Il faut le reconnaître : la crise sanitaire mondiale a eu un effet significatif non seulement sur les couples mais aussi sur les familles. Aujourd'hui, des milliers d'expatriés restés bloqués à l’étranger attendent désespérément la réouverture des frontières pour qu'ils puissent enfin retrouver ceux qui leur sont chers. C'est dans cette optique que le collectif Love is not tourism a été mis sur pied. Pour soutenir les couples et les familles séparés depuis plusieurs mois, le collectif milite auprès des gouvernements de différents pays. Le ministère français de l’Intérieur et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères s'est également joint à leur cause et a annoncé l'élaboration d'une solution pour permettre les retrouvailles amoureuses. Mais qu'en est-il à ce stade ?
Des expatriés dans l'attente de leurs retrouvailles
Daniel, expatrié français, se trouve actuellement à Djeddah, en Arabie saoudite, dans le cadre d'une mission informatique et finance. « Je suis actuellement en phase finale de divorce et, avec mon ex compagne, nous avions la garde partagée de nos enfants. Donc, je rentrais habituellement une fois par mois en France pour voir les enfants ». Avec la fermeture des frontières en raison de la pandémie de COVID-19, il s'est retrouvé bloqué en Arabie saoudite depuis le mois de mars. « Les enfants sont partis juste avant la fermeture des frontières ». Il ne nous cache pas son désarroi. « Les autres Français étant soit tous parti, soit cantonnés dans leur compound, ce fût un confinement exacerbe. Qui plus est, le consulat français à Djeddah est fermé et ne répond aucun courriel. Ils auraient très bien pu faire fonctionner le consulat, au moins pour répondre aux courriels et réorienter les Français qui se sentent perdus à Djeddah », soupire-t-il. Marie, jeune maman française d'une petite fille, est du même avis. « Ma petite fille est privée de son papa depuis sa naissance. Malgré toutes les annonces, impossible d'avoir une réponse de quiconque à ce jour. Je suis fatiguée de me battre », nous dira-t-elle.
Un sentiment partagé par Johanna, une expatriée française au Maroc qui, toutefois, garde espoir. « Nous ne nous sommes pas vus depuis décembre. COVID-19 oblige, nous n'avons pas pu nous retrouver comme prévu en avril ». Même s'ils tiennent le coup, Johanna avoue qu'elle traverse cette étape avec beaucoup de difficulté. « Huit mois se sont écoulées et on attend toujours que les frontières marocaines rouvrent ». Du côté de Madagascar, François, expatrié français, nous dira que tout se fait part interne dans la journée quand l'électricité n'est pas coupée. « On espère se retrouver, mais ce n'est pas gagné. Je sens que ça va devenir compliqué. Des futurs couples séparés ? Pour ma part je tiens bon, elle aussi ».
Comme eux, des milliers de couples autour du monde semblent être dans une attente infinie dans l'absence d'une décision quant à la réouverture des frontières de leur pays d'origine ou de leur pays d'accueil, et ils sont nombreux à exprimer leurs inquiétudes sur les réseaux sociaux ainsi que sur les forums comme celui d'Expat.com. Du côté de l'île Maurice, Graeme attend impatiemment la réouverture des frontières pour que son épouse Stanika, qui se trouve actuellement en République tchèque, puisse venir le retrouver. « Nous sommes tous les deux détenteurs d'un visa de résident, mais je ne comprend pas pourquoi on ne m'autorise pas à traverser la frontière », déplore-t-elle.
Mais il y a aussi ceux qui, après une longue attente, ont finalement pu rentrer auprès de leurs familles, comme Philippe, un expatrié belge. En mission professionnelle au Ghana depuis mi-janvier, Philippe a traversé une période vraiment douloureuse. « Je fais partie des personnes qui font des missions à l'étranger pour le compte de leur employeur. Normalement toutes les dix semaines, je rentre passer deux semaines à la maison. Cela, c'est quand je suis dans une région ou sur un projet qui ne me permet pas de faire venir avec ma famille », nous dira-t-il. Pour lui, « les restrictions de voyage sont durs à supporter ». Même s'il na pas voulu prendre le risque de faire venir son épouse et leurs enfants auprès de lui pendant la crise, il a passé ces derniers mois à prier pour qu'il ne leur arrive rien. Il n'empêche que son retour en Belgique a débuté par une période de quarantaine de 2 semaines.
Des retrouvailles sous conditions
Aujourd'hui, plusieurs pays, principalement en Europe, ont recouvert leurs frontières, permettant ainsi aux couples de se réunir après plusieurs mois de séparation douloureuse. Parmi ces pays, on retrouve le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Suisse, ainsi que l'Islande, l'Autriche et la Finlande. En Autriche, par exemple, la définition de couple inclut les personnes qui entretiennent une relation fixe, quelle que soit la durée de la relation et qu'ils vivent ensemble ou pas. En Finlande, même les relations à distance comptent, ce qui a permis les retrouvailles de nombreux couples depuis le 10 août 2020. En Suisse, en revanche, les expatriés restés bloqués à l'étranger peuvent uniquement rentrer s'ils sont en mesure de fournir une preuve de leur relation avec leur conjoint ou partenaire qui se trouve actuellement en Suisse, sans parler de la période de quarantaine qui leur est imposée à l'arrivée.
C'est également le cas en République tchèque où les couples doivent fournir une déclaration confirmant leur relation à long terme, incluant le fait qu'ils partagent certaines obligations comme dans le cas des couples mariés. Il peut s'agir d'un compte en banque joint, d'un contrat de location joint ou de l'acte de naissance de leurs enfants. Cependant, cette mesure concerne uniquement les expatriés qui sont dispensés de l'obligation de visa pour se rendre en République tchèque, ce qui fait que de nombreux autres expatriés se retrouvent toujours coincés à l'étranger, loin de leurs familles.
En Allemagne également, depuis le 10 août 2020, seules les personnes qui sont dans une relation à long terme pouvant être justifiée, même si les deux partenaires ne sont pas mariés, sont autorisées à rentrer. Pour cela, le partenaire qui se trouve actuellement en Allemagne est tenu d'envoyer une invitation à celui qui est bloqué à l'étranger, accompagnée de ses pièces d'identité, d'une déclaration formelle de leur relation ainsi que d'autres documents attestant de leurs précédentes rencontres en Allemagne ou à l'étranger, y compris des visas et documents de voyage, des photos sur lesquels on les voit ensemble, des posts sur les réseaux sociaux ou encore, des lettres et courriels échangés.
La Suède, pour sa part, autorise seulement les retrouvailles des couples ayant l'intention de se marier ou de s'engager de manière formelle à condition de pourvoir prouver qu'il s'agit d'une relation sérieuse de longue date. Compte tenu des limitations qui perdurent, tout porte à croire que de nombreux couples séparés par la crise devront prendre leur mal en patience pendant encore quelque temps, jusqu'à ce que toutes les restrictions de voyage soient enfin levées à travers le monde.