C'est une nouvelle que les Français expatriés aux États-Unis et les candidats à l'expatriation attendaient depuis longtemps. La visite d'État du président Macron à Washington relance les discussions concernant la durée et le renouvellement des visas, notamment le visa investisseur (E2).
L'heure est à l'apaisement. Parti défendre « la voix de l'Europe » en terre américaine, le président français est revenu sur des sujets de crispation qui pourraient « menacer tout l'Occident ». L'Inflation Réduction Act, plan historique de lutte contre l'inflation, revient vite sur la table (non sans quelques coups d'éclat dont le président Macron a le secret). Joe Biden promet « des ajustements ».
Mais la surprise vient d'ailleurs. Alors que la visite d'État s'achève, les présidents Macron et Biden abordent le problème des visas : en 2019, l'administration Trump réduit drastiquement la durée des visas E1 (entrepreneurs dans l'import-export), E2 (investisseurs), L (entreprises françaises ayant une filiale à l'étranger), F (étudiants), et R (activités religieuses). Le visa E passe de 5 ans à 25 mois, le L, de 5 ans à 17 mois. Le visa étudiant passe de 60 à 20 mois et celui pour religieux, de 5 ans à 15 mois.
Stupeur chez les Français expatriés aux États-Unis et les candidats à l'expatriation. Mais pour l'administration Trump, il s'agit de réviser les réciprocités des visas non immigrants entre les États-Unis et la France. Une réciprocité qui ne semble pas vue de la même manière entre les deux pays.
Rencontre avec Sylvain Perret, investisseur aux États-Unis et fondateur du site Objectif USA
Changement de ton sous l'administration Biden. À l'issue de la visite d'État d'Emmanuel Macron, les deux présidents s'entendent sur la nécessité de reprendre les pourparlers. Une bonne nouvelle pour tous les expatriés français et candidats à l'expatriation. Investisseur en France et aux États-Unis, Sylvain Perret suit activement le dossier des visas. Dans une interview accordée Expat.com, il salue l'annonce Macron-Biden, signe d'un tournant majeur, qui invite à une mobilisation plus grande encore.
Le 1er décembre, les présidents Macron et Biden annoncent qu'ils mettront en place des discussions pour « une simplification mutuelle des procédures d'octroi et de renouvellement des visas [...] ». En quoi cette annonce marque-t-elle un tournant dans les relations franco-américaines et dans la situation des investisseurs français ?
Cela marque un tournant dans le sens où les deux pays ont indiqué clairement qu'ils ont la connaissance du problème et qu'ils vont travailler à améliorer les choses. Jusqu'à présent, nous n'avions pas eu de signe montrant, que, d'un côté ou de l'autre, il y avait une volonté de faciliter l'octroi des visas.
Vous suivez l'affaire depuis 2019 : Trump, alors au pouvoir, raccourcit la durée de plusieurs visas, dont le E2, qui passe de 60 à 15 mois. Vous bataillez contre cette mesure et parvenez à faire passer la durée du visa à 25 mois. Quel impact la décision de Trump a-t-elle eu sur la vie des investisseurs et entrepreneurs français vivant aux États-Unis ? A-t-on observé une baisse des demandes de visas ?
Clairement, je ne suis pour rien dans le passage à 25 mois, c'est l'administration française et la diplomatie qui ont été à l'œuvre. Malheureusement, ils n'ont pas été écoutés car le passage à 25 mois, même si c'est un peu mieux, laisse le problème entier. 25 mois, ce n'est pas assez pour s'engager dans un processus tel que l'expatriation par la création ou la reprise d'entreprise. Par contre, depuis le début, j'interpelle les politiques, les élus, les diplomates pour que la négociation reprenne et qu'on ne se « contente » pas de 25 mois : la France est dans les pays les moins bien traités d'Europe où la moyenne est de 44 mois. Il faut aussi bien comprendre le principe de réciprocité : il faut que la situation des investisseurs américains en France s'améliore afin que celle des Français aux USA s'améliore aussi, par réciprocité. Certains ont bien compris l'enjeu et je tiens à citer ici deux Conseillers des Français de l'étranger, Laure Pallez et Franck Bondrille, qui se sont eux aussi investis dans ce combat.
Sur votre site objectif-usa.com, vous écrivez : « Est-ce une victoire ? Non. Est-ce une avancée significative ? Oui, définitivement Oui ! » Vous vous montrez enthousiaste tout en restant prudent. À votre avis, combien de temps ces « discussions » pourraient-elles durer avant le rétablissement de la situation ? Souhaitez-vous d'ailleurs un retour à l'avant 2019 ou avez-vous d'autres propositions pour améliorer le visa E2 ?
Si seulement je le savais ! On a quand même des « bruits » comme quoi les discussions existent, que les deux pays ont repris la négociation, ce qui est énorme. Il est bien évident qu'on ne peut rien projeter, rien ne garantit que ces négociations aient un résultat. Mais cette déclaration me donne effectivement de l'espoir. La veille, le Président Macron avait évoqué le sujet devant un millier de Français des USA, à l'ambassade de France à Washington. J'ai lu à pas mal d'endroits qu'il faisait cela pour « faire plaisir » à son auditoire. Mais le lendemain, avec une déclaration officielle des deux pays sur ce sujet, on change de registre. Chaque mot de ce type de déclaration conjointe est pesé, analysé, avant d'être communiqué : que la question des visas soit reprise dans ce texte est un signal très fort. Mon sentiment est que s'il se passe quelque chose, ce sera dans l'année 2023, idéalement dans la première moitié, sinon, c'est un échec.
Un autre visa fait beaucoup parler de lui depuis la crise sanitaire : le visa nomade numérique. Pensez-vous que les États-Unis se lanceront enfin dans la course ?
Sincèrement, je ne le pense pas. En effet, les USA privilégient les visas qui amènent de la compétence bénéficiant directement aux USA (les nomades numériques travaillent souvent pour leur pays d'origine mais à partir de l'étranger) et les visas qui génèrent de l'emploi direct aux USA (ce qui est très rare chez les nomades digitaux). En fait, j'ai du mal à voir l'intérêt pour les USA d'accepter ce type de profil, à part, peut-être, pour les taxes directes.
On parle toujours du « rêve américain », mais aussi de la « jungle » des visas, réputés très difficiles à obtenir (comme le H1B). Partagez-vous cette vision ? Quels conseils donneriez-vous à un Français souhaitant ouvrir une entreprise ou travailler aux États-Unis ?
Le rêve Américain, c'est la possibilité de réussir en partant de rien, en s'élevant à partir d'une condition modeste. Je pense que cela existe toujours. Un grand nombre des start-ups à succès ont été créées par des immigrants. Aux USA, les gens étudient aussi tout au long de leur vie pour améliorer leur condition. Attention, je vais égratigner la France, mais j'assume : aux USA, votre vie n'est pas déterminée par vos résultats scolaires entre 16 et 23 ans.
Mes conseils aux Français :
- Réfléchissez beaucoup, préparez votre projet (mais pas trop non plus, ne vous réveillez pas à 60 ans en vous disant « J'aurais dû »)
- Assurez-vous que votre projet correspond à une vraie demande, ne pensez pas que « parce que c'est Français, les Américains vont adorer »
- Soyez prêts à pivoter, à vous adapter
- Travaillez votre anglais,
- Ayez de la marge financièrement, les USA coûtent cher
- Intégrez la famille et la santé dans votre réflexion,
- Faites-vous accompagner par des professionnels et recoupez toutes les informations,
- Lisez mon livre (S'expatrier aux États-Unis grâce aux visas d'entrepreneurs)