Quelque 44,8 millions de citoyens Français s’apprêtent actuellement à choisir leur nouveau gouvernement. Mais à quelques mois seulement de la tenue des prochaines législatives, l’État est venu annoncer, le lundi 6 mars, l'annulation du vote électronique pour les Français de l’étranger. Une décision qui, depuis, soulève des vagues d'indignation. Mais qu'en pensent les Français vivant aux quatre coins du monde ? Expat.com leur a posé la question.
Le vote électronique existe en France depuis 2012 pour les Français de l'étranger. Ce système leur permet de voter depuis l'étranger aux législatives. En revanche, pour des raisons de sécurité, le vote à l'élection présidentielle est conduit soit par correspondance ou dans les bureaux installés aux consulats français à l'étranger. Cette année, la France a choisi de jouer la carte de la prudence en raison du niveau élevé de menaces de cyberattaques lors de la tenue des prochaines législatives. Les allégations de piratage à la présidentielle américaine en 2016 ont certes défrayé la chronique.
1,7 million de Français affectés
Des 2,5 millions d'expatriés français vivant aux quatre coins du monde, seuls 1,78 millions sont inscrits au Registre des Français de l'étranger. Bien que le nombre d'électeurs basés à l'étranger reste relativement faible, soit seulement 2% du corps électoral, la suspension du vote électronique pourrait avoir des conséquences sur les prochaines législatives. Néanmoins, ceux qui souhaitent exprimer leur voix pourront toujours le faire en personne au consulat français s'ils sont inscrits sur les listes électorales, ou encore, par correspondance.
Ce qu'en pensent les Français de l'étranger
Les réactions divergent depuis l'annonce faite en début de semaine. Si pour certains, il s'agit d'une décision visant à assurer une plus grande sécurité lors de la tenue des élections, d'autres parlent de manoeuvre politique. Aline, expatriée française en Allemagne, estime qu'il est plus que jamais temps de se mobiliser pour faire entendre la voix des Français de l'étranger. « D'un côté, je trouve cela scandaleux, mais de l'autre, j'imagine à quoi le porte-parole du gouvernement a voulu faire référence en évoquant l'aspect sécuritaire. Il n'empêche que nous sommes au 21e siècle. Je pense qu'il devrait y avoir d'autres alternatives pour permettre aux Français de l'étranger de voter ».
Un avis que partage Philippe, expatrié en Thaïlande. D'ailleurs, étant donné qu'il sera en déplacement en France métropolitaine pendant la tenue des élections, il ne pourra tout simplement pas voter. « C'est une honte. Ne pas être capable de garantir la sécurité d'un système de vote électronique me semble aberrant ! Mais c'est peut-être un faux prétexte, le gouvernement ne voulant tout simplement pas développer ce genre de vote ou, ayant peur du résultat, veut limiter de nombre de participants au vote ! » Pour lui, voter de chez soi est une chose des plus simples, mais se déplacer pour voter, surtout lorsque l'on vit loin d'un consulat ou d'une ambassade, n'est pas chose facile et peut être rédhibitoire.
Expatriée en Espagne, Chrystel s'avoue également déçue par cette annonce, d'une part parce qu'elle habite assez loin du consulat et de l'autre parce qu'elle avait participé au test du vote électronique. « Curieusement, en plein milieu du vote pour le second tour, il y a eu un gros bug et le test a été interrompu. Ceci explique peut-être cela », confie-t-elle. Elle trouve cependant dommage que cette annonce soit si tardive, n'ayant plus la possibilité de faire la demande auprès du consulat pour voter par voie postale, la date buttoir ayant été le 1er mars 2017. Même si elle aurait tout de même préféré voter par voie électronique, Chrystel compte tout de même parcourir les 100 kilomètres aller-retour pour aller voter au consulat de Séville, sauf en cas de d'empêchement majeur. Serge, expatrié au Portugal, en profite pour déplorer l'absence de bureaux de votes dans l'Algarve qui compte tout de même une forte communauté française.
Aux États-Unis, Bénédicte, une expatriée française, ne cache pas non plus son mécontentement. « On nous a fait toute une histoire au sujet du vote électronique pour les élections : des tests à répétition, de nombreux e-mails, pour l'annuler au final ! ». D'ailleurs, habitant à une heure du bureau de vote le plus proche de chez elle et travaillant souvent le dimanche, elle n'est pas sure de pouvoir aller accomplir son devoir civique. Partageant le même avis, bien qu'il habite tout près du consulat, Steven n'a pas encore décidé s'il ira voter ou pas. Il s'agit, pour lui, d'une décision injuste pour les personnes qui auraient voulu exprimer leur voix.
Voter au consulat ou par procuration : une option envisageable
Privé du vote électronique ? Aucun problème ! Alain, qui habite à seulement 15 minutes du consulat de France, à Ho Chi Minh, avait de toute façon prévu d'aller voter. Il reste néanmoins solidaire de ceux qui vivent dans de petites villes excentrées, où il n'est pas forcément facile de se déplacer. « S'il s'agit de perdre une journée en bus pour aller voter, il est certain que beaucoup s'abstiendront de participer au scrutin. Pour ma part, cela ne changera pas grand chose à mes orientations politiques, à part le fait de ne pas voter pour des candidats ayant pris part à cette décision de pénaliser une partie de la population française ».
Expatrié en Allemagne, Alexandre envisage également d'aller voter au consulat de Munich ou tout simplement par courrier. Au fond, l'annulation du vote électronique ne représente pas grand chose pour lui. On pourrait presque dire qu'il s'y attendait, même s'il essaie de se mettre à la place de ceux qui seront, cette année, privés de cette modalité de vote. « Cela entrainera forcément un taux plus élevé d'abstention des Français de l'étranger. Toutefois, sans être expert de la chose, j'imagine qu'organiser un vote à distance sécurisé à l'échelle mondiale nécessite plus d'argent que d'ouvrir une série de bureaux de votes physiques et demande aussi une expertise que le gouvernement n'a pas le temps de mettre en place », dira-t-il.
Éric, qui vit au Vietnam depuis de nombreuses années, dit ne tout simplement pas faire confiance au vote électronique compte tenu des risques de piratage partout dans le monde. D'ailleurs, vu qu'il sera en déplacement professionnel pendant la tenue des élections, il a choisi de voter par procuration. « Pour moi, rien ne change, mais je comprend ceux qui ne pourront pas voter par procuration à cause d'un changement de dernière minute ».
Le vote par procuration reste une option envisageable également pour Bernard, expatrié en Thaïlande, bien qu'il exprime ses réserves quant aux raisons avancées par le gouvernement. « Des doutes ont été émis sur la récente élection présidentielle aux États-Unis et c'est peut être cela qui a conduit les autorités françaises à cette décision. Je suis surpris qu'il ne soit pas possible aujourd'hui de mettre au point un système fiable à l'abri des tentatives de piratage ». Il dit néanmoins avoir remarqué, dans son entourage, que peu de personnes sont réellement motivées par cette élection.
L'indifférence à l'égard des législatives
Il faut dire que la France ne fait pas que des mécontents. En effet, ils sont aussi nombreux à être indifférents à l'égard de l'annulation du vote électronique, à l'exemple d'Olivier qui vit aux États-Unis depuis plus d'une quinzaine d'années. Pour lui, ce n'est pas la peine de faire quatre heures de route pour se rendre au bureau de vote le plus proche, soit à San Francisco. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a tout simplement choisi de ne pas voter aux prochaines législatives.
Pour d'autres, le fait de quitter son pays pour aller vivre ailleurs représente un choix : celui de changer de vie et de tout laisser derrière, sauf bien sûr lorsqu'il s'agit d'accomplir certaines procédures. C'est notamment le cas de Patricia, expatriée en Espagne : « Quand on décide de quitter son pays pour vivre ailleurs, quel que soit le motif de ce départ, il faut s'attendre à un moment ou un autre à se retrouver en face de certaines contraintes. C'est le cas, par exemple, lorsqu'il faut faire renouveler son passeport. On est tenu de se rendre physiquement à l'ambassade ou au consulat le plus proche. Pour certains, cela représente des frais (avion, hôtel), mais ça fait partie du « package ». Le vote électronique est annulé ? Certains ne pourront pas voter ? Cela fait aussi partie du package », dira-t-elle.
Pour Patricia, le choix de vivre à l'étranger lui a permis de tirer un trait sur pas mal de choses et elle estime ne pas avoir à intervenir sur la vie politique d'un pays duquel elle se détache, peu à peu.