Si l'annonce officielle du nouveau président américain peut prendre encore plusieurs jours, voire des semaines, le candidat démocrate Joe Biden semble être bien parti pour remporter la présidence de la Maison-Blanche. Ce jeudi 5 novembre, il avait déjà remporté 264 voix électorales contre 214 pour Donald Trump. Il n’empêche qu'il est toujours possible que le candidat ayant obtenu le plus de votes des électeurs ne soit pas déclaré vainqueur. D'autant que Donald Trump compte réclamer un nouveau décompte dans quatre états clés. Retour sur cet événement qui retient l'attention des expatriés vivant aux quatre coins du monde.
Mardi 3 novembre 2020, 160 millions d'Américains se sont rendus dans les bureaux de vote pour élire leur nouveau président. Cette élection a obtenu un taux de participation inédit depuis 1920, soit 66,9 % ! Mercredi, Donald Trump criait déjà victoire, mais la nuit a été longue. Mais pendant que l'écart se resserrait dans certains états décisifs, à savoir la Caroline du Nord, la Pennsylvanie, la Géorgie et le Nevada, Biden avait déjà remporté la majorité dans le Wisconsin, le Michigan, l'Arizona et le New Hampshire. Une situation qui a donné lieu à des vagues de protestation dans plusieurs grandes villes américaines.
« La victoire de Biden restaure ma foi en la démocratie et me rassure dans l'idée que les électeurs américains font ce qui est juste. Ça me redonne espoir pour l'avenir de la nation ». C'est ainsi que Jerry Nelson, un expatrié américain en Argentine accueille les résultats provisoires de cette élection. Il estime d'ailleurs que Joe Biden à la vice-présidence pendant le mandat de l'ex-président Obama symbolise la bonne personne au bon endroit. « Il était là lorsque les décisions difficiles ont été prises et lorsque l'Amérique était contre le mur. Oui, Biden est au gouvernement depuis plus de quatre décennies. C'est un professionnel ». Pour lui, Trump a prouvé que trop d'Américains confondaient célébrité et compétence. « La victoire de Biden redonne espoir à de nombreux Argentins plus âgés qui se souviennent de l'héritage honteux des États-Unis depuis la « sale guerre » des années 1970 et 1980, lorsque 30 000 Argentins ont été tués avec l'aide et la complicité du gouvernement américain. Beaucoup craignaient que le nationalisme de Trump puisse reproduire une telle situation ». Cette victoire, selon Jerry, va à présent faire de l'expatriation aux Etats-Unis une expérience agréable pour tous.
Ce sentiment est partagé par de nombreux Américains que nous avons interrogés. Harvey, qui vit aujourd'hui en Irlande, ne nous cache pas son désarroi. « Même si Biden est élu président, je me demande quelle sorte de nation nous sommes. Comment peut-on toujours être en faveur d'un candidat comme Donald Trump après toutes ses folies ? C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai préféré prendre mes distances des États-Unis », confie-t-il. Et il n'est pas le seul. Angelica et Shangrila sont deux Américaines qui espèrent pouvoir s'envoler vers de nouveaux horizons très prochainement. « Les Américains sont non seulement complaisants envers Donald Trump mais ils l'encouragent. Mais c'est une réalité que je dois accepter pour aller de l'avant et trouver un endroit plus accueillant ailleurs. Je ne me sens plus chez moi ici ».
Mais pour John, un expatrié américain en Thaïlande, il y a différentes façons de cadrer cette élection. « Je reviens toujours à cette question. Qu'est-ce que Trump aurait pu bâcler plus qu'il ne l'a fait au cours des quatre dernières années ? Il est désagréable que Trump soit insultant et ennuyeux, voire sexiste et raciste, mais je parle de l'impact réel. Ternir le rôle des États-Unis en tant que partenaire commercial et leader des relations internationales couvre à la fois l'image et la fonction ». Pour lui, le plus grand « accomplissement » de Trump a été la réduction de l'impôt pour les riches, gonflant ainsi la dette nationale. « Cette mesure n'a été bénéfique pour personne en dehors de cette catégorie de personnes. Ils n'en avaient même pas besoin. Mais le plus grand échec de Trump a été la diffusion d'informations erronées pendant la pandémie au lieu de jouer un rôle positif. Le début du conflit commercial malavisé et inutile avec la Chine a été important. Cela a eu un impact économique réel des deux côtés ». D'autre part, John est d'avis que les Américains votent avec leur instinct et n'arrivent pas à distinguer les informations vraies au sensationnalisme provoqué par les médias. « Beaucoup, peut-être la plupart, ne reconnaissent pas leurs propres intérêts. À moins que les médias ne leur disent qu'il y a un problème, ils ne pourraient pas soupçonner que c'est le cas (comme l'écart salarial, la dette nationale, le changement climatique, entre autres.). Dans un sens, le pays mérite vraiment de connaître quatre autres années de déclin, même avec une faible majorité votant contre Trump », dira-t-il
Expatrié américain en Colombie, Hank estime également qu'il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Il nous rappelle d'ailleurs qu'en 1960, Richard Nixon avait perdu contre John F. Kennedy par 112 000 voix. « Trump a peut-être perdu six millions ou plus lorsque les votes populaires sont comptés. Sa marge de défaite aux élections précédentes était d'environ la moitié de ce montant ». Pour lui, il est difficile de battre un président américain sortant. « Les présidents se sont vu refuser un deuxième mandat de quatre ans seulement deux fois au cours du siècle dernier (Bush Senior et Carter). Il est particulièrement difficile de vaincre celui qui exploite le gouvernement et la chaire de l'intimidateur et emploie des astuces douteuses pour soutenir sa candidature à sa réélection ».
Pour Frank, qui vit en Allemagne, « Cette élection est l'un des meilleurs thrillers du siècle, avec un suspense prolongé pour savoir si l'anti-héros diabolique l'emportera sur son sympathique mais maladroit adversaire, tout le monde espérant qu'un coup de chance imprévisible mènera à une fin heureuse. C'est un point culminant approprié de quatre ans rempli de drame et de comédie à n'en plus finir ».