Immobilier : la surchauffe refroidit-elle les acheteurs étrangers ?
L'inflation n'a pas épargné les portefeuilles des acheteurs étrangers. Ils observent les atermoiements du marché immobilier, secoué par une crise économique qui dure et menacé par les instabilités politiques dans les États. La Chine bataille toujours contre la crise immobilière. L'Allemagne manque toujours de logements. On en comptait 700 000 en 2023. On estime qu'il en manquera 720 000 en 2025 et 830 000 en 2027. Dans les grandes villes comme Berlin, Francfort, Düsseldorf ou Cologne, des centaines de locataires potentiels attendent de pouvoir visiter un logement. Les prix ont bondi entre 2018 et 2023 (jusqu'à +40 % à Berlin). Or, près de la moitié des habitants sont locataires. Les expatriés sont aussi concernés par ces hausses, qui pèsent sur leurs finances. Le Portugal, le Royaume-Uni, l'Australie, le Japon, le Canada, la Suède font également face à une crise du logement.
En Australie, les prix de l'immobilier devraient augmenter de 5 % cette année et l'année prochaine. Les loyers à des prix abordables se font rares : ils constituent à peine 5,9 % du parc locatif à Sydney. Or, le logement reste l'un des postes de dépense les plus importants pour les expatriés. Si les plus aisés profitent des fluctuations du marché pour réaliser de fructueux investissements, les autres constatent, comme les locaux, l'érosion de leur pouvoir d'achat.
Zoom sur 2 pays plébiscités par les expatriés, confrontés à la crise immobilière.
États-Unis
Aux États-Unis, les acheteurs étrangers temporisent. Le monde entier a les yeux rivés sur la première puissance mondiale. La déclaration choc de Biden donne un nouveau ton à la présidentielle. Dimanche 21 juillet, le Président Biden, candidat à sa réélection, annonce se retirer de la course. D'ordinaire, les périodes électorales sont moins propices aux lourds investissements, surtout en période d'instabilité politique. Quel effet l'annonce de Joe Biden aura-t-elle sur le climat socio-économique ? Alors que le président « passe le flambeau », les observateurs scrutent les indicateurs économiques. L'inflation pose toujours problème. Aux États-Unis, les prix des logements restent désespérément hauts. L'inflation diminue, sauf dans l'immobilier.
Aux États-Unis, il faut compter en moyenne 780 300 dollars pour acheter un bien immobilier (prix médian : 475 000 dollars). Il existe certes de grandes variations entre les villes : dans son rapport 2024, la société de conseil Mercer classe New York et Los Angeles parmi les 10 villes les plus chères au monde pour les expatriés. 5 autres villes sont dans le top 20 (Honolulu, San Francisco, Miami, Boston et Chicago). Washington DC, Atlanta et Seattle sont dans le top 30. Les États-Unis restent l'un des pays comptant le plus de villes chères. Dans les villes les plus prisées par les expatriés (New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago, Boston, Miami, Washington DC…), le coût de la vie explose, notamment propulsé par les prix des logements.
Les acheteurs internationaux retiennent eux aussi leurs investissements. Ils n'ont acheté que 57 300 maisons entre avril 2023 et mars 2024. C'est 36 % de moins que sur la période précédente. Leur investissement a représenté 42 milliards de dollars, soit 21 % de moins que sur la période précédente. Avec l'inflation, ils relèvent d'autres facteurs freinant leur investissement : la force du dollar et la lourdeur administrative, qui complique la réalisation des transactions immobilières.
Espagne
D'après l'Annuaire Immobilier des Registres de la Propriété (Anuario Inmobiliario de los Registradores de la Propiedad), 2024 sera une bonne année pour les investissements des expatriés en Espagne. Les transactions étrangères sont en progression régulière et n'ont pas été impactées par la COVID-19. Depuis 2013, la part des achats étrangers dans l'immobilier espagnol reste supérieure à 10 %. En 2023, les achats étrangers ont représenté 15 % des transactions immobilières (contre 13,8 % en 2022).
Quelques provinces touristiques se partagent les retombées financières des investissements étrangers : la Catalogne, l'Andalousie, l'Alicante, Valence, Santa Cruz de Tenerife (la 2e ville la plus peuplée des Canaries) et Málaga. Ces régions et villes attirent à elles seules près de 40 % des investissements immobiliers étrangers. Mais si les autorités locales parlent de retombées financières avantageuses, les habitants parlent d'une hausse du coût de la vie insupportable. Sur les Canaries, l'exaspération contre les achats immobiliers étrangers rejoint celle contre le tourisme de masse. Même grogne dans les autres villes prisées par les expatriés. Ils militent pour la suppression définitive du Golden Visa, qu'ils jugent responsable de la hausse des prix. Message entendu par l'État, qui, en avril, a annoncé vouloir « mettre fin » au visa doré. Mais d'après certains observateurs, la fin du visa doré ne réglera pas seule la crise du logement. Il faut aussi s'attaquer au dérèglement du parc locatif, saturé par les logements pour touristes.
Le coup d'essai de Barcelone : un coup d'épée dans l'eau ?
Le 21 juin, Barcelone a pris une décision radicale : supprimer tous les appartements touristiques d'ici 5 ans. Priorité aux Barcelonnais. Les logements concernés retomberont dans le parc locatif ou iront à l'achat. Mais là encore, les avis sont mitigés. Tout d'abord, parce que la loi accorde une prolongation de 5 ans aux propriétaires qui font rénover leur logement. Ensuite, la mesure ne concernerait que 0,77 % des logements barcelonais. Des logements luxueux que ne peut s'offrir la majorité des habitants. Enfin, la proposition du maire aurait peu de chances de survivre à son mandat.
Des voix appellent à s'attaquer à une plus large catégorie de logements : les nouveaux contrats de location taillés pour les nomades numériques. Le boom du travail à distance et du nomadisme numérique a popularisé un nouveau type de contrats locatifs. On parle de contrats « saisonniers » ou contrats « nomades numériques », dont la durée se base sur la durée du visa nomade digital (un an, en général). Ces nouveaux logements occupent actuellement 30 à 60 % du parc locatif barcelonais (selon les quartiers). Ils accueillent des travailleurs expatriés gagnant bien plus que les travailleurs barcelonais. Ces derniers redoutent une prolifération de ce type de logements. Mais pour l'instant, le maire de Barcelone refuse de les inclure dans sa loi.
Stratégie des États pour limiter la hausse des loyers
Pour limiter la hausse des loyers, chaque État tente d'appliquer « la bonne stratégie ». En début juillet, alors qu'il était encore candidat à sa réélection, Joe Biden exhortait le Congrès à voter une loi qui empêcherait les propriétaires d'immeubles locatifs d'augmenter les loyers de plus de 5 % par an. Les contrevenants perdraient leurs avantages fiscaux. Si cette loi était adoptée, elle concernerait quelque 20 millions de logements. La question du logement est l'un des points critiques de la Présidentielle. Attendu au tournant, Biden tape du poing et montre sa volonté d'en finir avec une crise qui touche particulièrement les jeunes et les familles modestes.
En Chine, on ne compte plus les logements vides et les projets immobiliers abandonnés. Le 17 mai, l'État a annoncé un nouveau plan d'action pour relancer le secteur immobilier, pilier de son économie. L'immobilier représente en effet 25 % du PIB chinois. Parmi ses mesures phares : le rachat des logements invendus par les autorités locales pour augmenter le nombre de logements abordables.
L'Allemagne, l'Australie et le Canada veulent accélérer la construction de nouveaux logements à prix abordables. En début d'année, la Nouvelle-Galles du Sud, État le plus peuplé d'Australie, a annoncé un plan d'aide de près de 136 millions de dollars destiné aux locataires précaires. Le gouvernement entend également moderniser ses logements sociaux.
Encadrement des loyers : l'expérience des Pays-Bas
Depuis le 1er juillet 2024, les Pays-Bas ont mis en vigueur une nouvelle loi visant à mieux encadrer les loyers des logements dits « intermédiaires » et les logements sociaux. Appelée « loi sur les loyers abordables », elle met en place un système de points pour classer les logements et leur attribuer un loyer maximum à ne pas dépasser. La taille des pièces, l'empreinte énergétique et la conception des sanitaires et de la cuisine font partie des critères retenus pour attribuer des points. Au total, un logement locatif peut avoir 186 points. Son loyer ne doit pas dépasser 1 157,95 euros mensuels. Les logements d'une valeur supérieure à 186 points font partie du « secteur libre » ; les propriétaires restent libres de proposer leurs prix.
Les logements d'une valeur inférieure à 143 points entrent dans la catégorie des logements sociaux. Leur loyer ne devra pas dépasser 880 euros par mois. Les locataires d'un logement social de 143 points pourront demander une révision de leur loyer, qu'ils soient ou non locataires de longue durée. La nouvelle loi ne bloque néanmoins pas les prix, mais plafonne leur augmentation. Les loyers des logements d'une valeur supérieure à 143 points pourront augmenter leurs prix de 5,5 %. Ceux des logements sociaux pourront les augmenter de 5,8 % : dans les deux cas, une seule hausse autorisée par an. Exception faite pour les constructions de nouveaux logements locatifs avant 2028 : pendant 20 ans, les loyers pourront augmenter de 10 % en plus de la hausse annuelle autorisée.
Modalités d'application
La nouvelle loi s'appliquera sur tous les contrats de location signés depuis le 1er juillet. En principe, elle n'est donc pas rétroactive. Mais elle pourra s'appliquer exceptionnellement sur certains contrats antérieurs à la réforme. Les propriétaires sont désormais tenus de communiquer au futur locataire la valeur du logement ; ils ont jusqu'en 2025 pour le faire.
Le prix maximum des locations est disponible sur le site du Huurcommissie (Comité des loyers, en néerlandais). Le Comité est également compétent pour gérer les litiges entre locataires et propriétaires. Exemple : en cas de demande de réduction du loyer autorisée par la réforme, mais refusée par le propriétaire.