Pouvez-vous présenter succinctement ?
Je m'appelle David Collin, j'ai 49 ans, je suis le fier papa de deux garçons (14 et 17 ans). Passionné d'histoire,de plongée sous-marine. J'ai travaillé pendant plus de 20 ans dans de grandes institutions financières avant de me tourner vers l'entrepreneuriat en 2018.
Quelles sont vos origines géographiques et quel est le nouveau pays dont vous voulez parler ?
J'ai grandi proche de Montpellier, à Fabrègues. Je réside à Montréal depuis 1996. Je vais donc vous parler du Canada, mais surtout de la province du Québec, la nuance est importante.
Votre occupation professionnelle actuelle ?
Je suis consultant indépendant en transformation organisationnelle et en opérationnalisation de l'innovation.
Racontez le début de votre aventure de vivre à l'étranger ?
C'est la rencontre avec la future mère de mes enfants en 1994 qui m'a amené au Québec lors d'un échange étudiants France / Québec. Nous avons vécu en France an, mais il était très compliqué de lui obtenir un titre de séjour, de plus, les études qu'elle souhaitait poursuivre n'étaient pas offertes en France, nous nous sommes installés à Montréal pour 5 ans. La vie s'est chargée du reste…
La qualité que vous préférez de votre pays d'origine et du pays dans lequel vous vivez ou avez vécu ?
Passionnée d'histoire, j'aime beaucoup la France pour sa richesse culturelle à tous les niveaux, le volet culinaire qui est incomparable également.
Le Québec a également un certain nombre d'atouts. Celui que je préfère est l'accessibilité à une deuxième, troisième, finalement autant de chances dont vous aurez besoin. Les gens peuvent changer complètement de carrière, plusieurs fois dans leur vie. Les cours du soir à l'université sont remplis de gens dans la quarantaine, cinquantaine et même soixantaine qui se réorientent complètement. Il n'y a pas de date de péremption sur les gens. Ça permet aux individus de se responsabiliser et pour ceux qui le souhaitent de prendre en main leur carrière.
Le principal défaut de votre pays d'origine et de celui ou vous avez vécu ?
La France et sa rigidité. Beaucoup de choses y semblent figées et compliquées pour rien… Par exemple, la fameuse copie d'acte de naissance, elle n'est valide que 3 mois et d'ailleurs si tu as déjà un passeport à renouveler, pourquoi te demander encore et toujours ce sempiternel papier ? Des fois que les informations ont changé depuis ta dernière carte d'identité ou ton dernier passeport ? Et quand on veut moderniser, plutôt que de supprimer cette étape administrative archaïque, on développe la possibilité de le commander en ligne… C'est un exemple banal qui illustre pleinement cette incroyable bureaucratie française…
Pour le Québec, l'hiver est cliché, j'irais plus sur l'isolement géographique. Nous sommes dans un coin de l'Amérique du Nord, tout est loin. Les paysages sont longtemps les mêmes, il faut rouler longtemps, très longtemps pour voir autre chose. Pas de train (digne de ce nom), l'avion est le mode d'évasion privilégié, mais si vous voulez vous évader pour la période des fêtes par exemple, attendez-vous à payer une fortune !
Quel a été votre plus grand choc culturel ?
La particularité du Québec est que le choc culturel arrive masqué. En effet, le partage de la langue française et le fait que la majorité de la population porte des noms français est un leurre. Ça donne une fausse impression de proximité culturelle avec la France. Or, c'est complètement faux et cela peut s'avérer un piège où vous serez considérés comme un arrogant impoli alors que vous trouverez votre interlocuteur particulièrement hypocrite. En fait, il n'y aura ni arrogance ni hypocrisie, simplement de l'incompréhension. Par exemple, débattre ou se confronter est très mal vécu au Québec où la base de la politesse est de mettre l'autre le plus à l'aise possible.
Quelle a été la stratégie que vous avez utilisée pour aller au-delà de ce choc ?
Il est important de s'approprier la culture de l'endroit où on vit. Mon intérêt pour l'histoire m'y a beaucoup aidé. J'ai cherché à comprendre comment le Québec s'est construit, à quelles difficultés le peuple québécois a dû faire face, comment il a affronté un territoire au climat hostile 6 mois par année, la colonisation britannique ou l'omni présence du voisin géant…
Quel défi vous a-t-il le plus surpris dans votre expérience à l'étranger ? Et pourquoi ?
Je pourrais dire curieusement le défi de la langue. En effet, si nous avons le privilège d'avoir le français en partage, on peut dire que la façon de le pratiquer diffère beaucoup. Curieusement, pas vraiment à l'écrit mais beaucoup à l'oral. Il m'arrive encore après 25 ans, rarement je vous rassure, de ne pas être tout à fait certain de ce que mon interlocuteur a bien voulu dire. Mais je me considère quand même bilingue…
Si vous étiez une ville ?
Ce serait une ville où il fait chaud une bonne partie de l'année, pas trop loin de la mer pour pouvoir plonger quand j'en ai envie. Une ville avec une histoire à raconter et qui offre assurément de bonnes choses à manger. Une ville méditerranéenne sans aucun doute. J'aime beaucoup Montpellier, ma ville d'origine.
Si vous étiez un livre ?
Nous sommes tous les personnages principaux du livre que nous écrivons jour après jour.
Quels sont les aspects dans votre expérience à l'étranger qui vous ont le plus heurté ?
Quand on va vivre dans un autre pays, il faut s'attendre à expérimenter éventuellement le rejet de certaines personnes sur place. J'ai eu droit à quelques reprises à des insultes sur mes origines françaises. Une représentante syndicale a même déposé une plainte auprès de la direction, parce qu'elle trouvait inadmissible qu'on recrute un Français dans l'équipe. J'ai quand même eu droit à des excuses, apparemment je n'étais pas un Français comme les autres. C'était au début de mon installation au Québec, les choses ont vraisemblablement évolué depuis.
Et les aspects qui vous ont enchanté ?
Au-delà de la découverte d'une autre culture, qui est toujours un enrichissement incroyable, le Québec comporte un certain nombre d'avantages : la sécurité et le sentiment de paix. Il n'y pas cette tension qu'on sent dans d'autres pays comme les États-Unis ou la France. Je trouve que c'est un endroit tranquille pour élever ses enfants sereinement.
Que vous a appris la vie dans un autre pays ?
On apprend beaucoup sur soi dans ce genre d'expérience. On se met à risque constamment, la famille n'est pas là, il faut rebâtir un réseau social et professionnel en partant de zéro. On repousse ses limites personnelles.
Quelle habitude ou mode de vie avez-vous adopté après votre expérience ?
Compter avant tout sur soi-même et porter la pleine responsabilité de ses décisions, c'est la clé unique vers la liberté, mais c'est exigeant d'être libre !
Quelle serait votre prochaine destination pour vivre et pourquoi ?
La Nouvelle Calédonie ! Cet endroit-là m'a toujours fait rêver. Il y fait chaud et on y trouve le plus grand lagon du monde avec 20 espèces de requins ! Mais pour finir, je rentrerai chez moi, à Montpellier.
Quel serait le coup de cœur à partager lié au pays où vous avez vécu ?
Parce que je vivais à Montréal, j'ai pu facilement découvrir Cuba ! J'adore ce pays, j'y vais 1 à 2 fois par an (sauf en 2020). C'est à 3h30 de vol de Montréal, très abordable depuis le Canada. J'adore la culture, les gens, cet espace hors du temps.
Quel serait le conseil que vous auriez aimé recevoir ?
Laisse ta susceptibilité et ton orgueil de côté.
Portrait chinois par Cécile Lazartigues-Chartier
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