Publiée dans le Journal Officiel le 2 juin, la nouvelle loi immobilière espagnole est en vigueur depuis le 30 juin. Une loi urgente, pour réguler un marché immobilier espagnol sous tension et faciliter l'accès au logement. C'est particulièrement vrai dans les « zones stressées ». La nouvelle loi encadre davantage les loyers et remet locataires et propriétaires sur un même pied d'équité. Que faut-il désormais prendre en compte pour acheter un bien immobilier en Espagne ?
Contexte immobilier en Espagne
Les investisseurs étrangers ont les yeux rivés sur l'Espagne. Contrairement à d'autres pays, où les taux d'intérêt grimpent, ceux de l'Espagne restent dans la moyenne (en débit d'une hausse remarquée des taux, de -0,48 % en janvier 2022 à 3,14 % en décembre 2022). Résidence secondaire, location… Les agences proposent des offres clé en main pour les investisseurs étrangers. Au premier trimestre 2022, plus de 20 000 achats immobiliers ont été réalisés par des étrangers. Le chiffre a frôlé les 25 000 transactions au 2e trimestre. 2023 confirme la tendance. Les investisseurs devront cependant composer avec la nouvelle loi immobilière. Car malgré une année 2023 définie comme une « bonne année » pour investir dans l'immobilier espagnol (contrairement à la crise de 2008, le marché immobilier espagnol est plus solide), la crise pointe tout de même, avec des zones sous tension et des pénuries de logements.
Zones sous tension
Si la réforme immobilière a une portée nationale, chaque communauté autonome décide librement de son application. Ce sont les mêmes communautés qui définissent leurs « zones stressées », appelées aussi zones sous tension. Des zones qui devraient s'agrandir avec la réforme. La pression immobilière est déjà forte dans le centre de Barcelone, de Madrid, avec des prix qui ont grimpé ces dernières années. Même les villes plus modestes sont touchées par la hausse des prix. Il faut s'éloigner dans les communautés moins touristiques, moins peuplées, pour retrouver des loyers plus abordables. Ces éléments sont à prendre en compte pour un projet d'achat immobilier en Espagne.
Les conditions pour définir une zone sous tension ne changent pas (coût moyen de l'emprunt ou du loyer, ou augmentation du prix d'achat ou de la location). Il est donc possible qu'une zone sur laquelle l'on prévoyait un investissement immobilier se retrouve classée en zone sous tension. Mais ce classement n'annule pas pour autant l'investissement. La décision d'une communauté de classer telle zone en zone stressée est révisée tous les 3 ans et reste contestable.
Catégories de propriétaires
En réflexion sur un achat immobilier en Espagne ? La réforme distingue 3 types de propriétaires, pour qui elle définit un cadre et des obligations spécifiques. Tout d'abord, les grands propriétaires. Ils doivent détenir au moins 10 logements ou 15000m² entièrement dévolus à l'usage résidentiel. Les grands propriétaires peuvent être des personnes morales ou physiques. Ensuite, les grands propriétaires exceptionnels, détenteurs d'au moins 5 logements dans des « zones stressées ». Les autres propriétaires, qu'ils soient personnes morales ou physiques, possèdent moins de 5 logements.
Limitation de la capacité d'endettement
Depuis la réforme immobilière, la part qu'un foyer consacre au logement ne doit pas dépasser 30 % de son revenu. La mesure est censée protéger les familles, notamment les plus modestes. Avant la réforme, un acheteur pouvait s'endetter à hauteur de 40 % de ses revenus (selon les recommandations de la précédente loi). La modification impacte aussi les étrangers propriétaires d'un bien immobilier en Espagne ou souhaitant en acquérir un. Il faudra désormais prendre en compte la capacité d'endettement limitée des locataires. Même vigilance concernant le projet d'achat immobilier, qui devra tenir compte de cette limitation.
Plafonnement des loyers
C'est peut-être le point le plus contesté de la réforme. La nouvelle loi immobilière entérine la mesure prise depuis la guerre en Ukraine. Depuis 2022, les loyers ne sont plus révisés en fonction de l'Indice des prix à la consommation (IPC). À l'époque, la mesure est justifiée par l'impératif de contenir les effets de la guerre. Le gouvernement maintient la règle pour tout le pays. Les propriétaires ne pourront pas augmenter les loyers de plus de 2 % cette année et plus de 3 % en 2024. L'augmentation des loyers continuera de se baser sur le dernier loyer en vigueur.
Nouveau changement à partir de 2025, année durant laquelle l'Institut National des Statistiques espagnol lancera un nouvel Indice de Référence des Loyers. Les loyers devront être revus en fonction de ce nouvel indice pensé pour être plus bas et plus stable que l'inflation. Les propriétaires ne pourront pas jouer sur les frais annexes pour augmenter les loyers. En revanche, ils pourront, à titre d'exception, augmenter les loyers de 10 % dans des cas bien précis (travaux de rénovation importants, par exemple). Là encore, le changement impacte directement les projets d'achats immobiliers en Espagne. Les propriétaires estiment que la mesure ne prend pas assez en compte les fluctuations du marché et la conjoncture.
Avantages fiscaux
La nouvelle loi immobilière espagnole prévoit quelques avantages fiscaux pour les investisseurs. Les propriétaires qui louent leur bien immobilier situé dans une zone sous tension et qui baissent leur loyer de 5 % (par rapport au loyer précédent) pourront bénéficier d'une baisse de 90 % de l'imposition des revenus issus de la location. Ils ne devront donc déclarer que 10 % de leurs gains. La baisse sera de 70 % s'ils louent à une ONG, un organisme social, ou s'ils optent pour une première location destinée à des jeunes entre 18 et 35 ans. La réduction sera de 60 % si le logement a bénéficié de travaux de rénovation dans les 2 années précédentes. Dans les autres cas, la baisse sera limitée à 50 %. C'est 10 % de moins qu'actuellement.
Taxation des logements vacants
Mieux vaut ne pas laisser son logement vide. On rappelle que la nouvelle loi immobilière espagnole veut rendre les logements plus abordables, encourager et faciliter les locations et les logements sociaux (le parc des logements sociaux n'est que de 1,6 % actuellement). Pour inciter les investisseurs à louer leurs biens, les logements vacants seront taxés. La taxe foncière pourra ainsi être majorée jusqu'à 150 %. La majoration sera fonction du nombre d'années durant lequel le logement est inoccupé. Plus la durée est longue, plus la majoration sera importante. Elle s'alourdira également si le propriétaire possède plusieurs logements vides dans une même ville.
La réforme espagnole penche-t-elle davantage du côté des locataires ? C'est l'avis des propriétaires, qui dénoncent des « charges » nouvelles, comme le paiement des frais d'agence. Les locataires vulnérables seront davantage protégés. Les expulsions seront plus contraignantes. Les défenseurs de la loi rappellent que certains quartiers sont devenus inaccessibles aux habitants à cause des trop nombreux investissements immobiliers étrangers. Ils rappellent également que les propriétaires bénéficieront d'incitations fiscales effectives à partir de 2024. Le coup de pouce ne semble cependant pas apaiser les tensions. Reste à voir quel impact la nouvelle loi aura sur les investissements immobiliers étrangers.