Quels pays disent non à la double nationalité ?
En 2017, les négociations sur le Brexit plongent le monde dans un inconnu inquiétant. Les quelque 100 000 résidents néerlandais s'inquiètent. Comment continuer de séjourner au Royaume-Uni ? Pourront-ils demander la nationalité britannique tout en conservant la leur ? Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas, douche tous leurs espoirs. « Si les liens qu'entretiennent les citoyens avec un autre pays sont devenus plus forts que ceux qui les lient aux Pays-Bas, alors la nationalité néerlandaise doit cesser », déclare-t-il le 17 juillet 2017. Certes, la loi néerlandaise est claire ; la révision de 2010 réaffirme que « l'acquisition volontaire d'une autre nationalité » provoque automatiquement la perte de la nationalité néerlandaise. Mais dans le flou du Brexit et de ses interminables négociations, certains espéraient une souplesse de la part des États. Pourquoi pas, une avancée, en autorisant la double nationalité. Mark Rutte anéantit tous les espoirs. Brexit ou pas, les Néerlandais doivent choisir : ou le Royaume-Uni, ou les Pays-Bas. Indignation de l'opposition socialiste et sociale-libérale. Pour Sjoerd Sjoerdsma, co-rapporteuse d'une proposition de loi autorisant la double nationalité, « l'idée que la loyauté à un pays doive être conditionnée à un changement de passeport est dépassée ». Mark Rutte reste sur sa position. « Lutter contre la double nationalité reste un objectif de mon gouvernement ». D'aucuns rappellent pourtant que la reine des Pays-Bas possède la double nationalité grâce à son mariage. C'est en effet l'une des exceptions (avec l'adoption) permettant d'avoir la double nationalité.
Estonie, Lettonie, Pays-Bas, Andorre, Azerbaïdjan, République démocratique du Congo, Cameroun, Chine, Indonésie, Laos, Mexique, Malaisie, Norvège, Vietnam, Japon… Eux aussi interdisent la double nationalité. Danger pour les uns, signe d'ouverture pour les autres, la double nationalité interroge une vision du monde, de la culture, des échanges entre les individus. Dans quelle mesure peut-elle remettre en cause les projets de vie à l'étranger ?
Quand la double nationalité contrarie les projets d'expatriation
Que faire quand le pays n'accepte pas la double nationalité ? Renoncer à sa nationalité est bien plus qu'une affaire de passeport. C'est tout le projet de vie à l'étranger qui est remis en cause. Il faut prendre le temps d'analyser ce que représente la nationalité et le fait de vivre dans un pays donné :
- Le candidat à l'expatriation a-t-il déjà une expérience de vie à l'étranger ?
- Réside-t-il dans son pays d'accueil depuis longtemps ?
- Participe-t-il à la vie politique, associative, au niveau local et/ou national ? Souhaite-t-il le faire (voter, s'engager en politique, etc.) ?
- Ne pas avoir la nationalité du pays d'accueil freine-t-il son évolution professionnelle (ne pas pouvoir accéder à certains emplois de la fonction publique, par exemple) ?
- Ne pas avoir la nationalité du pays d'accueil freine-t-il certains projets (immobiliers, par exemple) ?
- Acquérir la nationalité du pays d'accueil marque-t-il, pour lui, la continuité de son projet de vie ?
- Acquérir la nationalité du pays d'accueil est-il, pour lui, la preuve d'une réelle intégration ? - Est-il déjà bien intégré dans le pays d'accueil (connaissance de la langue, de la culture, etc.).
- Jusqu'où est-il prêt à aller pour devenir résident permanent de son pays d'accueil ?
- A contrario, pourrait-il adapter son projet d'expatriation pour conserver sa nationalité ?
Avantages et inconvénients de la double nationalité
Passer du statut de résident temporaire à celui de résident permanent, tout en conservant ses droits dans son pays d'origine, présente de nombreux avantages. Plus de visa à renouveler. Possibilité de voter, et donc, de prendre part à la vie politique du pays. Possibilité de travailler dans la fonction publique, de bénéficier d'aides sociales, d'une couverture médicale. Possibilité de voyager dans un plus grand nombre de pays en profitant des avantages inclus dans les deux passeports…
La double nationalité a aussi des inconvénients. On oublie souvent que si la citoyenneté octroie des droits, elle donne aussi des devoirs. Il faut respecter le droit en vigueur dans le pays d'accueil. La double nationalité n'est pas un « passeport voyage » sans aucune contrepartie, au contraire. Obtenir la nationalité américaine tout en conservant la sienne expose ainsi au devoir de payer ses impôts auprès du fisc américain, que l'on réside ou non sur le territoire. En effet, aux États-Unis, le principe veut que tout citoyen américain paie ses impôts, quel que soit l'endroit où il réside. Beaucoup d'« Américains accidentels » sont ainsi contraints de payer leurs impôts aux États-Unis, même s'ils n'y vivent plus depuis des années ou n'y ont jamais vécu (s'ils sont nés aux États-Unis, mais ont grandi à l'étranger, par exemple). Seule solution : renoncer à sa nationalité américaine. Mais la procédure est longue et coûteuse.
Avant de renoncer à sa nationalité, mieux vaut prendre le temps d'analyser les avantages et les inconvénients de la démarche. La procédure est lourde de conséquences. Pour certains, elle est l'aboutissement du projet de vie à l'étranger. Pour d'autres, une simple formalité permettant de faire des affaires plus facilement, de profiter des avantages fiscaux, sociaux liés au pays. D'autres encore soulignent l'importance du multiculturalisme. Loin d'être une « trahison » envers son pays d'origine, la double nationalité traduit, pour eux, le multiculturalisme observé au quotidien. Difficile, dans cette acception, de renoncer à une nationalité au bénéfice d'une autre. À chaque individu de s'interroger sur les motivations profondes qui le feraient renoncer à sa nationalité, ou au contraire, adapter son projet de vie pour la conserver.