L'Espagne et le Portugal, les deux pays ensoleillés qui composent la péninsule ibérique au sud de l'Europe, ont tous deux récemment lancé de nouveaux visas d'une durée d'un an pour nomades numériques dans le but d'attirer des télétravailleurs sur leurs territoires. Sur un autre continent, c'est le Costa Rica, autre destination prisée pour son climat exceptionnel et sa nature luxuriante, qui convertit les visas touristiques de courte durée en visas long séjour pour nomades numériques. Le monde postpandémique a engendré de nouvelles tendances au niveau des modes de travail et de voyages, et les pays précités veulent en tirer le meilleur parti.
En quoi le nomadisme numérique profite-t-il à ces pays ?
Globalement, l'industrie du tourisme a dû se réinventer après la pandémie. Le choc économique de ces deux dernières années a rendu impératif l'élaboration de nouveaux concepts susceptibles d'attirer plus de voyageurs étrangers, et de les inciter à consommer localement. La normalisation du télétravail depuis les confinements liés à la COVID-19, ainsi que l'augmentation du nombre de travailleurs indépendants qui ont délaissé des emplois de bureau pendant la grande démission aux États-Unis, ont transformé les nomades numériques en une classe de voyageurs à part entière.
Dans ce contexte, de nombreux pays sont en train de créer des visas spécifiquement dédiés aux nomades numériques. De telles dispositions donnent aux travailleurs itinérants qui perçoivent des revenus mensuels de l'étranger d'au moins 1 500 USD, le droit de vivre dans le pays pendant des périodes allant de 6 mois à 2 ans. Ce type d'arrangement présenterait de nombreux avantages pour le pays d'accueil. On parle ainsi de télétravailleurs qui injecteraient de précieuses devises dans l'économie, en déboursant non seulement dans des dépenses quotidiennes telles que le loyer, la nourriture, ou les services publics, mais aussi dans les secteurs des loisirs et de l'hôtellerie, comme dans les centres commerciaux, restaurants, stations balnéaires, entre autres. Ces « touristes à long terme » d'un nouveau genre, pourraient de cette façon, contribuer à accélérer la reprise de l'industrie hôtelière.
Dans le même temps, comme ils ne sont pas autorisés à travailler localement, les nomades numériques ne constituent pas une concurrence pour les travailleurs locaux. Ils n'exercent pas non plus de pression sur les services publics du pays, car il leur est généralement requis d'avoir une assurance santé privée, d'autant plus qu'ils ne sont pas éligibles aux prestations de la sécurité sociale. D'autre part, l'établissement de nouveaux contacts avec la population locale permet de jeter des ponts culturels et d'encourager l'échange de connaissances et de savoir-faire.
Nomadisme numérique : des visas d'une durée d'un an au Portugal et en Espagne
Début octobre, le gouvernement portugais a annoncé le lancement prochain d'un nouveau visa pour nomades numériques appelé « visa de résidence pour l'exercice d'une activité professionnelle fournie à distance en dehors du territoire national ».
Ce visa devrait permettre aux télétravailleurs originaires de pays n'appartenant pas à l'Espace économique européen (EEE) de vivre dans le pays pendant 12 mois, à la principale condition de gagner quatre fois le salaire minimum portugais, soit à l'heure actuelle, des revenus mensuels de l'ordre de 2 800 euros (environ 2 750 USD). Bien évidemment, ils devront être rémunérés par une entreprise basée à l'étranger ou à travers des contrats freelance provenant hors du Portugal. Après un an, ils pourront demander la résidence s'ils souhaitent rester plus longtemps dans le pays.
Ce nouveau visa est complémentaire au visa portugais D7, qui ne concerne que des individus à revenus passifs. Ce dernier permet aux expatriés provenant des pays hors l'EEE de bénéficier de certains avantages lors d'un long séjour au Portugal. Cependant, le titulaire d'un D7 ne doit compter que sur des revenus passifs, tels qu'une pension, des rentes ou des revenus issus d'investissements. En revanche, les nomades numériques seront tenus de gagner de l'argent en travaillant activement. Les titulaires d'un visa D7, dont beaucoup sont des retraités, ont également une exigence de revenu plus faible : seulement le salaire minimum.
De par son appartenance à l'Union européenne, son faible coût de la vie, son climat ensoleillé, son histoire et son architecture, le Portugal est un pays très prisé des expatriés. On y retrouve également une douceur de vivre et un style de vie détendu, empreints de saudade. Mais son système bureaucratique est réputé pour être très alambiqué. Sur Euronews, certains expatriés affirment même que leur enthousiasme à l'égard de ce nouveau visa est refroidi par la crainte de devoir faire face à de nombreuses formalités administratives pour l'obtenir. Par rapport à cela, les autorités portugaises doivent encore fournir les détails sur la procédure de demande, avec notamment la date de lancement officiel.
Voisine du Portugal, l'Espagne a elle aussi annoncé en début de l'année 2022, la création d'un visa pour nomades numériques similaire. Ce visa sera également valable un an, mais il pourra être renouvelé pour un maximum de 5 ans. Le seuil de revenu minimum n'a pas encore été communiqué, mais il tournera probablement autour de 2 000 - 3 000 euros, comme au Portugal. Il devrait également offrir des avantages fiscaux, et chose inhabituelle pour ce type de visa. En effet, il devrait permettre aux nomades numériques de tirer une partie de leurs revenus en Espagne, comme le rapportent Forbes et Euronews. En guise de mesure incitative, les nomades ne seront imposés qu'à hauteur de 15 % au lieu des 25 % prévus durant leurs quatre premières années de séjour en Espagne. Ils seront probablement autorisés à générer un maximum de 20 % de leurs revenus à partir d'entreprises espagnoles. Par ailleurs, les personnes à charge (conjoint et enfants) du titulaire du visa devraient également pouvoir les rejoindre sans demande supplémentaire.
L'Espagne peut se targuer d'avoir l'une des connexions internet les plus rapides d'Europe. Il sera donc facile pour les nomades numériques de travailler depuis n'importe où, même depuis les petites villes et les villages. Quant aux villes, et Barcelone en particulier, elles s'efforcent de se transformer en pôles technologiques capables d'accueillir des start-ups et les nomades numériques. Cela s'explique par la volonté de se défaire d'une forte dépendance au tourisme, qui est devenu un secteur très vulnérable depuis la pandémie.
Le Costa Rica souhaite faire du touriste régulier un nomade numérique
Ailleurs dans le monde, c'est un petit pays d'Amérique centrale qui tente de surfer sur la vague du nomadisme numérique. Le Costa Rica, qui peut se vanter d'un climat ensoleillé, d'une biodiversité incroyable, d'un faible taux d'imposition et d'une stabilité politique, veut s'imprégner du nouveau phénomène. L'office du tourisme du pays a, en effet, remarqué que certains touristes récurrents, c'est-à-dire, ceux qui visitent le pays plus d'une fois, étaient en fait des nomades numériques. Les autorités costaricaines ont ainsi décidé de les reconnaître officiellement, en créant un visa spécifiquement dédié à ce genre de visiteurs.
Pour accéder à ce type de visa (DNV - Digital Nomad Visa), la justification d'un revenu mensuel extraterritorial de 3 000 USD pour une personne seule, (donc plus élevé qu'au Portugal) est requise. Si les demandeurs viennent avec leur famille, ils devront faire preuve d'un revenu d'au moins 4 000 USD par mois. Ce seuil de revenu élevé vise à garantir que les nomades numériques disposent de fonds nécessaires à leurs dépenses de base dans le pays. Mais pas seulement ! Ces revenus devraient également leur permettre de consommer dans les secteurs des loisirs et de l'hospitalité, devenant ainsi des touristes longs séjours qui stimuleront l'économie du pays.
Le DNV permettra donc aux télétravailleurs de séjourner au Costa Rica, dans un premier temps, pendant trois mois, avant de prolonger éventuellement leurs séjours jusqu'à deux ans. En comparaison, un visa touristique normal n'est valable que 90 jours. Et contrairement aux visas espagnol et portugais, qui sont encore en cours de finalisation, le DNV du Costa Rica est déjà entré en vigueur depuis juillet 2022. S'il est ouvert aux travailleurs à distance de toutes nationalités, les autorités cherchent surtout à attirer les Américains. Le ministre de l'Environnement du Costa Rica, Carlos Manuel Rodríguez, a déclaré que si le pays parvenait à attirer 0,5 % des 3 millions de nomades numériques en provenance des États-Unis, il aurait de très fortes chances d'atteindre ses objectifs économiques.