Réformes fiscales pour les expatriés : faut-il s'inquiéter ?

Actualités
  • tax reform causing concern
    Shutterstock.com
Écrit par Asaël Häzaq le 16 octobre, 2024
Éplucher les lois fiscales n'est pas chose aisée. Les expats sont pourtant invités à sortir leur calculatrice et à se plonger dans les textes juridiques, pour se préparer aux réformes à venir dans leur pays d'accueil. Le secours d'un expert est plus que recommandé. Comment envisager l'avenir lorsque le pays d'accueil modifie sa fiscalité ? Quelles conséquences pour l'avenir à l'étranger ?

Royaume-Uni : vers une fuite des super-riches étrangers ?

L'ancien gouvernement conservateur l'avait annoncé en mars. Le nouveau gouvernement travailliste est en passe de le faire. Les travaillistes avaient justement pressé l'ancien gouvernement Sunak d'acter cette réforme, pour mieux lutter contre les niches fiscales et l'évasion fiscale. Avril 2025 est bien parti pour s'ouvrir sur une réforme fiscale d'envergure. Le gouvernement espère récolter près de 3 milliards de livres par an. Une manne qu'il envisage de réinjecter « dans l'éducation et la santé », deux secteurs en forte crise. Le gouvernement appelle les millionnaires à soutenir l'économie du pays. Il dit aussi avoir entendu l'exaspération de la population, dont le pouvoir d'achat ne cesse de baisser, et présente sa réforme fiscale comme une mesure de justice sociale. Une réforme qui s'inscrit dans la législation sur les droits de succession.

Mais les détracteurs y voient plutôt une attaque contre les riches expats, qui pourraient bien être les grands « perdants » du nouveau régime fiscal. Car la réforme d'avril 2025 prévoit de supprimer le système de taxe des non domiciliés (non-dom). Ce serait la fin d'un système vieux de deux siècles. Né en 1799, le régime est d'abord pensé pour favoriser les colons ayant fait fortune à l'étranger. L'idée était simple : les exempter d'impôts tant qu'ils n'avaient pas rapatrié leur fortune au Royaume-Uni. Au fil du temps, le régime a évolué pour favoriser les riches étrangers. Le statut non-dom permet aux résidents britanniques depuis moins de 15 ans dont la résidence principale se situe dans un autre pays d'être exemptés de taxes sur les revenus étrangers. On estime qu'environ 70 000 résidents profitent actuellement du statut de non-dom.

Ces millionnaires qui quittent le Royaume-Uni

Justice sociale pour les uns, chasse aux riches pour les autres. Comment trouver le bon équilibre ? Le Royaume-Uni subit encore les conséquences du Brexit. Certains ultra-riches n'ont en effet pas attendu cette réforme fiscale pour plier bagage. En 2023, une étude du cabinet Henley&Partners évoque 12 000 « personnes fortunées » qui auraient quitté le pays depuis 2017. 1 500 leur emboîtent le pas en 2022. Ces riches parlent d'un climat tendu, entre durcissement des règles de l'immigration et de la fiscalité. Ils ne cachent pas leurs doutes concernant ce fameux « Brexit doux » promis par les gouvernements britanniques successifs. Entre 2017 et 2023, le Royaume-Uni a perdu plus de 16 000 millionnaires. Henley&Partners table sur au moins 9 500 départs supplémentaires cette année, départs motivés par la nouvelle réforme fiscale. Ces riches partent notamment en France, en Allemagne, en Suisse, en Italie, aux États-Unis, en Australie, aux Émirats arabes unis et au Canada.

Les opposants à la réforme affirment qu'elle desservira l'économie britannique. Moins de riches, c'est moins de recettes fiscales. Les économies espérées par les travaillistes seraient noyées dans les coûts engendrés par ce choc fiscal. Des coûts sur le long terme, avertissent les sceptiques, qui rappellent que les riches expats ne risquent pas de revenir au Royaume-Uni. Les défenseurs de la mesure promettent au contraire un changement profond du paysage économique britannique. Le secteur immobilier serait l'un des premiers concernés, avec des quartiers riches vidés de leurs résidents fortunés. Ces départs créeraient des opportunités nouvelles pour d'autres investisseurs, comme les Américains, déjà soumis à l'imposition mondiale. Si certaines études montrent une majorité d'intentions de départ (plus de 90 % des non domiciliés partiraient en cas d'application de la réforme), d'autres parlent de ces riches expats qui resteront au Royaume-Uni quoiqu'il arrive. Résultats définitifs à partir d'avril 2025.

États-Unis : le pari de Trump pour en finir avec la double imposition des Américains de l'étranger

C'est l'une des dernières promesses du candidat Donald Trump. Ces derniers jours, le riche ex-président les multiplie et axe sa campagne sur les baisses d'impôt. Des baisses dont il veut faire profiter les citoyens américains immigrés à l'étranger. Le système fiscal actuel est celui de l'imposition mondiale. Un citoyen américain reste imposable aux États-Unis même s'il vit dans un autre pays. Il doit donc chaque année remplir et sa déclaration d'impôts américaine, et celle du pays d'immigration. Selon ses revenus, il sera potentiellement soumis à l'impôt dans les deux pays. Aux États-Unis, il sera redevable de l'impôt s'il gagne plus de 126 500 dollars annuels. En cas de suppression de la double imposition (et donc, en cas de victoire de Trump), les riches Américains de l'étranger deviendraient uniquement imposables dans le pays d'accueil.

Trump s'appuie sur la réglementation dans les nombreux pays qui n'appliquent pas de système d'imposition mondial. Il évoque également de la « justice » pour épargner les Américains de l'étranger « étranglés » par une accumulation de taxes. Mais la mesure est-elle vraiment soutenue par le candidat républicain, ou constitue-t-elle une annonce électorale ? On estime qu'environ 4,4 millions d'Américains vivent à l'étranger, pour quelque 2,8 millions d'électeurs potentiels. 

Qu'elle soit ou non à visée électorale, la proposition de Trump aura non seulement un impact sur les Américains de l'étranger, mais aussi sur les « Américains accidentels ». On en compte plus de 300 000, rien qu'en Europe. Pour ces personnes nées aux États-Unis, mais sans avoir vécu dans le pays, la fiscalité américaine peut représenter un véritable casse-tête. Plaider sa cause devant le fisc américain est complexe, quand bien même on ne serait pas soumis à l'impôt aux États-Unis. 

Thaïlande : une réforme fiscale qui inquiète les expatriés

Depuis le 1er janvier 2024, les étrangers résidant en Thaïlande au moins 180 jours par an doivent déclarer et payer des impôts sur les revenus générés. Les revenus concernés sont ceux rapatriés en Thaïlande, comme les pensions de retraite. Les revenus conservés sur des comptes étrangers ne sont pas imposables. La durée de résidence peut être continue ou non. Seuls les revenus générés à partir du 1er janvier 2024 sont pris en compte. Des revenus antérieurs à cette date mais transférés après le 31 décembre 2023 ne sont donc pas imposables. C'est cependant l'expatrié qui doit prouver que ces revenus sont bien antérieurs au 1er janvier 2024.

La Thaïlande a néanmoins signé des conventions fiscales de non-imposition avec plusieurs pays. Mais les avis pourraient diverger quant à l'interprétation des textes. Les expatriés redoutent une possible double imposition. Depuis l'annonce de la réforme, le gouvernement thaïlandais a précisé plusieurs points cruciaux pour les expatriés, notamment les retraités. Car nombre d'entre eux ne disposent pas de revenus leur permettant de faire face à cette nouvelle fiscalité. Le gouvernement exclut certaines catégories de résidents étrangers, comme les détenteurs du visa LTR (long term visa). Mais pour obtenir ce visa, il faut recevoir une pension d'au moins 80 000 dollars américains annuels et investir 250 000 dollars dans l'économie thaïlandaise. 

Vers un impôt sur les revenus mondiaux ?

Un autre projet suscite l'inquiétude des expatriés : une éventuelle taxe sur les revenus mondiaux. Encore à l'étude, la loi rendrait imposables tous les revenus étrangers des individus résidant en Thaïlande. Le gouvernement dit vouloir impliquer le principe de l'imposition mondiale, selon lequel tous les revenus seraient imposables dans le pays de résidence de l'individu, que ces revenus aient été générés ou non dans le pays de résidence. Cette loi viendrait renforcer la réforme fiscale entrée en vigueur au 1er janvier. 

Reste à savoir si les étrangers exonérés d'impôts dans leur pays le seront également en Thaïlande. Mi-septembre, un consortium d'avocats s'oppose ouvertement au projet de loi. Selon eux, la mesure est contre-productive et ferait fuir les investisseurs étrangers que la Thaïlande recherche.

Impact sur les projets de vie à l'étranger

On pourrait penser que les réformes fiscales proposées ne concernent que les riches expats. Mais même au Royaume-Uni (où la réforme vise clairement les plus riches), des étrangers non concernés par la mesure font part de leur lassitude. Après le Brexit et les différentes crises socio-économiques (toujours en cours), ils ne reconnaissent plus leur pays d'accueil. Certains redoutent des mesures encore plus drastiques concernant l'immigration. Le gouvernement Starmer a en effet indiqué vouloir lui aussi réduire l'immigration nette. 

Les questions restent aussi de mise en Thaïlande, pays rêvé pour de nombreux expats aux revenus modestes dans leur pays d'origine, mais qui parviennent à « mieux vivre » en Thaïlande. Un confort de vie menacé, selon eux, par les réformes du gouvernement.

Les réformes fiscales ont un impact direct sur les projets de vie à l'étranger. Les expats déjà présents sur le territoire sont fortement invités à consulter un expert fiscal. Certains décident de rester dans le pays d'accueil. D'autres préfèrent retourner dans leur pays, ou envisagent une autre expatriation. Les projets de vie à l'étranger doivent tenir compte de la fiscalité du pays d'accueil. Il faut anticiper autant que possible un éventuel retournement de situation et envisager une alternative pour s'adapter au nouveau régime fiscal. Là encore, on recommande de faire appel à un expert en expatriation pour préparer son projet, notamment sur la question des revenus.