Jeudi 4 août 2022. Le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa promulgue un nouveau « décret de l'Assemblée de la République qui modifie le régime juridique de l'entrée, du séjour, de la sortie et de l'éloignement des étrangers du territoire national ». Comment ce changement de régime va-t-il affecter les expatriés et les candidats à l'expatriation au Portugal ? Quel impact cette réforme aura-t-elle sur l'immigration ?
Immigration au Portugal : un nouveau cadre juridique
C'était une promesse. Le 17 juillet 2021, les États membres de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP), réunis à Luanda (capitale de l'Angola) signent un accord sur la mobilité migratoire. Le 21 juillet, le Parti socialiste portugais, le Parti communiste portugais, le Bloc de gauche, et Libre, (parti portugais écosocialiste) votent pour la réforme. Le Parti social-démocrate, Initiative Libérale, PAN (Personnes, Animaux, Nature) s'abstiennent. Chega, parti d'extrême droite, n'assiste pas au vote. La réforme est approuvée, et le président se promet de la mettre en œuvre rapidement. C'est désormais chose faite. Que dit cette nouvelle loi sur l'immigration ?
Visas : une procédure différente pour les ressortissants membres de la CPLP
Le premier changement donne plus d'importance à la CPLP. Désormais, la délivrance des visas temporaires et des visas de résidence d'un ressortissant d'un État membre de la CPLP pourra se faire sans l'avis préalable du Service des étrangers et des frontières (SEF). D'ordinaire, les non-résidents au Portugal non ressortissant d'un pays membre de l'espace Schengen doivent s'enregistrer auprès du SEF avant leur entrée sur le territoire. Or, à part le Portugal, les autres États membres de la CPLP ne font pas partie de la zone Schengen. 6 font partie des États fondateurs de la Communauté (en 1996) : l'Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Brésil, et São Tomé-et-Principe. Le Timor-Oriental a rejoint la Communauté en 2022 et la Guinée équatoriale, en 2014. Avec la nouvelle loi, les ressortissants de ces États n'auront plus besoin de l'avis du Service des étrangers et des frontières pour leur demande de visa. Mais cet ajustement n'enlève pas les pouvoirs de la SEF. Il s'agit ici d'appliquer un point de l'accord de Luanda.
Réparer les erreurs du passé ?
Dans son discours du 4 août, le président portugais parle de « mettre en place au plus vite le mécanisme, [...] idée commune du Cap-Vert et du Portugal […] car cela représente la reconnaissance d'un mérite du passé que nous devons aux Cap-Verdiens du Portugal [...] » Comme le Cap-Vert, la majorité des États membres de la CPLP sont d'anciennes colonies portugaises. Les blessures du passé sont encore vives pour des États qui, jusqu'à la promulgation de la réforme, se montraient sceptiques. D'où l'insistance du président, qui parle de « mini-révolution » pour créer de nouveaux échanges entre les pays. Marcelo Rebelo de Sousa veut étendre l'influence de la CPLP. Plus qu'une simple Communauté de chefs d'État, il veut la faire évoluer vers une « communauté construite par tous les peuples. » Des populations parfois présentes depuis longtemps au Portugal, mais en situation irrégulière.
Régulariser la main-d'œuvre étrangère
Le deuxième changement de la loi concerne la politique en matière d'immigration illégale. Avec cette réforme, le gouvernement portugais espère favoriser l'intégration des étrangers déjà présents et impliqués localement (ils parlent portugais, ils ont un travail). Manière de lutter contre l'immigration illégale tout en profitant d'une main-d'œuvre qualifiée. Le Portugal est peu à peu devenu un nouveau « hub » migratoire pour des dizaines de milliers d'immigrants, dont des sans-papiers. Les choses se sont accélérées depuis la crise syrienne de 2015. De terre d'émigration, le Portugal est passé à terre d'immigration, et même à « hub » migratoire, comme le Royaume-Uni, la France, ou l'Allemagne. Entre 2015 et 2020, le nombre d'immigrés au Portugal a bondi de 70 %. En parallèle, le pays perd ses ressortissants, qui préfèrent aller travailler ailleurs en Europe. C'est l'effet de la citoyenneté européenne et des accords de Schengen, qui permet à n'importe quel citoyen d'un État membre de circuler dans l'espace Schengen.
Un nouveau visa pour les travailleurs ?
Pour mieux attirer la main-d'œuvre étrangère, l'État réfléchit à la création d'un nouveau titre à durée déterminée, réservé aux expatriés qui souhaitent travailler au Portugal. Avec ce nouveau sésame, ils pourraient bénéficier de procédures facilitées pour obtenir leur visa temporaire. Les membres de la famille, s'ils ont des compétences particulières, pourraient aussi bénéficier de ce visa. Les travailleurs à distance sont également concernés. Le gouvernement portugais ne veut pas passer à côté de la révolution de l'organisation du travail, avec le boom du télétravail et du nomadisme numérique. Le pays a néanmoins déjà mis en place un visa temporaire pour les indépendants et les entrepreneurs. Le nouveau projet de visa, s'il est appliqué, concernerait donc davantage les télétravailleurs.
Loi immigration : implications pour les expatriés vivant au Portugal ?
A priori, rien ne devrait changer pour les expatriés en situation régulière. Ceux déjà présents sur le territoire ne semblent pas être la cible de la réforme. Leur statut juridique n'est pas remis en cause. Les changements concernent plus les expatriés en situation irrégulière et les candidats à l'expatriation. Le Portugal reste un pays attractif pour les expatriés. Le pays n'a pas été épargné par la pénurie de main-d'œuvre et veut attirer les talents internationaux. Un bon point pour les candidats à l'immigration. L'autre bon point, c'est le renforcement des relations entre les États membres de la Communauté des Pays de Langue Portugaise. Des relations d'égal à égal, gagnant-gagnant. Mais il est peut-être encore trop tôt pour crier victoire. Le président de Sousa reconnaît lui-même «quelques inexactitudes » dans le contenu de la nouvelle loi.