C’est une situation qui préoccupe les plus hautes instances internationales. Les ambassades des pays étrangers avertissent de plus en plus les expatriés désireux de fonder une famille au Japon. Car, en cas de séparation, l’autorité parentale n’est accordée qu’à l’un des deux parents.
La loi et la pratique
L'article 819 (chap. IV) du Code civil japonais définit l'autorité parentale : une autorité qui ne peut être partagée, même en cas de divorce par consentement mutuel. Les divorcés peuvent, par contre, s'accorder pour désigner celui ou celle qui conservera l'autorité parentale (accord par convention). S'il n'y a pas accord, c'est le tribunal des affaires familiales qui tranche le droit. En pratique, l'autorité parentale est conférée à la mère, dans 80% des cas.
L'article 766 du Code civil japonais permet aux parents divorcés de s'accorder, par convention, quant au droit de garde. Il s'agit, encore une fois, de désigner celui ou celle qui aura le droit de garde. La garde partagée n'est pas reconnue. Là encore, si les parents ne parviennent pas à se mettre d'accord, le tribunal des affaires familiales accorde le droit de garde à l'un des deux parents.
Le parent perdant l'autorité parentale et le droit de garde peut cependant, toujours selon l'article 766, obtenir un droit de visite. Mais les textes restent flous : ce droit de visite n'apparaît pas sur le koseki, document officiel du divorce. Aucun moyen donc, pour le parent lésé, de le faire appliquer.
Dans la pratique, le droit de visite n'existe pas. Les tribunaux ne font rien pour faire appliquer la loi. Les policiers sont tout aussi passifs : la loi japonaise ne prévoit aucune sanction pour le parent qui ne respecte pas la législation.
Dans le cas d'une séparation entre un conjoint japonais et un expatrié, c'est, bien souvent, l'expatrié qui se trouve lésé : il perd son autorité parentale, quand bien même le parent japonais aurait enfreint la loi. L'on parle ici des enlèvements d'enfants, véritable fléau au Japon. Un fléau longtemps caché - et impactant prioritairement les Japonais eux-mêmes - qui, depuis quelques années, est plus largement mis en lumière, notamment, sous la pression des associations et des instances internationales.
Une lueur d'espoir ?
Lorsqu'en 2014, le Japon ratifie la convention de la Haye, relative aux enlèvements internationaux d'enfants, le monde espère que les droits des enfants passeront au premier plan. Dans la pratique, le système japonais l'emporte : la convention de la Haye n'est pas respectée. De nombreux parents expatriés - souvent, des pères - multiplient les actions pour faire entendre leur voix. En France, en juin 2019, le président Macron a reçu des pères expatriés, promettant une action concrète de la France, pour faire valoir leurs droits.
Au Japon aussi, des voix s'élèvent. Beaucoup de Japonais s'insurgent contre l'autorité parentale exclusive, et ses effets pervers : l'enlèvement d'enfant, le délitement du lien entre l'enfant et le parent exclu, qui devient un véritable étranger.
Faut-il y voir une lueur d'espoir ? En septembre dernier, le ministre de la justice Katsuyaki Kawai indique, dans une conférence de presse, qu'il étudiera la question de la garde partagée. Le ministre se donne un an pour rédiger, avec un collège ministériel, un rapport sur la question. Il entend les voix promouvant la garde partagée, bénéfique pour l'enfant. Les exemples des Etats-Unis, ou des pays européens, dans lequel ce principe est appliqué depuis longtemps, sont cités en exemple.
D'autres veulent maintenir, au contraire, l'autorité parentale exclusive, justement, au nom de l'enfant. Pour les opposants à la garde partagée, il est primordial de maintenir sa stabilité; un partage de la garde serait néfaste à son bon développement. Ils évoquent également le risque d'une recrudescence de violences domestiques et d'abus.
Reste à espérer, pour les expatriés, que le rapport du ministère de la justice tende en faveur de la garde partagée. Surtout, qu'il aboutisse sur des mesures concrètes, permettant aux parents expatriés de retrouver leurs enfants.