Rien ne prédestinait Nathalie à l'expatriation, pourtant, elle a déjà vécu dans plus de 5 pays différents. Aujourd'hui, elle est installée en Angleterre avec sa famille et nous raconte son parcours.
Pouvez-vous nous raconter l'avant expatriation ?
J'ai vécu jusqu'à l'obtention de mon bac dans un petit village du sud de la Corse. Rien ne me prédestinait à l'expatriation, bien au contraire. Je plaignais mes amis dont les parents étaient gendarmes et qui déménageaient tous les trois ans.
Après mon bac j'ai fait mes études d'espagnol sur Nice puis passé mon Master à Valence en Espagne grâce au programme Erasmus. Cette année sera sans que je le sache, le début de ma vie d'expatriée.
J'ai terminé mes études entre Nice et Paris, puis j'ai déménagé avec mon mari à Poitiers. La vie de voyageur a commencé à ce moment-là. J'ai eu mes deux premiers enfants à Poitiers où nous avons vécu un peu plus de deux ans. Avec deux enfants en bas âge sans travailler, le lien social était très difficile à créer, car les personnes se connaissaient pour la plupart depuis le lycée. Par conséquent, ça été une période assez compliquée pour moi. Même si j'étais encore en France, l'éloignement familial et l'isolement n'étaient pas évidents à gérer au quotidien.
Puis mon mari a été appelé pour un projet à la Réunion. Il est monté travailler au siège social de son entreprise pour préparer le chantier. Cette période devant durer environ 4 mois, nous avons fait le choix de rentrer, les enfants et moi, en Corse chez mes parents mais la période a duré 9 mois, donc la distance a été difficile à supporter pour mes enfants. Puis le départ pour la Réunion est enfin arrivé.
Région d'outre-mer pour votre première expérience d'expatriation, pouvez-vous nous en parler ?
Nous sommes arrivés à la Réunion tous les 4. Mon mari a été muté sur l'île pour travailler sur le chantier de la Nouvelle Route du Littoral. Ne travaillant pas, j'avais une grosse appréhension au départ, cette peur de n'avoir aucun lien social comme à Poitiers. Mais la vie en a été tout autrement. Cette période aura été la meilleure expatriation de ma vie.
Les débuts ont été malgré tout un peu compliqués (une nouvelle adaptation pour mes enfants) mais j'ai rapidement trouvé du travail dans une boutique de prêt-à-porter près de chez moi. Ça m'a permis de rencontrer des personnes.
J'ai ensuite fait des remplacements dans différents établissements de l'île. Le fait d'être Corse m'a beaucoup aidée auprès des élèves. Nous avons beaucoup échangé. La vie sur place était très agréable. Les week-ends étaient rythmés entre randonnées, pique-niques à la montagne ou à la plage, selon la saison. De plus, il y a une grosse communauté latino sur place, alors j'ai pu y faire de belles rencontres, avec qui j'ai encore contact.
Ce qui m'a le plus plu, c'est ce style de vie tranquille et le climat. J'avais l'impression d'être chez moi alors que je me trouvais à l'autre bout du monde. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes incroyablement gentilles, qui nous invitaient à manger chez elles à leur manière. Quel bonheur de manger à la mode Tamoul par exemple !
Puis, vous êtes partis au Caire. Dans quel contexte ? La vie devait être bien différente, pouvez-vous nous raconter ?
Le départ au Caire a de nouveau été lié au travail de mon mari. Ça a été très rapide. Entre le moment où nous avons appris notre départ et le jour du départ, 3 mois à peine se sont écoulés.
Nous sommes donc rentrés en Corse en juin 2017. Mon mari est parti la semaine suivante au Caire. Je l'ai rejoint avec mes enfants à la rentrée scolaire. La vie a été, en effet, très différente de la Réunion ! Nous sommes passés de la végétation luxuriante au désert et la poussière, au trafic intense et surtout à la barrière de la langue. Car même si à la Réunion le Créole est très présent, je l'ai vite compris. Par contre, l'arabe a été une autre histoire.
J'ai trouvé un poste de prof d'espagnol dans l'un des 7 lycées français agréés par l'AEFE. La première année nous habitions dans le quartier de Maadi, là où vit la majorité des expatriés. Mais nos lieux de travail se trouvaient loin, et au Caire le trafic est fou, ce qui fait que nous passions énormément de temps sur la route.
La seconde année, nous avons donc décidé de nous rapprocher de nos lieux de travail et avons inscrit nos enfants dans l'établissement dans lequel je travaillais. Nous vivions dans un compound au calme. Pour profiter un peu de la verdure, nous étions inscrits dans l'un des clubs privés qu'il existe sur place. Nous profitions de la piscine l'été, des jardins l'hiver, et des séances de sport. Le Caire est une ville immense mais le monde est finalement petit même là-bas. Tout le monde connaissait une personne qui en connaissait une, etc.
En tant que femme, c'était par moments plus difficile d'affirmer mes volontés. Je devais parfois dire que c'était la volonté de mon mari pour être entendue. Mais je n'ai jamais eu de problème d'insécurité ou de manque de respect.
La vie au Caire était à la fois intense et paisible. La barrière de la langue est très importante au quotidien. Ce n'était pas toujours facile, mais selon les lieux fréquentés, les personnes parlaient anglais.
Grâce à mon poste d'enseignante, j'ai pu connaître les Égyptiens de façon plus intime. Le rapport parent-professeur ou élève-professeur n'est pas le même qu'en France. J'ai créé des liens si forts avec mes élèves que j'ai encore contact avec eux. J'ai pu comprendre leur façon de vivre, de penser, d'être grâce à mon métier.
Retour en France ensuite. Comment s'est passé ce retour d'expatriation ?
Rentrer en France n'était pas du tout prévu mais les événements de la vie en ont décidé autrement. Mon mari a été contacté par un cabinet de recrutement. Nous nous sommes dit que c'était peut-être le moment de rentrer car nous venions de découvrir que ma fille aînée avait un vitiligo et, à l'époque, nous ne savions pas encore si c'était grave ou non. Nous nous sommes dit que rentrer en France était une bonne option en termes de santé.
Lorsque nous sommes rentrés, j'étais la plus heureuse du monde. Nous avons fait notre premier achat immobilier. Je me disais que j'allais enfin revivre sans m'adapter à quoi que ce soit, la langue ne serait plus une barrière, et surtout que j'allais enfin me poser et me rapprocher de la famille. J'avais entre guillemets un sentiment de sécurité. Plus de peur de l'inconnu.
Le hasard a fait qu'un ami d'enfance était mon voisin et que nos filles étaient dans la même classe. J'ai rapidement fait de belles connaissances, mais finalement, il a fallu que toute la famille s'adapte malgré tout à cette nouvelle vie. Lorsque mes enfants expliquaient à leurs camarades de classe qu'ils avaient vécu à 500m des pyramides, ou encore qu'ils avaient dormi dans le désert, ils pensaient qu'ils mentaient.
Peu à peu le fait de se dire que nous allions rester sans bouger régulièrement, sans vivre une vie extraordinaire (c'est-à dire, pas ordinaire) nous a fait un peu peur. Une amie connue en Égypte avait dit une fois : « On part Français, on rentre expat. » Cette phrase résonnait de plus en plus en moi. J'avais beau être rentrée dans mon pays, je sentais un décalage dans certaines discussions que je pouvais avoir.
Vous en étiez où de votre vie en France quand s'est présentée l'occasion de repartir ?
Nous avions acheté une maison dans le Sud pour être proches de la famille. J'étais enceinte de mon 3ème enfant et l'idée était de ne plus bouger, même à travers la France. Nous voulions une stabilité pour nos enfants. Sur le plan professionnel, je voulais reprendre les remplacements en tant qu'enseignante dans le secondaire. Mais mon mari a eu une nouvelle opportunité de carrière dans l'ancienne entreprise pour laquelle il travaillait en Angleterre. Nous avons beaucoup hésité, mais je voyais en lui des étoiles que je n'avais plus revues depuis notre retour en France. Cela m'a conforté dans mon envie croissante de repartir pour de nouvelles aventures. Nous avons décidé d'accepter cette nouvelle étape. Mon mari a signé son nouveau contrat. J'ai accouché en mars 2020 à la veille du 1er confinement, mon mari est parti en octobre en Angleterre.
Avec 3 enfants, la préparation de cette expatriation a dû être bien différente ? Comment s'est-elle organisée ?
La Covid n'a pas aidé mais j'ai eu la chance d'avoir l'aide de ma mère et ma belle-mère dès qu'elles le pouvaient. En effet, c'était très difficile, d'autant plus que ma fille cadette a été malade dès le départ de mon mari. J'ai dû assumer seule l'intendance de la maison, les rendez-vous chez le médecin, un séjour à l'hôpital, l'opération de mon bébé, les nuits blanches des mois durant, sans oublier le quotidien.
Initialement, mes enfants et moi pensions rester en France, mon mari faisant les allers-retours le week-end. Finalement, ils étaient en manque de leur papa, la décision de le rejoindre s'est donc imposée naturellement. Quitter nos amis a été forcément difficile, mais cette fois-ci nous savions que nous les retrouverions à chaque retour en France.
Nous avons donc de nouveau éprouvé les étapes de l'expatriation : recherche de logement avant notre arrivée, recherche de crèche pour notre bébé, etc. La nouveauté : nous avons inscrit les enfants dans une école anglaise.
Comment s'est passée votre arrivée en Angleterre : organisation, intégration… ?
Nous sommes arrivés avec mon mari fin août 2021 dans une maison où il n'y avait que les meubles des chambres. Entre le covid et le Brexit, la livraison de tous nos meubles a été retardée entre septembre et janvier.
La conduite à gauche m'a fait très peur, mais finalement je m'y suis vite fait. Je n'avais de toute façon pas le choix, il faut bien faire les courses, déposer les enfants à l'école, etc.
J'appréhendais beaucoup l'intégration de mes enfants car ils ne maîtrisaient pas du tout la langue et ils allaient intégrer non seulement une nouvelle école avec tout ce que ça implique, mais aussi un nouveau système scolaire. Mon fils s'est très vite bien intégré, ce qui m'a enlevé un poids. Ça a été un peu plus compliqué pour ma première fille, mais tout va bien mieux depuis décembre. Ils ont maintenant des amis et communiquent très bien en anglais.
Nous vivons de la même façon qu'en France. La seule différence, c'est que chaque fois que nous allons quelque part, c'est une découverte.
À quoi ressemble votre vie aujourd'hui ?
Aujourd'hui tout se passe très bien. La vie ici est très calme. Nous vivons dans une petite ville, dans un quartier calme. Mes 2 grands enfants sont scolarisés dans une école anglaise où ils s'épanouissent de jour en jour. Et ma fille cadette est trois jours par semaine en crèche.
En ce qui concerne l'intégration, nous n'avons pas de problème. Il y a une petite communauté française que nous côtoyons régulièrement. Mais nos enfants s'invitent souvent avec leurs amis anglais. Je trouve important de ne pas rester uniquement entre Français.
Au fur et à mesure de mes expatriations, j'ai appris à être moins dans l'attente d'un « idéal. » Chaque pays est différent, ce qui implique un mode de vie différent.
Les Anglais sont très gentils. Lorsque j'attends mes enfants à l'école, j'ai souvent l'occasion d'échanger quelques mots avec d'autres mamans. Certains professeurs viennent parfois me demander comment nous allons, si nous nous plaisons ici. Mais nous n'avons pas encore eu l'occasion de boire le thé chez l'un d'eux. Ceci dit, ce n'est pas vraiment dans leurs habitudes. Ils ont plutôt tendance à se retrouver dans des pubs.
Et votre vie professionnelle, où en êtes-vous ?
Lorsque mon mari est parti en Angleterre, j'ai décidé de ne pas faire de remplacement pour pouvoir m'occuper à temps complet de mes enfants. Mais l'enseignement me manquait beaucoup. J'ai donc décidé de me mettre à mon compte et de créer Escale linguistique. Je donne des cours d'espagnol à distance pour adultes expatriés ou qui ont un projet d'expatriation.
Moi-même dans cette situation, je me suis rendue compte que lorsque nous sommes dans un pays dont on ne maîtrise pas la langue, l'intégration est difficile. C'est encore mon cas actuellement. Et ceci est handicapant dans de nombreux domaines : les devoirs des enfants, demander son chemin, avoir un renseignement dans une boutique, exprimer concrètement notre problème chez un médecin.
Le fait de ne pas maîtriser la langue n'est pas uniquement un frein dans notre communication. Parler la langue du pays dans lequel nous vivons permet de créer un lien social, de mieux comprendre la culture du pays et donc de mieux nous intégrer.
Je suis en train de monter un projet de formation en ligne avec accompagnement personnalisé qui aidera les personnes à se sentir mieux dans un pays hispanophone. J'ai également fraîchement créé mon blog pour aider les personnes à progresser en espagnol. L'idée est de partager mon expérience en tant qu'expatriée et mon expertise à travers des astuces, recettes, et expériences.
Quelle vision portez-vous à la vie en Angleterre : le cadre de vie, la culture… Vous imaginez-vous y vivre longtemps ?
Je ne suis pas en Angleterre depuis très longtemps, mais étant arrivée après avoir vécu au Caire, mon arrivée ici a été facile. Même si je ne maîtrise pas totalement la langue, je peux me débrouiller et la vie au quotidien n'est pas si différente qu'en France.
Si je devais donner un point négatif, ce serait les nuits d'hiver trop longues. Il peut faire parfois très sombre à 14h30 par temps de pluie. J'ai besoin de plus de soleil et de luminosité. Par contre, les journées à partir du printemps sont bien plus longues, c'est très agréable !
Je pense que si devais passer plusieurs années ici cela ne me dérangerait pas. À condition de rentrer de temps en temps sur mon île.