Erika et Sara se sont rencontrées en 2015 à Brisbane et se sont immédiatement liées d'amitié. Toutes les deux ont fait l’expérience d'une grossesse et d'un accouchement en Australie et profitent aujourd'hui de leur vie avec leurs beaux bébés. De leur amitié et de leur expérience d’expatriation est né le groupe Facebook « Mamme Down Under », qui fournit des informations et des conseils aux futures mamans en Australie.
Présentez-vous brièvement à nos lecteurs.
Nous sommes Erika et Sara, les fondatrices du projet « Mamme Down Under ».
Erika : J'ai 34 ans et je viens de Turin. Il y a sept ans, j'ai décidé de me lancer dans une nouvelle aventure en Australie où je vis actuellement avec mon conjoint (Australien) et notre fille de deux ans. J'ai une maîtrise en communication et publicité et ici, en Australie, j'ai étudié la comptabilité et le fashion design. Dans la vie, j'ai beaucoup de passions et l'écriture est l'une d'elles. De cette passion et de l'envie de se connecter avec d'autres mamans italiennes à l'étranger est né le projet « Mamme Down Under ».
Sara : J'ai 30 ans, je suis originaire de Civita Castellana (VT). Je vis à Brisbane, dans le Queensland, depuis 2015. C'est ici que j'ai rencontré mon époux et aujourd'hui nous sommes les heureux parents d'un petit coquin de 9 mois, Adriano. J'ai étudié la gestion du tourisme et je suis organisatrice de visites gastronomiques et œnologiques en Italie (qui ont malheureusement été suspendues en raison de la pandémie de coronavirus). A présent, je consacre une grande partie de mon temps à « Mamme Down Under », un projet qui me tient beaucoup à cœur et qui me permet d'apporter une aide concrète à d'autres mamans comme moi.
Qu'est-ce qui vous a motivé a vous installer en Australie ?
Erika : Pour ma part, ce n'était pas un vrai projet mais une série d'événements liés qui m'ont amenés à choisir de rester en Australie. J'ai quitté l'Italie en 2013 avec un aller simple et un visa vacances-travail, avec l'idée de me lancer dans un voyage d'aventures de quelques mois au pays des kangourous. Une fois arrivée, je ne sais pas si c'est pour le climat merveilleux ou les gens super amicaux, mais ce continent m'a totalement séduite. Je suis tombée amoureuse non seulement du continent, mais aussi d'un Australien qui est aujourd'hui mon époux. Alors après avoir passé un an en Australie, j'ai décidé de prolonger mon visa et de rester un an de plus. Je suis ici depuis 7 ans maintenant, avec un visa de résidence permanente et ma petite famille.
Sara : Je suis venue ici avec l'idée d'améliorer mon anglais, en fréquentant une école et, pendant mon temps libre, en voyageant et en me comparant à la culture australienne qui me fascinait tant.
L'Italie était « serrée » pour moi et j'avais besoin de trouver ma place dans le monde. J'ai étudié pendant quelques semaines la meilleure stratégie pour déménager et j'ai décidé de proposer ma candidature comme fille au pair auprès d'une famille à Brisbane, ce qui m'a garanti un emploi et un logement. Cela s'est avéré un excellent point de départ. Je n'avais pas l'intention de rester éternellement mais au bout de six mois, j'ai rencontré quelqu'un. Cela fait maintenant 2 ans que nous sommes mariés.
Quelle a été votre première réaction à votre arrivée en Australie ?
Erika : Dès que je suis descendue de l'avion, je me suis sentie un peu confuse et fatiguée. Disons que 2 jours de voyage ne sont pas une promenade. Je me souviens avoir dormi 3 heures, regardé 8 films en anglais et mangé toutes les 2 heures, comme les bébés. En même temps, cependant, je me sentais pleine de joie et enthousiaste pour l'inconnu qui m'attendait. J'ai atterri à Sydney lors d'une magnifique journée ensoleillée et tout le monde autour de moi marchait en tongs et avec le sourire au visage. C'était une sensation étrange, comme être sur un nuage de bonheur.
Sara : Le voyage en avion est si long, le décalage horaire avec l'Italie étant de 10 heures, que j'ai eu l'impression de voyager dans le temps. Quand je suis arrivé, j'ai été abasourdie par le décalage horaire mais je me sentais légère, très légère. J'étais émue par cette imprudence digne de celle d'un voyageur en série, calme et tranquille, parce que je savais que tout irait bien, et excitée parce que j'avais hâte de commencer à explorer le pays et à m'installer.
Durant les premiers mois qui ont suivi votre déménagement, avez-vous eu des difficultés à vous adapter, ou avez-vous rencontré d'autres obstacles liés à l'expatriation ? Comment les avez-vous surmontés ?
Erika : Le plus gros obstacle, pour moi, était sans doute la barrière de langue. J'adore parler et faire de nouvelles rencontres, mais le fait de ne pas pouvoir communiquer couramment en anglais fut un énorme obstacle pour moi au départ. Mais le temps et la patience (et le fait d'avoir un partenaire anglophone) ont résolu ce problème au fil des années. Aujourd'hui, c'est tellement agréable de pouvoir parler couramment deux langues. Aussi, encore une fois à cause de la langue, trouver un emploi ne fut pas une tache facile. J'ai commencé à travailler comme serveuse, même si je travaillais dans un bureau en Italie. J'ai dû me réinventer, ce qui m'a permis de comprendre que les labels desquels on se couvre dans la vie ne sont pas forcément les bons. Pour moi, déménager à l'étranger, c'était un peu comme dépouiller mon identité et en créer une nouvelle et libre, qui reflète davantage la personne que je suis. Cela n'a pas été difficile pour moi de m'adapter au style de vie australien, mais je suis heureuse et fière d'avoir la culture italienne enracinée dans mon cœur.
Sara : En tant que fille au pair, j'ai vécu avec la famille australienne qui m'a embauchée et j'ai rapidement réalisé à quel point nos cultures étaient différentes. Ici, les enfants grandissent librement pour se salir, jouer à l'extérieur et marcher pieds nus, sans l'avertissement constant « tu vas avoir froid » si typique de la maman italienne. Je dois admettre que j'ai eu une sorte de choc culturel dans ce sens et que j'ai dû étouffer mon côté inquiet. C'était vraiment une bonne chose car, aujourd'hui, je suis très détendu et calme avec mon fils. Le plus gros défi auquel j'ai dû faire face, cependant, était définitivement la distance. Le manque d'affection s'est accentué au fil des mois. Malgré cela, mon désir de rester un peu plus longtemps a grandi et, malheureusement, ce n'est pas facile d'expliquer à sa famille pourquoi on a décidé de vivre loin de chez soi.
Ensemble, vous avez créé la page Facebook « Mamme Down Under » et gérez une page du même nom sur Instagram. Comment votre collaboration a-t-elle commencé ? Qu'est-ce qui vous a motivées à le faire ?
Erika et Sara : Nous nous sommes rencontrées par hasard en 2015, puis nous avons découvert que nous sommes voisines à Brisbane ! Nous avons formé une belle et sincère amitié dès le début. Nous nous sommes entraidées et soutenues pendant nos grossesses respectives et avec les enfants. Nous souhaitons apporter aux autres mamans le même soutien que nous nous sommes données, même virtuellement. Être maman, et surtout quand on est à l'étranger, est un véritable défi. Avoir la solidarité d'autres mamans qui font face aux mêmes défis peut être d'une grande aide. Nous avons pensé à toutes les « nouvelles mamans » qui n'ont peut-être pas vécu suffisamment longtemps en Australie et qui n'ont aucune idée du fonctionnement de la grossesse et de tout ce qui touche à la maternité. C'est ainsi qu'est né le projet « Mamme Down Under ». Notre objectif est de fournir des conseils et des informations utiles via les réseaux sociaux. La cible de notre communauté est très spécifique : les mamans italiennes en Australie et celles qui souhaitent savoir comment une mère italienne vit en Australie. Les plateformes numériques nous permettent de partager nos expériences, de donner des informations utiles et de créer un espace libre et sans jugement dans lequel on peut s'exprimer et trouver le soutien nécessaire.
En fonction de l'expérience de chacune, pouvez-vous expliquer comment vous avez vécu votre grossesse et votre accouchement en Australie ?
Erika : J'avoue que mon expérience a été au-delà de mes attentes. J'ai eu l'idée de souscrire une assurance santé privée avant de tomber enceinte, car l'idée de vivre une grossesse et un accouchement à l'autre bout du monde me faisait un peu peur, et donc le fait de pouvoir compter sur une assurance santé privé m'a rassuré. Il n'y a pas beaucoup de contrôles pendant la grossesse, sauf s'il y a des complications. Pour ma part, je n'ai pas eu à consulter souvent des médecins et à fréquenter les hôpitaux : c'était un soulagement. En ce qu'il s'agit de l'accouchement, j'ai eu beaucoup de chance car j'ai pu accoucher naturellement dans l'eau, comme je l'avais toujours souhaité. J'ai été très bien traitée par toutes les infirmières et tous les médecins qui m'ont accompagnés les jours suivants l'accouchement.
Sara : Je me suis confiée au médecin généraliste qui, avec la collaboration des sages-femmes de l'hôpital public, m'a suivi tout au long de ma grossesse.Au départ, j'étais un peu inquiète en raison des différences avec l'Italie (par exemple, il y a beaucoup moins de prises de sang). Ici, ils considèrent la grossesse comme un processus physiologique et ont donc une approche très détendue. Par exemple, ils n'ont pas jugé nécessaire de me faire passer une échographie avant le troisième trimestre de ma grossesse. En revanche, les soins que j'ai reçus à l'hôpital pendant l'accouchement ont été phénoménaux. L'équipe de sages-femmes qui m'ont aidées a été très serviable, le tout avec le sourire, très calmement et gentiment. Elles ont rendu l'environnement aussi détendu et rassurant que possible. Adriano est né avec une musique de fond et des lumières douces entouré de sa famille (ma mère et mon époux étaient juste à côté de moi et ont activement participé à l'accouchement). Ce fut une belle expérience !
Quel est votre avis sur le système de santé australien en matière de grossesse et de maternité ?
Erika et Sara : Par rapport à nos expériences, ils accordent plein d'attention aux femmes et futures mamans. A l'hôpital public, lors de la première visite, le partenaire doit se soumettre à un test pour évaluer tout inconfort psychologique. Et tout au long de la grossesse (et des mois suivants la naissance de l'enfant), les mamans bénéficient du soutien non seulement du système de santé mais aussi d'autres associations spécialises. Vers le cinquième mois de grossesse, des cours prénatals sont proposés gratuitement dans les hôpitaux publics et privés. Ces cours comprennent une variété de sujets qui aident à mieux faire face à la grossesse et à l'accouchement (visites de la salle d'accouchement, exercices de physiothérapie de grossesse, informations sur le travail et l'allaitement, etc.). Il existe aussi de nombreuses associations vers lesquelles on peut se tourner pour le suivi post-partum, à la fois pour le soutien à l'allaitement ou la dépression post-partum. Avec l'aide de l'hôpital, les mamans sont mises en relation avec des groupes qui organisent des réunions dans les différents quartiers, ce qui facilite la création de réseaux fondamentaux pour la survie durant les premiers mois.
En tant qu'expatriées, avez-vous été couvertes par le système de santé australien ou avez-vous engagé des dépenses liées à votre accouchement ?
Erika et Sara : L'Italie et l'Australie ont un accord de réciprocité qui permet aux Italiens d'obtenir la carte de santé Medicare, valable au moins 6 mois (dans le cas d'un visa temporaire) ou indéfinie (dans le cas d'un visa permanent). Avec la couverture Medicare, les soins et l'assistance pendant la grossesse et l'accouchement sont gratuits dans le système de santé publique. Si vous décidez de vous tourner vers le système de santé privé sans aucune assurance, les frais d'hospitalisation peuvent s'avérer chers, très chers même. Cependant, il est recommandé de souscrire une assurance santé privée. Il en existe différents types, selon vos besoins et votre budget. Grâce à cette assurance, une grossesse et un accouchement vous coûteront en moyenne 2 000 - 2 500 dollars australiens.
Quels conseils donneriez-vous aux futures mamans italiennes, expatriées comme vous en Australie, pour les aider à affronter cette étape très importante de leur vie ?
Erika et Sara : Comme c'est un moment très délicat, vous aurez très certainement besoin d'aide et de soutien. N'hésitez pas à demander de l'aide à vos amis si vous n'avez pas de famille dans le pays. Les Australiens ont tendance à être réservés et discrets et il est peu probable qu'ils dérangent la nouvelle maman avec des visites fréquentes, à moins qu'ils soient invités. Nous avons donc appris que, quand on a besoin d'aide, il suffit de demander. Parfois, vivre à l'étranger a aussi des notes positives, comme la possibilité d'élever et éduquer ses enfants sans trop de conditionnement culturel ou familial.
Conseils de mamans à mamans :
- Préparez des repas prêts à congeler dans les mois précédant la naissance
- Faites le plein de vêtements confortables pour les premières semaines à la maison, durant lesquelles votre lit et votre canapé seront vos meilleurs alliés !
- Profitez de la période avant l'arrivée de bébé pour désencombrer la maison. Vous n'aurez pas le temps de le faire plus tard et la dernière chose que vous voudrez avec un bébé dans vos bras c'est de devoir constamment réparer des choses inutiles.
La pandémie de coronavirus a-t-elle eu un impact sur vos vies d'expatriées ? Qu'avez-vous fait pour adapter la routine de vos enfants au confinement ?
Erika : Dans l'ensemble, nous avons eu de la chance en Australie, en particulier dans le Queensland où nous vivons. Le confinement n'était pas trop restrictif, mais ce ne fut certainement pas une période facile avec un enfant de deux ans, hyperactif, comme ma fille. Malheureusement, toutes les activités hebdomadaires (baby gym, bibliothèque, playgroups, etc.) ont été suspendues et nous nous sommes retrouvés à inventer de nouveaux jeux à la maison. Fort heureusement, nous vivons près de la mer et les promenades sur la plage (qui étaient autorisées) nous ont sauvé de nombreux après-midi. L'un des plus gros inconvénients était l'annulation du vol pour l'Italie et l'impossibilité de voir ma famille (qui sait quand ce sera possible).
Sara : Nous avions prévu de nous rendre en Italie pour Pâques. Évidemment, nous avons été contraints de tout annuler. Ne pas savoir quand mon fils pourra enfin rencontrer le reste de la famille m'a déprimée émotionnellement. De plus, je venais de commencer à participer à des groupes de jeux et à rencontrer d'autres mamans avec leurs enfants. L'isolement a affecté la capacité d'Adriano (qui n'avait que 4 mois) à se lier aux autres. En fait, quand nous avons finalement revu notre entourage, il a été terrifié par les visages inconnus. Cela m'a brisé le cœur de le voir étourdi et j'ai réalisé à quel point il est crucial de maintenir une vie sociale active même quand un enfant est encore petit.
Le fait de vivre à l'étranger a-t-il transformé vos vies ?
Erika et Sara : L'Australie nous a aidées à nous réconcilier avec l'Italie. Quand nous l'avons quittées, nous avions toutes les deux une grande intolérance à son égard, mais la distance et les différences culturelles nous ont fait comprendre à quel point nous aimons vraiment l'Italie et sa culture. On apprécie beaucoup plus les petites choses, on ne fait plus attention aux apparences et on a appris la tolérance, la vraie. Mais surtout, nous avons appris à vivre avec légèreté, à ne pas tout prendre au sérieux, à vivre avec le sourire et sans anxiété ni peur. Cela nous a également appris à être plus indépendantes et à avoir une vision plus large, surtout en tant que parents. De nombreuses contraintes mentales sont simplement dues à la société dans laquelle l'on vit, mais elles perdent leur sens lorsqu'on se connecte à une culture différente. L'Australie nous a également appris à être plus altruistes et à nous sentir responsables de la construction d'une vie meilleure pour nos enfants, en respectant véritablement la nature et l'endroit où nous vivons.