
On a parfois tendance à l’oublier. D’aucuns voient en l’expatrié un portrait plus ou moins caricatural. Il gagne bien sa vie, jouit d’une position enviable. L’autre portrait, plus humaniste, voit en l’expatrié le voyageur en quête de sens. Il veut comprendre, découvrir une culture nouvelle. Tous ces portraits oublient, consciemment ou non, une vérité fort simple : un expatrié est aussi sujet aux règles de son pays hôte. De fait, il peut être expulsé de son pays d’adoption.
Être expulsé sans avoir rien fait
Étrange ? Ce n'est pas l'avis de l'Union Européenne. Les Etats membres se réservent le droit d'expulser quiconque vit sur son territoire moins de cinq ans, sans être, ni étudiant, ni salarié. Comme vu plus haut, l'expatrié travaille (ou étudie) : il n'est pas inactif.
Quand la loi s'en mêle
Parfois, même lorsque l'on travaille, qu'on est en règle, un changement de législation peut tout remettre en cause.
Février 2019. L'affaire a scandalisé nombre de candidats à l'expatriation, et a alarmé des milliers d'expatriés : le Quebec durcit sa legislation. Objectif : faire correspondre l'offre et la demande de travail. Conséquence, dramatique, pour nombre d'aspirants à l'expatriation : une annulation de leur demande. Les expatriés sont tout aussi inquiétés. Leur visa pourrait être également supprimé. En juin dernier, malgré les vagues d'opposition, ce projet de loi controversé est adopté. Quelques 50 000 individus pourraient en faire les frais. Les associations s'insurgent : “on va expulser des gens qui n'ont rien fait”. Si les autorités affirment que les dossiers des personnes déjà sur place seront étudiés en priorité, d'aucuns craignent des expulsions massives.
Un oubli de changement d'adresse
L'expatrié doit pouvoir être facilement localisé. Un changement d'adresse ? Il doit au plus vite s'enregistrer auprès des autorités compétentes. Au Japon, l'expatrié doit se rendre, et auprès de sa mairie actuelle, et à sa nouvelle mairie. Il dispose d'une quinzaine de jours pour effectuer ces démarches. On imagine mal pouvoir être expulsé pour un oubli de changement d'adresse. C'est pourtant la mésaventure vécue par quelques expatriés, au Japon et au Canada. Ils plaident leur bonne foi. Les autorités brandissent leurs textes de loi. Principal reproche : sans adresse déclarée, l'expatrié n'est plus localisable. Il devient errant, hors du système. Heureusement, en pratique, de telles menaces sont rarement suivies d'effets. Il convient cependant de rester vigilent, et de se renseigner sur la procédure à suivre dès qu'un changement survient dans notre vie.
La manifestation qui dégénère
Manifester est un droit dans nombre de pays. Démonstration citoyenne de son opposition à telle ou telle mesure politique, elle n'est pas réservée à une catégorie de la population. Les expatriés peuvent, bien entendu, manifester. Les choses se compliquent lorsque des débordements viennent troubler la manifestation.
En mai dernier, une expatriée se retrouve menacée d'expulsion par les autorités françaises. Fait reproché : trouble à l'ordre public. Pourtant, la jeune femme, d'origine espagnole, vit sur le sol français depuis 17 ans. Mariée avec un Français, elle affirme avoir manifesté pacifiquement. Elle avait “juste” un bouclier de fortune. C'est ce que lui reproche la justice, définissant le bouclier comme une arme potentielle. Les avocats pointent ici une difficulté : qu'est-ce qu'un trouble à l'ordre public ? L'expression est laissée à l'appréciation de chacun. Dans ce cas précis, les avocats dénoncent une interprétation très stricte des textes de loi.
Des amours compliquées
Il s'agit, ici, plus d'un manque de communication aux conséquences fâcheuses. Quand un expatrié Espagnol perd, subitement, tout contact avec sa petite amie japonaise, il s'inquiète et lui envoie des messages. Aucune réponse. Il prend peur, va la voir devant chez elle. C'est la nuit, mais ils avaient l'habitude d'aller dormir, chez l'un ou chez l'autre. La jeune fille le voit par la fenêtre de son appartement, lui envoie un message, menace d'appeler la police. Le petit-ami ne comprend rien et insiste pour lui parler. Elle lui dit - toujours par message - de patienter. Quelques minutes plus tard, des policiers débarquent, interpellent l'homme, l'embarquent dans leur commissariat, prennent ses papiers et l'accusent : il peut se faire expulser pour ça. On ne va pas laisser les stalker semer le trouble sur le sol japonais. L'homme panique et tente de s'expliquer. Après une nuit passée au poste, il ressort finalement libre, mais non sans avoir signé une décharge l'interdisant de revenir dans la zone de résidence de sa petite-amie. Petite-amie qui a indiqué aux policiers qu'elle avant rompu avec l'homme : elle ne le lui avait pas dit clairement, mais pensait que son silence suffisait à acter la rupture. Un fait divers moins rare qu'il n'y paraît.
Des cas parfois extrêmes, mais qui rappellent que l'expatrié reste dans une position parfois bancale. Ni complètement du pays, ni complétement dehors. La justice même peut se montrer partiale, jugeant plus sévèrement des faits commis par un immigré.