Crise au Kenya : manifestations sanglantes suite aux nouvelles taxes de 2024

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Écris par Natallia Slimani le 03 juillet, 2024
La récente réforme fiscale au Kenya a déclenché des manifestations et des troubles intenses. Selon la BBC et France 24, au moins 39 personnes auraient été tuées lors des manifestations, tandis que les médias locaux annoncent un bilan de 19 morts. La situation s'est aggravée ces dernières semaines, attirant l'inquiétude de la communauté internationale.

La réforme fiscale à l'origine des manifestations

Le projet de loi de finances qui a déclenché les manifestations visait à introduire de nouvelles taxes et des frais sur une gamme de produits et services de base. L'une de ces mesures est l'introduction d'une TVA de 16 % sur des produits essentiels comme le pain et les couches. La hausse des taxes sur les données Internet, le carburant, les transferts bancaires ainsi que d'autres services faisaient également partie du projet de loi. Le gouvernement kenyan justifie ces hausses d'impôts par la nécessité de collecter des recettes domestiques supplémentaires. Cependant, compte tenu du coût de la vie déjà élevé dans le pays, les nouvelles règles fiscales impacteront la vie de nombreux citoyens de manière significative, y compris celle des expatriés.

La réaction de la population locale, indignée et désespérée, ne s'est pas fait attendre. Les Kenyans ont été nombreux à exprimer leur opposition à l'imposition des produits de première nécessité sur les réseaux sociaux. Pour eux, cette pression financière supplémentaire aggrave les difficultés financières qu'ils rencontrent déjà au quotidien.

Il est toutefois important de noter que la réaction agressive de la population au projet de loi des finances 2024 a des racines plus profondes. Une des promesses clés de la campagne électorale du Président actuel était d'améliorer les conditions de vie de la population à faible revenu et de lutter contre la corruption. Cependant, les Kenyans sont nombreux à estimer que le Président n'a pas tenu ses promesses. Au cours de son mandat, William Ruto a particulièrement mis en œuvre plusieurs hausses d'impôts qui n'ont pas été suivies d'une amélioration des services sociaux correspondantes. A titre d'exemple, une nouvelle loi fiscale en 2023 a doublé les taxes sur le carburant.

Il faut aussi garder à l'esprit que ces nouvelles taxes surviennent en pleine crise économique dans le pays, entrainée par une dévaluation de 22 % du shilling kenyan par rapport au dollar américain en 2022. Si les prix des produits alimentaires de base, des transports publics et de l'énergie ont grimpé en flèche, les revenus de la plupart des citoyens kenyans sont restés pratiquement inchangés.

Xenia, expatriée à Nairobi jusqu'en 2023, se souvient des hausses de prix et de l'inquiétude de ses collègues kenyans. « Je me souviens que pendant mon séjour à Nairobi, les prix des premières nécessités ne cessaient d'augmenter. Même si ce n'était pas beaucoup, c'était tout de même notable, même pour moi, avec mon salaire en dollars américains. Mes collègues parlaient toujours des moyens d'économiser de l'argent et de l'endroit où ils pouvaient acheter de la nourriture aux 'anciens' prix. Il est facile de comprendre leur frustration. »

L'impact sur les expatriés au Kenya

La nouvelle réforme fiscale présente également des défis pour les expatriés au Kenya. La cherté de la vie en raison de la hausse des taxes affectera toutes les personnes qui vivent dans le pays. Il est vrai que certains expatriés au Kenya, en particulier ceux travaillant pour des entreprises internationales ou des missions diplomatiques, touchent généralement un revenu plus élevé par rapport à la population locale. Pour eux, il y a des chances que ces nouvelles ne soient pas aussi dévastatrices. Cependant, l'instabilité et la violence liées aux manifestations constituent une menace directe pour la sécurité de l'ensemble de la population.

Les entreprises opérées par ou employant des expatriés risquent également de connaître des perturbations non seulement dues à l'impact économique des hausses d'impôts proposées, mais aussi aux défis opérationnels liés aux manifestations de rue et à la réponse du gouvernement.

La réaction des autorités face aux manifestations

Pour calmer les manifestations, le Président kenyan William Ruto a eu recours à l'armée. Il a également exprimé la position ferme du gouvernement contre « la violence et l'anarchie". Les mesures utilisées pour réprimer les manifestations ont été jusqu'à présent très controversées. De nombreux articles relayés par les médias internationaux font état de la présence de la brigade anti-émeutes utilisant des munitions réelles contre les manifestants. De nombreux décès ont également été signalés. Une situation qui inquiète la communauté internationale, exhortant les autorités kenyanes à trouver une résolution pacifique.

Malgré la répression violente et les victimes, les manifestants semblent avoir atteint leur objectif. Le Président William Ruto a déclaré qu'il ne signerait pas le projet de loi fiscal controversé. Cependant, pour certains, il ne s'agirait que d'un recul temporaire pour lui permettre de gagner du temps et de calmer les troubles.

La sécurité des expatriés au Kenya

De nombreuses ambassades ont déjà émis des mises en garde à leurs citoyens concernant le Kenya, qualifié de destination dangereuse. Une vidéo publiée par 7NewsTV montre un aéroport bondé principalement de ressortissants étrangers attendant de s'enregistrer pour des vols au départ du pays.

Même s'il semble que les manifestants ont atteint leur objectif, la réponse violente du gouvernement ainsi que la situation économique complexe à laquelle le pays est confronté poussent de nombreux manifestants à se tourner vers X (anciennement Twitter) avec des appels à de nouvelles manifestations cette semaine. Certains exigent la démission du Président du pays.

En prévision de nouvelles manifestations, Nairobi reste sous la surveillance des forces de l'ordre. Il est donc recommandé aux expatriés qui se trouvent au Kenya pendant cette période et ne prévoient pas de quitter le pays de faire preuve de prudence. Si vous n'êtes pas encore inscrit auprès de votre ambassade, pensez à les contacter pour leur faire part de votre situation et de votre localisation actuelle. Gardez à l'esprit que vous pouvez toujours contacter votre ambassade pour obtenir des informations et de l'aide en cas d'urgence.

Restez informé de la situation via les sites d'information internationaux, mais aussi les canaux locaux qui réagiront plus rapidement aux nouveaux développements.

Évitez de vous retrouver dans les zones où des manifestations et des grands rassemblements ont lieu, même si elles semblent pacifiques.

Dans l'ensemble, il vous est fortement conseillé de faire preuve de vigilance en cette période. Si vous avez des craintes, n'hésitez pas à entrer en contact avec d'autres expatriés et cherchez des informations auprès de votre ambassade et de sources locales. Faites également preuve de respect envers la communauté locale et la situation difficile qu'elle traverse.