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Comment savoir qu'il est temps de quitter son pays ?

jeune femme tirant sa valise
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Écrit parAsaël Häzaqle 14 Juin 2024

L'expatriation est loin d'être conforme à l'image idéale véhiculée par l'inconscient collectif. L'image gomme bien souvent les contraintes du voyage, et se garde bien d'insister sur certaines circonstances qui ont poussé à quitter son pays. Mais lorsqu'on ne se sent plus à l'aise chez soi, le départ semble être la seule issue. C'est le choix de ces expatriés, en quête d'une vie ordinaire qu'ils ne pouvaient obtenir chez eux.

Expatriation sous la contrainte

Bien que critiqué pour sa méthodologie, le livre La France, tu l'aimes, mais tu la quittes met en lumière une tendance inquiétante. Pour ses auteurs, Alice Picard, Olivier Esteve et Julien Talpin, la France ferme les yeux depuis trop d'années. Le livre donne justement la parole à ces Français contraints de s'expatrier. Ils sont jeunes, diplômés, de confession musulmane, et se sentent de plus en plus stigmatisés en France. Pour eux, le malaise va croissant depuis les attentats de 2015, avec, à chaque nouveau drame, l'impression d'être pointé du doigt, y compris au plus haut sommet de l'État. La suppression de l'abaya en août 2023 est perçue comme l'un des derniers signes de cette stigmatisation.

Partir pour travailler à la hauteur de ses compétences

On aime glamouriser l'expatriation. Les expatriés seraient les aventuriers modernes partant vivre « la grande vie ». La réalité est plus contrastée, et révèle de nombreuses expatriations douloureuses. Ce dernier recours n'est donc pas réservé aux populations pauvres, que l'on aime cantonner dans le mot « migrants ». Les directeurs, cadres supérieurs, jeunes diplômés et managers migrent aussi pour faire valoir leurs compétences à l'étranger. S'ils ont pu effectuer de brillantes études dans leur pays, ils constatent que les portes du marché de l'emploi leur sont fermées ou presque. Ils n'accèdent pas aux postes correspondant à leur niveau d'étude ; ils gagnent moins ; ils remarquent une différence entre leur position et celle des autres. Pour eux, ce sont des signaux qui, avec le temps, justifient l'expatriation.

Cette différence, les Français musulmans expatriés à l'étranger l'évoquent avec émotion. Difficile de quantifier ces départs. En France, les statistiques ethniques et religieuses sont en principe interdites (loi de 1978). Certaines études notent environ 200 000 départs depuis 2015. Julien Talpin parle de « des milliers, voire des dizaines de milliers » de Français de confession musulmane qui auraient quitté la France pour ne plus subir le racisme quotidien. Un racisme particulièrement visible, selon eux, sur le marché du travail : difficulté à obtenir un entretien d'embauche, un emploi (et un emploi à la hauteur de ses compétences), une promotion… Expatriés au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Allemagne, ils estiment pouvoir enfin travailler dans de bonnes conditions.

Expatriation des femmes : briser le plafond de verre

Dans quels pays les femmes devraient-elles s'expatrier pour obtenir un poste à la hauteur de leurs compétences ? C'est la question que se posent de nombreuses candidates à l'expatriation. Certaines racontent avoir sauté le pas pour briser le plafond de verre. Leur entreprise réservait ses missions à l'étranger aux hommes. L'expatriation devenait la seule issue pour faire carrière. Cette vision de l'expatriation exclusivement masculine (avec celle du golden expat et du cool expat) n'a certes plus la côte, mais continue d'impacter le marché du travail international. Les femmes qui quittent leur pays évoquent une lassitude face à un marché du travail gangréné par le sexisme, le racisme, les discriminations liées au handicap... Problème : de nombreux États sont encore en retard sur ces questions.

Selon une récente étude du journal The Economist l'Islande, la Suède, la Norvège et la Finlande sont les pays où « le rôle et l'influence des femmes sur le marché du travail » est le plus marqué. Sans surprise, les pays nordiques, plus avancés sur la question du droit des femmes, caracolent en tête des pays de l'OCDE. Ainsi, les femmes occupent 40 % des postes de direction en Suède. Mais pas sûr de conserver les mêmes chiffres en évoquant les origines des travailleuses, ou la présence d'un handicap.

L'intelligence artificielle (IA) pourrait même contrarier les projets d'expatriation. En janvier 2024, l'exécutif autrichien s'est trouvé bien embarrassé devant son IA, accusée de sexisme. L'outil, développé avec OpenAI (à l'origine de ChatGTP) devait orienter les demandeurs d'emploi. Problème : il est bourré de préjugés, notamment sexistes. Les hommes peuvent postuler en informatique, mais pas les femmes, qui sont poussées vers la restauration, quand bien même elles auraient un CV identique à celui des informaticiens.

Quitter son pays pour se fondre dans la masse à l'étranger

A priori, rien de plus banal que de se balader dans une rue de son quartier. Le banal est pourtant devenu une épreuve trop difficile pour ceux qui ont choisi de quitter leur pays. Ils décrivent un quotidien pénible, fait de regards insistants, d'amalgames dérangeants. Certains propos entendus sont pourtant condamnables par la loi, mais comment les prouver ? Et quand bien même elles le pourraient, les victimes évoquent des contraintes trop fortes, qui peuvent même venir de l'État lui-même.

Les expatriés qui quittent leur pays n'ont pas pris la décision à la légère. Nombre d'entre eux auraient aimé rester. Mais ils se disent forcés de quitter leur famille, leurs racines, pour recréer une vie ailleurs. En Italie et dans les pays d'Europe de l'Est, l'émigration chronique des jeunes diplômés affole les gouvernements. D'aucuns parlent « d'exode » et de « fuite des cerveaux ». Une menace pour l'économie à court et long terme, d'autant plus que ces pays subissent aussi la baisse démographique. Car les jeunes candidats au départ n'attendent pas une éventuelle amélioration de leur situation. Pour eux, c'est « tout de suite » qu'il faut quitter son pays. Ils partent pour accéder à de meilleures conditions de travail et gagner plus. Si certains envisagent de rentrer au pays un jour, peu mettent cette volonté en pratique. Ils travaillent à l'étranger, s'y marient, y fondent leur famille…

Mais ces expatriés refusent de « porter le chapeau » de la désertification de leur État. Difficile pour eux de penser macro-économie quand le pays ne propose aucune perspective. Les gouvernements tentent des campagnes de retour au pays (en 2021, la Croatie propose une prime allant jusqu'à 26 000 pour ses ressortissants expatriés), avec cependant peu d'effets. Il en faudra plus pour ramener les expatriés au pays.

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A propos de

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.

Commentaires

  • ericparisnysydney
    ericparisnysydneyil y a 6 mois

    Il y a beaucoup de pays où les judéo chrétiens ne peuvent pas vivre normalement. C est une utopie que de penser à un pays où toutes les religions cohabitent sans discrimination aucune sur le plan du travail, des échanges,du droit des femmes...etc J ai vécu sur l Ile Maurice et aux Etats Unis toutes les religions cohabitent mais il y a beaucoup de discrimination.

    Il faut respecter l expatriation c est une liberté de choisir même si c'est à regret pour certains mais on ne peut pas imposer dans un pays des cultures différentes qui prennent un pouvoir de plus en plus important, il ne faut quand même pas oublier le principal disposer chez soi du droit de faire vivre sa propre culture. Le multiculturalisme est une idéologie vouée à l échec .

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