Les images du nouveau président signant ses nombreux décrets exécutifs ont fait le tour de la planète. Sans surprise, un certain nombre d'entre eux concerne l'immigration. Il faut s'attendre à des répercussions sur le marché du travail, tant du côté des étrangers que des entreprises. Quelles conséquences pour le recrutement des talents étrangers ? Sera-t-il toujours possible de faire carrière aux États-Unis ?
Les dernières annonces concernant l'immigration
5 décrets exécutifs ont eu une application immédiate. Tout d'abord, l'application « CBP One », utilisée pour fixer les rendez-vous de demandes d'asile, a cessé de fonctionner. Consternation chez les demandeurs d'asile qui avaient un rendez-vous le jour même de la cessation de l'application. Autre mesure controversée : la révision du droit du sol, qui met fin au droit à la citoyenneté pour les enfants d'immigrants sans papiers. Mais le décret est déjà attaqué. Le 23 janvier, la juridiction fédérale de Washington a signé un décret temporaire (valable 14 jours) bloquant l'application du décret controversé. 6 autres tribunaux examinent des voies de recours.
L'urgence nationale est déclarée à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Les contrôles aux frontières sont renforcés. Les entreprises de la région doivent s'attendre à un durcissement des vérifications concernant leurs recrutements. La politique « restez au Mexique » est rétablie, toujours pour limiter les expatriations. Le dernier décret concerne encore le Mexique. Les cartels criminels mexicains sont désormais considérés comme des organisations terroristes.
Quel impact sur le marché du travail et le recrutement des talents étrangers ?
Le renforcement des contrôles pour les entreprises situées à la frontière mexicaine a de grandes chances de s'étendre à tout le pays. Les défenseurs d'un durcissement des règles veulent rendre l'E-Verify obligatoire pour tous les employeurs. L'E-Verify est un outil numérique qui permet à l'employeur de confirmer l'autorisation de travail d'un nouveau salarié. L'employeur saisit les informations du travailleur obtenues grâce au formulaire l-9 (processus de vérification de l'admissibilité à l'emploi) sur le site internet E-Verify. Le site lui délivre quasi instantanément une confirmation gouvernementale de l'admissibilité au travail. Mais la systématisation de l'E-Verify et son déploiement dans tout le pays prendront du temps. Pour l'instant, l'E-Verify n'est pas obligatoire.
L'administration Trump a également annoncé durcir la sélection des agents chargés de délivrer les visas. Durcissement qui aurait des conséquences directes sur le recrutement des étrangers : délais d'attente, conditions d'obtention du visa, etc.
Visa H-1B : à quoi faut-il s'attendre ?
Le populaire visa temporaire H-1B (réservé aux étrangers qualifiés) pourrait être prochainement réformé. Ses partisans, dont Elon Musk, militent pour son expansion. Ils proposent d'augmenter le plafond actuel, fixé à 85 000 visas. Au contraire, les autres républicains, notamment Steve Bannon, plaident activement pour la suppression du visa H-1B.
Malgré une baisse des demandes observée en 2024, le visa H-1B reste largement utilisé dans la Tech. Expert en cybersécurité, data scientist, développeur blockchain et ingénieur en intelligence artificielle (IA) font partie des nombreux métiers qui recrutent des talents étrangers. Le 28 décembre, Trump a provoqué la surprise en déclarant « croire » dans le potentiel des visas H-1B. Mais les républicains ne s'avouent pas vaincus. Ils rappellent que peu avant la fin de son premier mandat, le président Trump avait tenté de supprimer le programme.
Autres visas : des changements en vue ?
Trump candidat annonçait qu'il pourrait se retirer du Pacte États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), pacte relatif aux relations commerciales concernant le travail, l'environnement et le numérique. Si un retrait des États-Unis n'est pas immédiatement envisageable, la menace plane. Les employeurs du secteur agricole et de l'élevage sont particulièrement concernés. Car les visas H-2A (travailleurs agricoles), H-2B (travailleurs non agricoles) et TN (visas réservés aux Mexicains et aux Canadiens) seraient directement visés par un retrait des États-Unis de l'AEUMC. Or, l'agriculture américaine dépend largement de la main-d'œuvre étrangère. Pour l'instant, les États-Unis prévoient de réexaminer l'accord en 2026.
Toujours aucune annonce concernant le recrutement de talents étrangers dans le secteur des soins. Les professionnels appellent pourtant le président à une action rapide. Ils rappellent que la santé, secteur économique aussi essentiel que la Tech, dépend également de l'immigration. En 2023, près du tiers des travailleurs de la santé étaient immigrants. Les professionnels de santé demandent la création d'un programme favorable au recrutement des travailleurs étrangers. Selon le Bureau des statistiques du travail, il manquera près de 200 000 infirmiers en 2030.
Peut-on toujours aspirer à faire carrière aux États-Unis ?
Les talents étrangers doivent-ils s'inquiéter ? S'ils sont très qualifiés, non, estiment les agences de recrutements. Les qualifications retenues sont essentiellement celles des secteurs qui recrutent, notamment dans la Tech. Mais l'innovation va aussi avec des ajustements en matière de recrutement. Les baisses observées chez les géants des nouvelles technologies et du numérique ont eu lieu bien avant l'investiture de Trump. Elles sont principalement dues au développement de l'IA et à la conjoncture économique.
D'autres experts sont plus nuancés. Il est bien sûr toujours possible de faire carrière aux États-Unis. Mais la procédure pourrait être plus longue et plus contraignante. Les sceptiques rappellent qu'il est déjà difficile d'immigrer aux États-Unis. Le retour de Trump pourrait s'accompagner de hausses des frais de visas, de restrictions concernant les candidats éligibles, de baisses de quotas. Ils redoutent des effets contreproductifs sur l'économie américaine. Car de larges secteurs dépendent en partie de la main-d'œuvre étrangère. Le durcissement des règles d'immigration pourrait aussi décourager les étrangers très qualifiés. Les États-Unis se reposent souvent sur leur attractivité naturelle pour attirer les talents étrangers. Mais cette attractivité pourrait souffrir d'une politique migratoire trop contraignante pour les travailleurs étrangers.