À l'instar des infirmières, des médecins, des professionnels des technologies et des métiers de l'artisanat qualifié qui font face à des pénuries de main-d'œuvre à l'échelle mondiale depuis plusieurs années, les enseignants du public, de la maternelle au lycée, voient eux aussi la demande pour leurs compétences croître. Face aux difficultés de recrutement et de fidélisation des enseignants locaux, de nombreux établissements scolaires se tournent désormais vers le recrutement, voire la formation, d'enseignants expatriés.
Le Royaume-Uni propose une formation financée aux enseignants expatriés
La question de l'immigration au Royaume-Uni est un casse-tête. D'après The Guardian, le gouvernement conservateur actuel souhaite réduire le solde migratoire. Un paradoxe alors que le NHS (service national de santé) et le système éducatif public peinent à recruter des travailleurs expatriés qualifiés en raison d'une pénurie nationale aiguë de main-d'œuvre.
Pourquoi observe-t-on une telle pénurie d'enseignants ? D'une part, citons l'érosion de l'attractivité du métier auprès des jeunes diplômés. D'autre part, on constate un exode des enseignants en poste qui se tournent vers la reconversion professionnelle. Une enquête alarmante du ministère britannique de l'Éducation (Department for Education – DfE) révèle que 9 % de l'ensemble des enseignants du public, soit 40 000 personnes, ont démissionné avant l'âge de la retraite au cours de la seule année scolaire 2022-2023. Le manque de satisfaction salariale, les horaires de travail à rallonge propices à l'épuisement professionnel, ainsi que le sentiment d'un manque de soutien et de moyens pour gérer les problèmes de comportement des élèves, sont les principales raisons invoquées pour expliquer cette vague de démissions.
Le gouvernement britannique a lancé une campagne baptisée « Get Into Teaching » (Entrez dans l'enseignement). Destiné à accompagner les personnes intéressées par une carrière d'enseignant, il leur propose un soutien téléphonique personnalisé. Et bonne nouvelle : ce service est également ouvert aux candidats étrangers, y compris ceux en provenance de pays situés hors de l'UE/EEE.
Pour exercer en tant qu'enseignant titulaire au Royaume-Uni, il faut obtenir le Qualified Teacher Status (QTS), qui peut s'acquérir de plusieurs manières : une formation universitaire d'un an, une formation combinée à un stage rémunéré dans une école, une évaluation directe (réservée aux enseignants expérimentés, y compris si cette expérience a été acquise dans un autre pays et système éducatif).
Le programme d'un an pour l'obtention du statut QTS (Qualified Teacher Status) peut s'avérer onéreux pour les candidats étrangers qui le financent personnellement. En effet, les frais de formation s'élèvent à environ 15 000 £ (soit environ 20 000 $ US) auxquels s'ajoutent les frais de subsistance. Toutefois, pour pallier la pénurie d'enseignants dans certaines matières, il existe des financements publics destinés à subventionner la formation des candidats provenant d'autres pays.
Ainsi, les futurs enseignants expatriés du secondaire qui enseignent des langues vivantes modernes (espagnol, français, allemand) ou la physique peuvent demander une bourse d'un montant pouvant atteindre 28 000 £ ou une allocation d'études dont le montant peut atteindre 30 000 £.
Il existe également la formation iQTS (International Qualified Teacher Status) en ligne, conçue pour les enseignants non-résidents du Royaume-Uni. Attention, cette formation n'est pas éligible au financement public britannique.
Le programme « School Direct », également appelé formation d'enseignant salarié en présentiel au Royaume-Uni, constitue une excellente alternative pour les enseignants expatriés à la recherche d'une formation gratuite. Les participants perçoivent un salaire minimum pendant leur formation qui dure un ou deux ans. Salaire qui s'élève à 20 598 £ minimum en Angleterre et qui peut atteindre 25 831 £ dans les zones centrales de Londres, où le coût de la vie est plus élevé.
Le hic ? Cette formation nécessite un visa de travail valide au Royaume-Uni, y compris si l'expatrié ne dispose pas d'un « settled status » (permis de séjour permanent) ou de la résidence permanente. L'école ou le programme de formation n'étant pas apte à sponsoriser de visa de travail pour les participants, il leur faut obtenir un autre visa, tel que le « Graduate Visa » (visa diplômé), le « High Potential Individual (HPI) Visa » (visa pour les personnes à fort potentiel), ou le « India Young Professionals Scheme Visa » (visa pour les jeunes professionnels indiens). La durée de validité du visa doit impérativement couvrir la durée totale du programme de formation « School Direct » choisi. La formation ne doit pas dépasser d'une seule semaine la durée de votre visa.
L'année dernière, un projet pilote ambitieux visant à attirer des enseignants expatriés au Royaume-Uni a vu le jour. Ce programme offrait une aide à l'installation de 10 000 £ aux enseignants de physique et de langues vivantes modernes, leur permettant de travailler tout en suivant une formation. Malheureusement, ce dispositif prometteur a été abandonné cette année. Cette décision a suscité des critiques de la part des acteurs du monde éducatif, notamment le Conseil des universités pour la formation des enseignants. En effet, le ministère de l'Éducation n'a pas réussi à atteindre ses objectifs de recrutement l'année dernière, avec un taux de participation inférieur à 50 %.
La France connaît actuellement une pénurie de professeurs d'anglais
D'après le journal Le Monde, il manquait un nombre impressionnant de 3 000 professeurs dans les écoles publiques françaises à la rentrée de septembre 2023. Une enquête du SNES-FSU, syndicat regroupant les enseignants du secondaire, révèle qu'au moins un poste d'enseignement n'était pas pourvu dans la moitié des collèges et lycées.
Les difficultés de recrutement et de fidélisation des enseignants français présentent des similitudes avec celles du Royaume-Uni : stagnation des salaires (inférieurs à la moyenne de l'OCDE), horaires de travail chargés et effectifs d'élèves par classe élevés.
Comme le souligne Rokhaya Diallo dans son article du Guardian intitulé « France's schools are in crisis – and it has nothing to do with pupils' dress » (Les écoles françaises en crise et cela n'a rien à voir avec la tenue des élèves), les régions les plus défavorisées, souvent caractérisées par une grande diversité ethnique, sont les plus durement touchées par le manque d'effectifs enseignants.
En conséquence, les enseignants expatriés nouvellement intégrés au système public ont de fortes chances d'être affectés à des établissements situés dans ces régions, plutôt que dans des écoles prestigieuses de Paris, déjà dotées d'enseignants locaux plus expérimentés.
Les enseignants de l'Union européenne peuvent bien sûr postuler directement pour enseigner en France. Mais qu'en est-il des enseignants passionnés hors UE ?
Il existe un programme spécifique pour les jeunes professeurs d'anglais (moins de 35 ans) originaires des États-Unis : le TAPIF (Teaching Assistant Program in France). L'anglais figure parmi les matières les plus touchées par la pénurie d'enseignants dans les écoles publiques françaises.
Les jeunes Américains titulaires d'un niveau B1 minimum en français (niveau intermédiaire) peuvent ainsi enseigner l'anglais pendant un an. Ce programme constitue une excellente entrée en matière pour les jeunes diplômés ayant peu d'expérience, mais il ne garantit pas l'obtention d'un poste d'enseignant à plus long terme.
Bien sûr, une alternative consiste à venir en France en tant qu'étudiant et à intégrer le marché du travail après l'obtention de votre diplôme. L'enseignement supérieur reste relativement abordable en France, les universités publiques appliquant des frais très bas, même pour les étudiants hors UE.
Les enseignants expatriés intégrant initialement le système éducatif français sont considérés comme non-certifiés, même en étant pleinement qualifiés dans leur pays d'origine. Pour être certifié, il faut réussir l'un des deux concours suivants : le CAPES (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré), accessible avec un Master (cinq années d'études supérieures) et destiné à l'enseignement au collège et au lycée et l'Agrégation, accessible aux titulaires d'un Master's degree (Bac + 5) et plus sélectif, il ouvre la voie à des postes mieux rémunérés et à des charges d'enseignement moins lourdes.
En tant qu'enseignants non-certifiés, les expatriés peuvent être recrutés en contrats à durée déterminée (CDD), c'est-à-dire des contrats temporaires pour une période de quelques mois, voire parfois quelques semaines, visant souvent à pourvoir des postes vacants qui n'ont pas suscité suffisamment de candidatures d'enseignants certifiés. Le salaire de ces enseignants est également inférieur à celui de leurs homologues certifiés.
Le Canada souhaite attirer un million de nouveaux travailleurs qualifiés en provenance de l'étranger
Le Canada se positionne actuellement comme l'un des pays les plus ouverts à l'immigration. Le gouvernement fédéral canadien a fixé des objectifs ambitieux : accueillir 500 000 nouveaux arrivants qualifiés en 2025 et autant en 2026, soit un total d'un million de personnes sur deux ans.
L'Ontario, la province la plus peuplée du Canada avec environ 14 millions d'habitants et qui abrite la capitale Ottawa et la métropole Toronto, fait partie des provinces touchées par une pénurie d'enseignants. L'organisme à but non lucratif People For Education a déclaré au journal CP24 que plus d'un quart des écoles de la province manquent de personnel, la pénurie touchant davantage les écoles secondaires (35 % d'entre elles). De nombreux établissements recrutent des enseignants non certifiés sur une base contractuelle. Si cela peut soulever des questions de sécurité et de qualité de l'enseignement, cela permet également aux novices dans la profession, y compris les enseignants expatriés nouvellement arrivés en cours d'obtention de leur certification, d'acquérir une expérience précieuse.
Également touchée par la pénurie d'enseignants, la province francophone du Québec. Selon Global News, le ministre de l'Éducation québécois, Bernard Drainville, a déclaré à la rentrée scolaire de septembre 2023 qu'il manquait encore environ 8 500 postes d'enseignant, à temps plein et à temps partiel. À l'instar de nombreuses régions du monde, les enseignants québécois manifestent et se mettent même en grève pour obtenir une amélioration de leur salaire, une réduction de leur charge de travail (difficile à atteindre dans un système en sous-effectif) et des ratios élèves-enseignants plus gérables en classe.
L'enseignement au Québec peut représenter une belle opportunité pour les expatriés en provenance d'autres pays francophones, le français étant la langue d'enseignement dans la plupart des écoles québécoises. Toutefois, une minorité d'écoles, publiques et privées confondues, dispensent leur enseignement en anglais. Encore mieux : le Québec facilite la reconnaissance des qualifications étrangères pour les enseignants expatriés de certains pays francophones ainsi que d'autres pays. Ces pays sont la France, la Belgique, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, ainsi que les États-Unis, la Roumanie, la Moldavie, l'Égypte et la Colombie.
Loin des centres urbains, les provinces canadiennes de Terre-Neuve-et-Labrador, de Saskatchewan, de l'Alberta et du Nunavut ne sont pas épargnées par la pénurie d'enseignants. L'association des enseignants du Nunavut (Nunavut Teachers' Association) a rapporté un taux de postes vacants de près de 10 % à la rentrée scolaire de 2023, soit plus de 80 postes qu'ils peinent à combler. Les salaires des enseignants au Nunavut sont particulièrement élevés pour tenir compte du coût de la vie important, de l'éloignement et de la dureté du climat dans la région.
Comme l'a rapporté Nunatsiaq News, il y a deux ans, le gouvernement régional du Nunavut a accordé une augmentation de salaire de 7 % aux enseignants. Les enseignants expérimentés disposant d'au moins dix ans d'expérience peuvent désormais y gagner près de 125 000 $ CA, un salaire équivalent à celui d'un médecin. Les enseignants débutants peuvent quant à eux espérer un salaire de départ de 80 000 $ CA. Même les enseignants non certifiés, y compris les nouveaux expatriés en formation pour obtenir leur qualification complète, peuvent gagner 175 $ CA par jour. Si l'installation à l'extrême nord du Canada peut sembler intimidante, cela peut s'avérer être une excellente décision tant sur le plan professionnel que financier pour les enseignants expatriés.
De nombreuses voies d'immigration s'offrent aux enseignants et aux aspirants enseignants souhaitant s'établir au Canada. Parmi les plus réputés, on trouve le Programme fédéral des travailleurs qualifiés (FSW) d'Entrée express et les Programmes des candidats des provinces (PCP), tous deux ouverts à cette profession.
Si vous avez obtenu vos qualifications d'enseignement en dehors du Canada, vous devrez passer l'Évaluation des diplômes d'études (EDE), processus visant à s'assurer que vos qualifications équivalent aux normes canadiennes. Pour enseigner à l'école primaire, vous aurez besoin d'une licence en éducation. Pour enseigner au collège ou au lycée, il vous faudra un premier diplôme dans la matière que vous souhaitez enseigner (par exemple, la chimie ou l'espagnol) suivi d'au moins quatre trimestres (ou deux années) dans un programme de formation pédagogique.
Étant donné la pénurie d'enseignants et le recours à des enseignants non certifiés dans de nombreuses écoles, vous pourrez, en tant qu'expatrié, commencer à travailler à temps partiel comme enseignant non certifié tout en suivant une formation pédagogique.
Liens utiles :
Royaume-Uni : Get into Teaching
France: TAPIF
Canada: Education Assessment
Québec: Immigrate to Quebec to teach