Phénomène : pourquoi de plus en plus de riches s'expatrient

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Écrit par Asaël Häzaq le 23 août, 2024
Élections européennes, législatives britanniques, législatives anticipées en France, présidentielle américaine à venir... sans compter les élections passées et les diverses réformes. 2024 n'est pas l'année électorale pour rien. Mais l'agenda plus que chargé inquiète les super-riches. De plus en plus de super-riches prendraient la poudre d'escampette vers des destinations plus favorables pour les affaires. Analyse.

Ces supers riches qui immigrent à l'étranger

La nouvelle alerte est venue d'Europe. L'incertitude politique entourant les élections européennes a inquiété les grosses fortunes. Certaines ont préféré aller placer leur argent ailleurs, avec une préférence pour la Suisse et le Luxembourg. Deux pays régulièrement dans le viseur de la Commission européenne. En 2021, un collectif de journalistes révèle un vaste montage fiscal luxembourgeois qui permet aux milliardaires, millionnaires et autres riches personnalités (politiques, sportifs, artistes…) de profiter d'un régime fiscal favorable. Le Luxembourg dément, mais cette nouvelle affaire embarrasse. En 2024, le Grand Duché a déjà été épinglé pour son « favoritisme fiscal » (affaire LuxLeaks). Dans cette nouvelle affaire (OpenLux), 6 500 milliards d'euros auraient été placés dans des sociétés « offshore » entre 2018 et 2019.

Et voici donc les super-riches de retour au Luxembourg et en Suisse. La Commission européenne a retiré la Suisse de la liste des paradis fiscaux en 2019. Malgré des réformes, la Suisse garde son étiquette de paradis fiscal. En 2021, la Suisse figure à la 5e position du Corporate Tax Haven Index, classement des pays les plus tolérants en matière d'abus fiscaux réalisé par un collectif de chercheurs universitaires. Les Pays-Bas se positionnent juste devant la Suisse. Plusieurs pays européens sont reconnus par les ONG comme étant des paradis fiscaux (Luxembourg, Pays-Bas, Malte, Chypre, Irlande), mais pas par la Commission européenne.

Les raisons du départ

L'une des premières grandes raisons est l'incertitude. La montée de l'extrême droite inquiète. Refroidis par un contexte politique explosif, inquiets face à la montée de l'extrême droite et du trumpisme, certains riches Américains préfèrent s'expatrier. On retrouve la même posture chez les riches Européens, inquiets devant la montée de l'extrême droite. Autre source d'inquiétude : les impôts. Au Royaume-Uni, la victoire des travaillistes fait craindre des hausses d'impôts. Mêmes craintes en France, après la victoire de la gauche.

Les ultra-riches partent vers des États à la fiscalité plus avantageuse. Impôt sur les sociétés réduit, avantages fiscaux sans avoir à être réellement présent sur le territoire, opacité fiscale, législation favorisant le secret… Un cadre qui s'accorde mal avec le durcissement des règles fiscales voulues à l'international. Car le nouveau mot d'ordre est : la transparence.

Des États-Unis au Japon, la lutte contre la fraude fiscale s'intensifie. Le Japon est justement secoué par des soupçons de fraude fiscale au sein du Parti libéral-démocrate (PLD), le parti au pouvoir. Le scandale a poussé plusieurs ministres à démissionner et a précipité le départ du Premier ministre Fumio Kishida. En poste depuis 2021, le Premier ministre a annoncé sa démission le 14 août.

Mais il n'est pas question ici de fraude fiscale. Il serait d'ailleurs dangereux (et terriblement faux) d'associer toutes les expatriations des milliardaires à la fraude fiscale et au blanchiment d'argent. Si, bien entendu, on trouve des multimillionnaires versés dans la pratique, on en trouve surtout beaucoup qui pratiquent l'optimisation fiscale. Une pratique légale et encouragée par les cabinets spécialisés. L'optimisation fiscale consiste à réduire son imposition en toute légalité, en utilisant les moyens mis en place par l'État.

La fin des Golden visa redistribue les cartes de l'expatriation des riches

Autre raison qui précipite l'expatriation des ultra-riches : la fin des programmes de Golden Visa au Portugal, en Irlande, au Royaume-Uni ou en Australie. L'Espagne a sérieusement réduit la voilure. Un coup dur pour les riches investisseurs. Une justice sociale pour les habitants.

Mais les super-riches peuvent se reporter sur la Grèce, l'Italie, l'Autriche, et Malte, qui résistent encore aux injonctions de l'Union européenne (UE). La Hongrie a même rétabli le programme controversé pour attirer les riches investisseurs. Hors UE, les riches investisseurs ont l'embarras du choix : Suisse, Émirats arabes unis (EAU), Nouvelle-Zélande, Canada, Turquie, Antigua-et-Barbuda, Iles Caïmans, Vanuatu, États-Unis...

Expatriation : les destinations favorites des milliardaires

Les spécialistes en expatriation des super-riches s'échangent leurs bons plans. Si le Portugal a annoncé la fin de son Golden Visa, il est toujours possible d'obtenir le fameux sésame grâce à l'investissement. Antigua-et-Barbuda dispense les étrangers de payer l'impôt sur le revenu. Chypre, Monaco, la Hongrie, le Panama, l'Italie et Singapour sont également des destinations prisées.

Malgré les élections à venir, les gros investisseurs peuvent toujours parier sur les États-Unis. Les spécialistes en expatriation misent sur la capacité de rebond de la première puissance mondiale pour recommander la destination.

Si le choix s'effectue bien sûr en fonction du profil du client, les EAU semblent séduire toutes les catégories de multimillionnaires. Entrepreneurs, investisseurs, nouveaux riches et grosses fortunes s'y précipitent. La majorité choisit l'Émirat de Dubaï. La ville se félicite d'attirer les gros portefeuilles internationaux et entend devenir la nouvelle cité des ultra-riches. Affaire à suivre.