pays qui connaît actuellement de telles tensions, sans oublier la progression des variantes de la COVID-19 dans le pays. « Avec mon époux, on a commencé à réfléchir sérieusement. Il est vrai que c'est assez compliqué de voyager pour le moment, surtout avec des enfants, avec toutes les restrictions qui sont en place. Mais je me vois bien rentrer en Angleterre quelque temps, histoire de retrouver une partie de notre famille, avant de décider de notre prochaine destination », confie Amelia. Et elle n'est pas la seule à ressentir ce sentiment d'insécurité qui règne sur le pays depuis la semaine dernière.
Pour Élodie, Française qui a posé ses valises il y a quelques années en Australie après avoir vécu en Afrique du Sud, la paix et la stabilité politique et sociale sont des éléments importants pour les familles avec des enfants, comme la sienne. Elle s'explique : « Depuis la fin de l'apartheid, la situation s'est beaucoup améliorée en Afrique du Sud. C'est du moins ce que nous avons constaté pendant nos nombreuses années de séjour à Durban. Il est vrai que la violence existe, en particulier dans certains quartiers, comme partout ailleurs, mais nous nous sommes sentis relativement en sécurité. Mais je reconnais que je fréquentais principalement d'autres expatriés comme moi, sans doute par mégarde ». Pour Elodie, il est clair que son départ de l'Afrique du Sud fut l'une des meilleures décisions qu'elle ait prise. « Je n'aurais certainement pas voulu que mes enfants grandissent avec de telles frayeurs pour leur sécurité », soutient-elle.
Les images et vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux et dans les médias depuis la semaine dernière sont certes effrayantes. On y voit non seulement des scènes de violence mais aussi des scènes choquantes, comme celle d'une maman contrainte de jeter son enfant par-dessus d'un bâtiment pris en proie par des flammes. « Il est vrai que la tension s'est calmée depuis jeudi par rapport au début de la semaine, mais j'avoue que je m'inquiète pour les amis que j'ai là-bas. Je l'ai appelée ce week-end pour me rassurer qu'ils sont sains et saufs. Mais le risque que la situation se dégrade à nouveau ne me semble pas impossible ».
Les raisons ayant déclenché ces émeutes sont nombreuses, selon les médias internationaux. L'un des éléments déterminants a été l'arrestation, la semaine dernière, de l'ancien Président Jacob Zuma. Pour rappel, dans un jugement rendu le 28 juin dernier, Jacob Zuma a écopé d'une peine de 15 mois de prison. Lors de son arrestation, il a toutefois proféré des menaces d'un bain de sang. Une menace qui n'a pas tardé à être mise en exécution par ses fidèles suiveurs. Au total, ces émeutes ont entraîné au moins 200 décès et plusieurs centaines de blessés. Les autorités sud-africaines ont également fait état de 1 234 arrestations en fin de semaine. Mais il est clair, pour les expatriés, qui sont sur place, que ce n'est pas la seule raison.
En effet, la pandémie de COVID-19, qui perdure, a également entraîné une crise sociale sans précédent. « Le pays connaît actuellement l'une des pires crises économiques de son histoire, sans compter la hausse du taux de chômage. Je pense que les gens en avaient tout simplement ras le bol et que l'arrestation de Jacob Zuma a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase », soutient Jacob, un Sud africain qui vit aujourd'hui au Royaume-Uni. Il est clair, pour lui, que les gens sont loin d'être des supporters de l'ancien Président Zuma. D'autant que les violences avaient débuté le 9 juillet dernier à Kwazulu Natal, la province natale de Jacob Zuma, pour ensuite se poursuivre ailleurs.
A savoir que le procès de l'ex Président Jacob Zuma a repris lundi. Ce dernier est accusé de corruption d'État et de blanchiment sous sa présidence de 2009 à 2018. Même si les choses se sont relativement calmées depuis la fin de la semaine dernière, les expatriés comme les Sud africains vivent actuellement dans la crainte de représailles. Ils étaient d'ailleurs nombreux à lancer des appels à la paix sur les réseaux sociaux ces derniers jours.