Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?
Patrick (mon mari) et moi (Céline) avons 2 enfants, alors âgés de 9 ans et 13 ans lorsque nous avons déménagé au Canada en 2014. Tous 2 anciens militaires pour l'armée de l'air, mon mari a servi la France durant 21 ans et moi 4 années. Patrick a grandi à Besançon avant de s'engager dans l'armée française. J'ai grandi en Alsace où j'ai fait mes études et mon engagement militaire. En 2009, la base aérienne de Colmar ferme ses portes Patrick est muté à Istres où nous avons habité durant 4 années. En 2014, nous avons quitté la France pour le Canada. En arrivant au Canada, Patrick a, dès son arrivée, commencé à travailler dans le transport de matières dangereuses. Quant à moi, j'ai accepté un poste dans l'aéronautique jusqu'en 2019 où nous avons démarré notre propre activité.
Qu'est-ce qui vous a amenés au Canada ?
En septembre 2010, nous avons fait un 1er voyage au Canada mon mari et moi, juste pour des vacances. En 2013, nous avons passé les 2 mois d'été à visiter la Québec, mon mari, mes enfants et moi-même. C'est au retour de ce long voyage que nous avons décidé d'envoyer notre demande de Résidence Permanente au Canada dans le but de vivre une aventure à l'extérieur de la France.
Depuis combien de temps y vivez-vous ?
Nous vivons au Canada depuis maintenant 8 ans
D'anciens militaires à entrepreneurs, qu'est-ce qui vous motivé à changer de carrière ?
L'armée est une grande famille avec de belles valeurs et elle restera toujours dans nos cœurs. Mon mari y a passé 21 ans de sa vie. Quant à moi, 4 belles années qui m'ont aidée à apprendre des valeurs que l'on ne nous inculque pas dans le civil.
En 2009, mon mari est parti en Afghanistan. Pour moi, c'était l'opération extérieure de trop !
Je n'avais plus envie de vivre cette peur constante que le téléphone sonne pour m'annoncer une mauvaise nouvelle.
À son retour de l'Afghanistan, nous avons donc pris le temps de nous retrouver. C'était lors de notre voyage au Canada en 2010. Ce que je voulais pour notre famille c'était surtout la paix et la tranquillité d'esprit.
Lors de notre déménagement au Canada, nous ne savions pas à ce moment-là que nous allions devenir entrepreneurs. Nous avons tout 2 repris un emploi similaire à ce que nous faisions dans l'armée, mais sans les contraintes de l'armée.
Ce n'est qu'en 2019 que nous nous sommes lancés en affaires.
Pouvez-vous dire qu'il s'agit d'une reconversion réussie ?
Absolument ! Sans aucun doute ! Nous ne pouvions pas rêver mieux.
Depuis le lancement, les affaires ont évolué, puis vint la Covid. Quel en a été l'impact sur votre activité au Canada ?
En 2019, quand j'ai quitté l'aéronautique ici, à Montréal, je ne savais pas vraiment dans quoi je m'embarquais. Mon mari a donc continué à travailler de nuit (de 1h du matin à 13h, soit des horaires de 12h de travail par jour) en attendant de voir comment mon affaire allait avancer.
Les débuts étaient plutôt prometteurs. Mon tout nouveau concept attirait la curiosité des gens et ils parlaient de plus en plus de nous et nos services. Nous sommes allés jusqu'à même passer sur les ondes radio gratuitement par les animateurs qui étaient fans de notre concept (à ce moment-là nous ne savions pas encore que nous allions révolutionner le milieu de la crêperie française au Québec).
Puis la pandémie est arrivée ! Je me suis posée un instant et me suis dit : ce n'est pas possible, je dois faire quelque chose. Je n'ai pas fait tout cela pour m'arrêter maintenant.
Les gens affichaient partout sur leurs fenêtres des dessins d'espoirs avec des arcs-en-ciel pour remonter le moral aux enfants, c'est alors que j'ai créé mon tout premier gâteau de crêpes arc-en-ciel. Ce fut littéralement un succès. Il y avait parfois jusqu'à 1 mois d'attente pour se procurer mon fameux gâteau de crêpes arc-en-ciel. Je n'en revenais tout simplement pas !
De fil en aiguille, j'ai développé d'autres produits autour de la crêpe et eux aussi ont fait fureur et c'est toujours le cas aujourd'hui. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons ouvert une boutique resto en avril 2022 en plus de notre service de traiteur à domicile.
La pandémie a été pour nous, comme pour beaucoup de gens, un moment très difficile à vivre, mais ma motivation et ma détermination à ne pas abandonner a fini par payer. Aujourd'hui, toute la famille travaille pour notre entreprise en plus de nos employés. C'est donc avec beaucoup de fierté que nous sommes passés haut la main à travers cette épreuve difficile.
La culture de l'entrepreneuriat est-elle très présente au Québec ?
Oui, elle est présente. Beaucoup de gens se lancent en affaires mais beaucoup ne savent pas gérer ou confondent caisse et salaire et font faillite après quelques années. Il faut dire qu'au Québec, comme partout au Canada, c'est facile de créer son entreprise. On vous donne la possibilité de réaliser vos envies et surtout d'y arriver. Après, il vous appartient de tenir la route et de vous investir car ici on ne compte pas ses heures.
Quels sont les principaux défis pour un entrepreneur étranger au Québec ?
Trouver LE concept qui fera LA différence. C'est ce que recherchent les Canadiens. Parler français et anglais est un atout. Il faut aussi ne pas être fainéant car ici tout est possible.
L'on a tendance à croire que le Québec et la France ne sont pas si différents puisqu'on y parle français. Qu'en dites-vous ?
Je ne suis vraiment pas d'accord ! Certes, le français est pratiqué au Québec mais avec un langage tout autre que nous n'utilisons pas ou plus en France. D'autre part les gens sont moins « MOI, JE' » au Québec. (Attention, je ne mets pas tous les Français dans le même sac !) Ils ont une vision différente de la vie : ils la prennent plus relax je dirais. C'est moins stressant que dans certaines régions de France.
À votre avis, peut-on parler de choc culturel quand on s'installe au Canada et plus particulièrement au Québec ?
Je ne pense pas vraiment que l'on peut parler de choc culturel. Certes, la nourriture est différente, nous avons 6h de décalage avec la France, les gens ont un accent que, parfois, si vous ne vous concentrez pas, vous ne comprendrez rien ou pas grand-chose. Mais je dirai que c'est tout comme si vous habitez à Marseille et que vous partez vivre à Lille, vous ne retrouverez pas les mêmes expressions, les mêmes saveurs culinaires, les mêmes fêtes païennes... Après tout, lorsqu'on fait le choix de changer de vie, de ville ou de pays, est-ce vraiment dans le but de retrouver tout ce que vous venez de quitter ?
Comment faire pour surmonter ces différences, donc ?
S'intégrer rapidement et ne surtout pas tout comparer à la vie que vous venez de quitter.
Qu'en est-il de votre vie sociale au Québec ?
Je ne vous cache pas que la première année a été la plus déstabilisante. Nous nous sommes remis en question, à savoir si nous avions fait le bon choix pour nous et nos enfants. Mais très vite, nous nous sommes faits aux différents changements que cette nouvelle vie nous offrait.
Après tout, personne ne nous a poussés à nous expatrier. Nous avons donc pris cette nouvelle aventure comme des vacances à long terme, tout en travaillant, ce qui nous permettait de subvenir à nos besoins, et très vite nous nous sommes sentis chez nous.
Avez-vous eu du mal à vous faire de nouveaux amis ?
Nos amis sont en France. Au Québec, nous nous sommes fait beaucoup de copains, copines, connaissances au départ grâce à nos 2 enfants scolarisés, ce qui nous a permis de rencontrer les parents lors d'un anniversaire ou autre, puis, très vite, notre cercle de connaissances s'est agrandi.
Avez-vous des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient s'installer au Québec et y développer une activité professionnelle ?
N'arrêtez jamais de croire en vous car le Québec croit en vous et vous donnera la chance dont vous avez besoin pour réaliser vos rêves professionnels les plus fous. Le courage, la force, la détermination ferons de vous ce que vous aimeriez être et, surtout ne pas écouter la famille ou les amis. Posez-vous la question suivante : vos amis ou votre famille ont-ils essayé avant de vous remettre en question ? Si nous avions écouté nos amis, nous n'en serions pas à la réussite que nous vivons ici depuis quelques années.
Quelles sont les qualités indispensables pour réussir au Québec ?
Je pense que cela va de soi. Il faut avoir de l'ambition et de la motivation.
Ne pas croire qu'on vous remettra la clé de votre maison meublée, la clé de votre 4x4 et un boulot dès votre arrivée au Canada. Il appartient à chacun de créer la vie qu'il veut avoir.
Ne jamais rien prendre pour acquis au Canada. Vous pouvez réussir rapidement, mais vous pouvez aussi très vite retomber. Il faut donc toujours être vigilant et garder les pieds sur terre.
Nous sommes arrivés au Canada sans aucune attente professionnelle particulière. Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous vivons le rêve américain et tout cela grâce à nos propres efforts.
Quels sont vos projets d'avenir ?
Nous avons plusieurs projets professionnels sur le feu, tel que la franchise de notre concept, mais aussi un livre à venir. Notre histoire ne fait que commencer. (À notre grand bonheur, encore une fois, nous ne comptons pas nos heures de travail pour réaliser tout cela.)
Pour ce qui est de nos projets personnels, nous faisons en moyenne 2 à 3 voyages par année. Cela nous permet aussi de nous rendre compte de la chance que nous avons de vivre cette magnifique expérience de vie que nous souhaitons à tout le monde.
Un retour en France est-il envisageable ?
Actuellement, ce n'est pas dans nos projets mais investir dans une petite maison de vacances en France, oui absolument. Il faut dire que la gastronomie française nous manque, mais c'est bien la seule chose.
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