La situation en Inde et en Birmanie
Le week-end dernier, plusieurs milliers de policiers ont été déployés dans plusieurs régions d'Inde en raison de la manifestation des agriculteurs contre les réformes agricoles entamées par le gouvernement. Un élan qui s'est déclenché le 26 janvier dernier pendant le déroulement de la fête nationale indienne. De nombreux véhicules agricoles, avec des fermiers furieux à leur bord, ont envahi la foule lors du défilé militaire. Des centaines de policiers ont été blessés pendant cette opération, ce qui a poussé les autorités indiennes à renforcer leur vigilance. Ainsi, une dizaine de stations de métro ont été fermées dans la capitale et des postes de contrôle routier ont été mis en place aux principaux carrefours pour parer à toute éventualité.
La situation en Inde s'est envenimée depuis novembre lorsque les fermiers réclamaient l'annulation des réformes visant la libéralisation du marché des produits agricoles. Cette situation a résulté en une coupure d'eau et d'internet, principalement des réseaux sociaux, en signe de pression exercée par les autorités. Les manifestants, eux, menacent de poursuivre leur mouvement jusqu'au 2 octobre si le gouvernement ne revient pas à de meilleurs sentiments.
Si ces mesures se veulent, selon le gouvernement indien, de « maintenir la sécurité publique », elles suscitent les réactions du monde entier, y compris celles des célébrités, à l'instar de la star Rihanna, l'activiste suédoise Greta Thunberg, la nièce de la vice-présidente américaine d'origine indienne Kamala Harris ou encore celle de Jim Costa, membre démocrate de la commission des Affaires étrangères du Congrès américain. Ce qui a poussé le ministère des Technologies de l'information à ordonner à Twitter a bloquer tout contenu publié sur sa plate-forme portant le hashtag « #ModiPlanningFarmerGenocide ». Même si ces comptes ont été débloqués par la suite, il s'agit, pour nombreux, d'une atteinte à la liberté d'expression. D'ailleurs, l'Inde, reconnue pour ses méthodes d'oppression, se classait 142e sur 180 pays en 2020 dans l'indice mondiale de la liberté de la presse réalisé par Reporters sans frontières.
Mais l'Inde n'est pas le seul pays à avoir bloqué internet, portant ainsi atteinte au droit à l'information et à la communication. Suite au coup d'État instauré la semaine dernière, la Birmanie a ordonné non seulement le blocage d'internet mais aussi l'interdiction des réseaux sociaux, à savoir, Facebook, Twitter et Instagram. Facebook est aujourd'hui la principale source d'information et de communication dans le pays, principalement pour les expatriés qui sont loin de chez eux et de leurs proches. Cependant, de nombreux Birmans ont profité de cet outil pour lancer des appels à manifester, sans oublier les commentaires à caractère incitatif postés à cet effet. Face au blocage de Facebook, ces derniers se sont rués vers Twitter et Instagram pour exprimer leur mécontentement, ce qui a également entraîné le blocage de ces deux plate-formes.
Rappelons que cette situation fait suite au coup d'État qui a renversé le leader du Parti national pour la démocratie (LND), Aung San Suu Kyi, accusée de fraude électorale lors des élections de novembre 2020. La prise de pouvoir par l'armée a été justifiée ce lundi 8 février par le commandant en chef de l'armée, Min Aung Hlaing. D'emblée, il a garanti la tenue de nouvelles élections et la remise du pouvoir entre les mains du vainqueur dans la transparence la plus totale. Cette situation ne laisse pas insensible les instances internationales, y compris les Nations unis et la présidence américaine qui n'ont pas tardé à réagir et à menacer de prendre les sanctions qui s'imposent.
Comment réagissent les expatriés ?
Yangon, la capitale économique de la Birmanie et l'endroit où la plupart des expatriés sont installés, fait face à une situation particulièrement délicate. Les télécommunications étant perturbées, de nombreux expatriés n'ont pu entrer en contact avec leurs proches pour s'enquérir de leur sécurité ou pour les rassurer. Qui plus est, le blocage d'internet leur a restreint l'accès à l'information, ce qui a contribué à instaurer un sentiment de panique. Pendant les intervalles où internet a été restauré, ils étaient nombreux à demander des conseils ou à partager leurs astuces sur les réseaux sociaux, comme Jennifer, une expatriée américaine à Yangon. « Si vous avez des appels internationaux à passer, passez par Ooredoo. Mais assurez-vous d'avoir réalimenté votre compte car ça coûte cher ».
Kelly, qui est également américaine, conseille aux expatriés d'utiliser Skype pour donner de leurs nouvelles à leurs proches inquiets à l'étranger. « Si les réseaux sociaux sont bloqués à nouveau, Skype est le seul outil qui va marcher. Mon père, qui se trouve aux États-Unis, a essayé de me contacter, mais l'appel ne passait pas, alors on a essayé avec Skype et ça a marché. Pensez donc à donner votre numéro local à vos proches ». D'autres avouent qu'ils utilisent un VPN pour contourner le blocage des réseaux sociaux. « La seule chose qu'il leur reste à faire c'est de bloquer complètement internet », s'insurgent-ils. Certains ont profité du rétablissement temporaire des réseaux sociaux pour lancer des appels à la vigilance. « Comme l'accès aux télécommunications est aléatoire, il est difficile de rester informé, alors évitez de propager de fausses nouvelles et de semer la terreur », préviennent-ils.
D'autre part, des appels à la révolte ont été lancés sur les réseaux sociaux par des Birmans aux expatriés, en particulier à ceux qui ont contacté leurs ambassades respectives pour un éventuel départ du pays. Les expatriés birmans menacent, pour leur part, de manifester leur colère dans leurs pays respectifs, comme en témoignent leurs posts sur les différents groupes Facebook. Il n'empêche que les ressortissants étrangers vivant en Birmanie préfèrent jouer la carte de la prudence. « Lors de notre demande de visa, nous avons juré de ne pas nous engager dans la politique. Donc, nous sommes autorisés à en parler à la rigueur, mais il est hors de question de participer aux manifestations, au risque de se faire arrêter, voire déporter », soutient Jordan.
« En 2007, Kenji Nagai a été abattu en plein jour. Je ne suis pas sûr qu'ils pensent à la nationalité avant d'abattre des gens. Aussi, pour nous installer ici, nous acceptons tous de ne pas participer à la politique pendant notre séjour. Oui, c'est une circonstance exceptionnelle, mais la question d'« influence étrangère » a toujours fait partie du récit militaire. Nous ne pouvons seulement exister ici qu'avec l'accord de ne pas nous engager dans ce genre de choses », dira un autre expatrié.
Compte tenu de la gravité de la situation en Birmanie, l'aéroport international de Yangon, ainsi que la plupart des banques, resteront fermés jusqu'à nouvel ordre.