Présentez-nous l'état du marché de l'emploi à l'international
Il s'agit tout d'abord d'un marché de niche : seuls 7% à 8% des candidats expriment le souhait de partir travailler à l'étranger. Généralement, les regards se tournent vers les pays limitrophes, et plus rarement vers l'Asie ou l'Amérique du Nord. Cette situation prévaut aussi pour les employeurs, qui recourent en premier lieu au recrutement local avant de se lancer dans une procédure de recherche de candidats à l'étranger.
Le niveau des offres est resté stable ces dernières années. L'Apec, par exemple, publie environ 15 000 offres à l'international chaque année. Nous accompagnons principalement les entreprises n'ayant pas la taille critique suffisante pour internaliser la recherche de candidats étrangers.
Il existe dans le monde une pénurie de main d'œuvre qualifiée dans le domaine informatique, ainsi que dans l'ingénierie. Les candidats sont très courtisés et trouveront facilement un emploi à l'étranger, avec de bonnes conditions. Les entreprises étrangères viennent aussi chercher en France du personnel qualifié dans les métiers de la restauration, de la santé et de l'hôtellerie. L'image de la France est très associée à ces secteurs, et les candidats sont généralement très bien formés. A côté de ces métiers techniques, qui représentent 70% de notre offre, Les postes commerciaux constituent le second réservoir d'emploi. Viennent ensuite les métiers généralistes (RH, Marketing, Communication), qui ne représentent qu'environ 10% de notre base.
Quels sont les critères à prendre en considération lorsque l'on cherche à recruter un étranger ?
Le droit à l'erreur est limité et le risque d'échec est élevé. Pour mitiger ce risque, il faut donc savoir ce que l'on veut. Il faut être clair sur le profil, l'expérience recherchée et la rémunération offerte. L'offre doit être précise. Il faut être capable d'expliquer la mission de l'entreprise et ses activités.
Bien souvent, les entreprises recherchent un profil très spécifique, introuvable dans le pays. Ces personnes seront naturellement plus rares, et plus courtisées. Il faut donc donner envie de venir. Pour attirer un candidat, la rémunération n'est pas le seul facteur sur lequel les entreprises peuvent jouer. L'accompagnement du conjoint ou à l'aide à l'installation sont des incitatifs très appréciés.
Enfin, l'offre d'emploi doit se conformer aux règles en vigueur dans le pays ciblé.
Vous parlez de risque d'échec. Quels sont-ils ?
Au-delà de la qualité de l'offre, certains facteurs intrinsèques ou extérieurs à l'entreprise peuvent influer sur la décision du candidat : conditions de travail, zone géographique, culture d'entreprise. L'aspect culturel est très important, et avant de signer un contrat, il peut être utile de demander au candidat s'il s'est renseigné sur le pays et sa culture. Je me souviens avoir rencontré un jeune couple de français, qui revenaient au pays après une expérience malheureuse au Canada : ils n'avaient pas pu s'adapter au climat hivernal qui règne dans ce pays 6 mois par an. Un autre français avait fait l'expérience malheureuse de travailler tard le soir, en Allemagne. Outre-Rhin, ce comportement est mal vu par la Direction, qui y voit avant tout un manque d'organisation.
Heureusement, ces exemples sont de moins en moins fréquents. Les études et les stages à l'étranger sont plus nombreux et les candidats s'adaptent plus facilement à leurs nouvelles conditions de vie.
Les contrats d'expatriés sont-ils sujets à réglementation ?
C'est à peu près partout pareil : la priorité est donnée aux ressortissants nationaux. Cette forme de protectionnisme se matérialise souvent par des conditions d'octroi de visa plus ou moins contraignantes. Quelle que soit la motivation de l'entreprise et du candidat, le pays restera souverain. Je me souviens d'un couple souhaitant travailler aux Etats-Unis. Tous deux avaient trouvé un emploi, mais seul l'un d'entre eux a reçu une autorisation de travailler. Ce fut une grande déception pour eux. Dans ce contexte, l'espace Schengen est une exception mondiale et une formidable opportunité pour 400 millions d'européens, qui peuvent librement chercher un emploi, travailler et résider dans un autre Etat membre.
Il existe différentes formes de contrat d'expatriation. L'expatrié assujetti au droit du travail français et bénéficiant d'une voiture de fonction, d'un logement et de la couverture sociale française est révolu. D'ici moins de 10 ans, tous les contrats d'expatriation seront des contrats locaux. Ces derniers offrent de nombreux avantages pour l'entreprise : ils simplifient la gestion du personnel : l'expatrié se conforme, comme les autres employés, aux règles locales du droit du travail et adhère aux conditions salariales en vigueur dans l'entreprise.
Quels pays ou régions privilégier lorsque l'on recherche un candidat étranger ?
C'est une affaire de bon sens : avec les nouvelles technologies, il est certes possible d'organiser des interviews à distance : un recruteur en Espagne peut facilement converser avec un candidat situé en Thaïlande ou aux Etats-Unis. Mais dans la plupart des cas, les recruteurs exigeront de rencontrer le candidat en personne. On apprend beaucoup sur le caractère d'un individu en le rencontrant physiquement qu'en discutant par ordinateur interposé. Il sera donc moins coûteux de faire venir des candidats situés dans les pays limitrophes. Cela se vérifie chez l'Apec, où 70% de nos clients ont leur siège social en Europe.
Que conseilleriez-vous aux candidats à l'expatriation dans leur recherche d'emploi ?
Il faut avant tout bien s'informer. Prenons l'exemple de la France et de l'Allemagne, que je connais bien pour y avoir vécu. Ces deux pays sont voisins. Pourtant, dès que l'on traverse la frontière, les différences nous sautent aux yeux. Leur développement économique, notamment, s'est opéré sur des bases très différentes. Par exemple, Paris est le siège de nombreuses entreprises et institutions françaises, résultant d'une politique de centralisation remontant au 17e siècle. Berlin, de par son histoire récente, n'abrite pas autant de sièges sociaux et connait un taux de chômage plus élevé que dans les régions où se trouvent les grands centres économiques du pays. Sachant cela, un Allemand cherchant à travailler en France devra concentrer sa recherche sur Paris, tandis qu'un Français souhaitant vivre en Allemagne trouvera plus d'opportunités professionnelles en province.
Bien s'informer sur un pays permettra aussi de ne pas commettre d'erreur inutile : Dire non à un Japonais ne se fait pas, tout comme négocier son contrat en Suisse ; Arrivant tard au travail en Finlande, ou vouvoyer ses collègues au Québec risque de vous isoler du groupe et de susciter la méfiance. Rappelons également que l'expérience et la motivation priment sur les diplômes dans de nombreux pays et que la maîtrise de la langue locale est primordiale, surtout dans les métiers commerciaux. Chercher un emploi au Royaume-Uni sans maîtriser parfaitement la langue de Shakespeare relève de la gageure.
Enfin, le marché de l'emploi est très concurrentiel. Malgré nos compétences et nos connaissances, nous ne sommes pas uniques. Dans chaque pays, de nombreux candidats ont un profil similaire au nôtre. Il faut être ambitieux et humble à la fois. Il faut être capable de mettre en avant ses points forts pour faire la différence.
Au-delà de la recherche d'emploi, il est très important de bien préparer son expatriation, quitte à retarder son départ. Chaque pays a sa culture et son mode de fonctionnement. Plus on s'éloigne de sa zone de vie, plus les différences s'accroissent, si bien qu'il peut être judicieux de se rendre sur place pour s'imprégner de la culture locale et de s'assurer que l'on fait le bon choix. Le Programme Vacances Travail peut être une solution. Plus d'une vingtaine de pays l'ont mis en place. Une fois sur place, il sera important de faire corps avec la culture locale et de se reconstruire un réseau : adhérer à une association, faire du sport ou placer ses enfants dans une école locale contribueront grandement à la réussite de votre projet.
Comment l'Apec accompagne les entreprises dans leurs projets de recrutement ?
Une équipe d'employés multilingues suit les entreprises étrangères dans leur projet de recrutement en France. Nous bénéficions d'une forte notoriété auprès des cadres et des jeunes diplômés français, si bien que nous avons une base de plus de 700 000 CV et sommes capables de proposer les profils adéquats à nos clients. Nous accompagnons également les entreprises dans la rédaction de l'offre. En France, les critères de discrimination sont interdits. Une offre ne peut pas inclure de critère lié à l'âge, au sexe, à l'expérience professionnelle ni à l'orientation sexuelle ou la langue maternelle. Cela peut vite devenir complexe pour des clients qui ne sont pas habitués à une telle réglementation.