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Melanie Cheng, auteure, explore les complexités de l'identité à travers deux cultures

Melanie Cheng
Écrit parAmeerah Arjaneele 28 Février 2025
Traduit parVeedushi B

Découvrez avec nous le parcours littéraire de Melanie Cheng, une écrivaine marquée par son enfance partagée entre Hong Kong et l'Australie. Ce mélange de cultures a forgé sa vision et sa manière de raconter des histoires. Melanie nous ouvre les portes de son univers créatif, révélant comment l'oscillation entre deux mondes a enrichi son écriture. Elle nous invite à explorer les thèmes de l'identité, de l'appartenance et les interactions délicates entre langue et tradition qui imprègnent ses œuvres.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont grandir dans deux endroits, Hong Kong et l'Australie, vous a façonné en tant que personne et écrivaine ?

Le déménagement de l'Australie à Hong Kong à l'âge de sept ans a marqué un tournant dans ma vie. Issue d'un patrimoine mixte, avec un père chinois de Hong Kong et une mère australienne aux racines anglo-celtiques, j'ai navigué très tôt entre deux cultures distinctes. Mes premières années à Sydney, bien que floues dans ma mémoire, semblent avoir été des moments de bonheur enfantin, éclipsés par les tensions raciales naissantes de l'époque de Pauline Hanson en Australie.

Arrivée à Hong Kong, je me suis immédiatement sentie à ma place, entourée d'autres enfants qui me ressemblaient, ce qui souligne ma prise de conscience précoce de ma différence. La vie à Hong Kong était celle d'une expatriée, mais teintée par mon héritage chinois. Contrairement à beaucoup de mes amis britanniques expatriés, je m'immergeais pleinement dans la culture locale, participant aux festivals et visitant régulièrement mes grands-parents à Tai Koo Shing. Cette expérience de semi-insider/outsider a été cruciale, voire formatrice pour moi en tant qu'écrivaine.

L'œuvre de Viet Thanh Nguyen, The Sympathizer, fait écho à ma propre expérience, avec son protagoniste biracial qui possède « deux esprits » et perçoit les nuances des deux cultures. Cela m'a permis de saisir à la fois l'absurdité et la beauté des traditions et des coutumes souvent tenues pour acquises par les locaux, tant à Hong Kong qu'en Australie.

Dans votre interview avec le South China Morning Post, vous parlez d'une barrière linguistique avec votre grand-mère à Hong Kong, car vous ne parliez pas cantonais enfant. Est-ce une langue que vous avez ensuite essayé d'apprendre pour communiquer avec les gens à Hong Kong, et est-ce qu'elle a influencé votre écriture, même si vous écrivez en anglais ?

Au cours de mon année sabbatique après le lycée, j'ai décidé de relever le défi d'apprendre le cantonais par le biais d'un cours intensif. Bien que j'aie réalisé des progrès significatifs, je n'ai jamais atteint une maîtrise complète de la langue, et vu que je vis à Melbourne depuis vingt ans, mes compétences se sont estompées. Cette expérience m'a toutefois incitée à perfectionner ma maîtrise de l'anglais, la seule langue dans laquelle je me sentais pleinement compétente. Cette détermination à exceller en anglais a sans doute influencé ma décision de devenir écrivaine.

La barrière linguistique avec ma grand-mère a toujours été une source de regret pour moi. Je porte son nom chinois, So Lin, et malgré notre séparation par la langue, j'ai toujours ressenti un lien profond avec elle. Ce lien transparaît dans mes écrits ; ma première histoire publiée, qui traitait de sa vie pendant l'occupation japonaise de la Seconde Guerre mondiale, a lancé ma carrière littéraire. Plus tard, dans ma collection de nouvelles « Australia Day », j'ai de nouveau abordé la figure de la grand-mère chinoise. Ces œuvres illustrent mon effort continu pour surmonter les barrières linguistiques et culturelles à travers la narration, en explorant et en célébrant ces liens intergénérationnels et transculturels dans mes écrits.

Dans la même interview, vous parlez de la manière dont vous n'auriez peut-être pas fini par devenir écrivaine si vous n'aviez pas étudié à Melbourne. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'environnement culturel et la scène artistique là-bas qui ont vraiment permis à votre créativité, en tant que personne biculturelle, de s'épanouir ?

Lorsque je suis arrivée à Melbourne pour mes études universitaires, la ville venait de recevoir le titre de Ville de littérature de l'UNESCO en 2008, après Édimbourg. Ce statut a grandement contribué à dynamiser la scène littéraire locale, offrant un environnement fertile pour les écrivains et les créateurs. Pendant cette période charnière, j'ai rejoint Writers Victoria, un centre dédié aux écrivains situé à Melbourne. Les cours et les ateliers proposés par cette organisation m'ont permis d'affiner ma technique d'écriture et de rencontrer un réseau d'écrivains, certains devenant des amis proches et des mentors.

C'est dans ce contexte que j'ai écrit et finalement soumis mon manuscrit, une collection de nouvelles intitulée « Australia Day », au Victorian Premier's Literary Award pour un manuscrit non publié, un concours réservé aux auteurs émergents de Victoria. Être présélectionnée, puis remporter ce prix a été décisif pour la publication de mon livre. Melbourne, avec son bouillonnement culturel et son soutien aux arts, a joué un rôle crucial dans mon épanouissement en tant qu'écrivaine biculturelle.

Ironiquement, le plan initial était d'étudier la médecine à Sydney, où résidait ma famille élargie, mais faute de place dans les universités de Nouvelle-Galles du Sud, j'ai atterri à Melbourne. Arrivée seule, sans amis ni connaissances, cette ville est devenue mon foyer. Cet isolement forcé m'a poussée à m'engager davantage dans la communauté artistique locale, forgeant ainsi ma carrière et mon identité d'écrivaine dans un lieu que je n'avais pas choisi mais qui m'a offert tant d'opportunités.

Votre dernier roman, Burrow, traite de l'expérience du deuil pendant la pandémie. S'agit-il de sujets que vous aimeriez explorer davantage dans vos écrits futurs ?

Quand je démarre un nouveau projet, je ne me focalise pas sur un thème précis dès le départ. Mes romans prennent vie à partir d'une idée ou d'une situation qui me captive. Par exemple, dans « Room for a Stranger », l'idée de la cohabitation entre une personne âgée et un étudiant international m'a poussée à explorer comment ces deux individus de cultures et d'âges différents pourraient coexister dans le cadre restreint d'une maison.

Avec « The Burrow », l'inspiration est venue de l'envie de sonder les réactions d'une famille confrontée à une perte soudaine et tragique. Comment chacun allait-il gérer le deuil ? La culpabilité serait-elle un fardeau partagé ? Et malgré le chagrin, serait-il possible de retrouver des moments de joie et d'émerveillement ?

Pour ce qui est de l'avenir, l'inspiration pour mon prochain livre reste un mystère. Actuellement entre deux projets, je sens mon esprit vagabonder à la recherche de la prochaine étincelle créative. L'idée de situer une histoire dans le Hong Kong de mon enfance, juste avant la rétrocession, commence à germer. Chaque projet est une nouvelle aventure, et bien que le deuil et la pandémie aient été au cœur de The Burrow, les thèmes futurs émergeront naturellement en fonction de l'intrigue et des personnages qui prendront forme dans mon imagination.

Votre bagage biculturel influence-t-il votre approche de la pratique de la médecine, notamment lorsque vous travaillez avec des patients issus de divers milieux culturels ?

Mon expérience de vie entre deux cultures a indéniablement influencé ma pratique médicale, en particulier dans ma capacité à comprendre et à avoir de l'empathie pour les patients venant de divers horizons. Ayant moi-même vécu le défi de s'adapter à un nouveau pays et à une nouvelle culture, je sais ce que c'est que de se sentir étranger et déraciné. Cette sensibilité est particulièrement utile lorsque je travaille avec des étudiants internationaux, qui peuvent trouver le système médical australien intimidant et difficile à naviguer, surtout en période de maladie, quand ils sont les plus vulnérables.

En Australie, la diversité des professionnels de santé reflète celle de notre société, ce qui est un atout majeur. J'espère que cette diversité aide les patients à se sentir compris et moins isolés, car ils rencontrent des médecins qui, même s'ils ne partagent pas exactement le même vécu, comprennent les défis d'interagir avec une culture qui n'est pas la leur.

Quels sont les événements qui ont le plus marqué votre vie d'expatriée ?

Mon déménagement à Hong Kong à l'âge de sept ans est sans doute l'un des événements les plus déterminants de ma vie d'expatriée. Ces années formatrices, de mon enfance à ma majorité, m'ont permis de tisser des liens profonds avec mon héritage chinois. Je pense que si j'avais passé toute ma vie en Australie, je me serais sentie déconnectée de ces racines, ce qui, avec le temps, aurait pu devenir une source de tristesse ou de regret.

Un autre moment marquant de ma vie d'expatriée a été mon mariage, qui a eu lieu à Melbourne, ma ville d'adoption. Ce fut une occasion exceptionnelle où mes grands-parents chinois, ainsi que ma famille élargie et des amis du lycée de différents coins du monde, sont venus pour célébrer avec nous. Nous avons intégré une cérémonie traditionnelle de thé chinoise pour rendre hommage à mes ancêtres et à ma culture, et la soirée s'est enrichie de la musique et des danses arabes, reflet de l'héritage libanais de mon mari.

Ces deux éléments de ma vie illustrent comment les expériences d'expatriation ne se limitent pas à un changement géographique, mais englobent également des rencontres et des intégrations culturelles profondes.

Que pensez-vous des perspectives d'immigration en 2025 ? Pensez-vous que des changements politiques pourraient affecter ces perspectives ?

Pour être honnête, je ressens une vive inquiétude, surtout face à la montée des idéologies de droite et des tendances fascistes observées dans plusieurs pays. Cette évolution politique et sociale représente un danger réel pour les populations immigrantes, exacerbant la xénophobie et le racisme au niveau institutionnel et sociétal. Pour une famille multiculturelle comme la mienne, ces conditions créent un environnement hostile et effrayant.

Cependant, malgré ce climat d'incertitude, l'immigration continue de se manifester sous différentes formes. Les gens voyagent toujours pour le travail, l'éducation, ou le tourisme. Plus crucial encore, beaucoup fuient la persécution et les conflits, cherchant refuge dans des pays plus sûrs. Ces mouvements forcés ne sont pas des choix mais des nécessités vitales. Dans ce contexte complexe, je garde espoir que les interactions humaines — les amitiés, les partenariats, et les liens familiaux qui transcendent les frontières et les différences culturelles — continueront de se développer.

De quelles manières pensez-vous que les États et autres autorités pourraient mieux soutenir les immigrants, les expatriés et les enfants de troisième culture face aux défis auxquels ils sont confrontés ?

En facilitant les opportunités de connexion sociale et d'éducation. Ma belle-mère a préservé la plupart des amitiés qu'elle a créés pendant les cours d'anglais qu'elle a eu l'occasion de suivre à son arrivée en Australie, il y a plus de trente ans. Mais faciliter est le mot opératif ici car les relations ne peuvent être forcées, et les activités de groupe ne conviennent pas à tout le monde. Du matériel éducatif en plusieurs langues et des services d'interprétation accessibles sont probablement le minimum, mais c'est étonnant de voir à quelle fréquence cela n'est pas fait. Des pôles communautaires comme les centres de santé et les bibliothèques, où les immigrants peuvent trouver des personnes avec accès aux connaissances et ressources nécessaires, sont fondamentaux.

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A propos de

Ameerah est chargée de cours et tutrice privée enseignant l'espagnol et le mandarin à l'île Maurice. Elle a aussi été traductrice indépendante, éditrice et rédactrice de contenu pendant une décennie. Elle a vécu à Madrid et à Pékin.

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