Fabrice s'est installé au Bénin depuis un an maintenant, pour travailler dans une ONG au profit des enfants handicapés ou en situation de précarité. Au travers de cette interview, il nous livre son témoignage sur ce pays d'Afrique qui ne demande qu'à être connu.
Bonjour Fabrice, peux-tu te présenter brièvement et nous expliquer ton projet d'expatriation au Bénin ? Qu'est-ce qui t'a poussé à venir vivre au Bénin ?
Je suis originaire du Namurois en Belgique, enseignant de formation, et ma première véritable expérience professionnelle a commencé sur le sol africain, au Rwanda début des années 90. Le génocide de 94 ne m'a pas permis de poursuivre l'aventure mais le virus de l'Afrique m'avait déjà contaminé. Contraint de rentrer en Belgique, j'ai alors vécu dans différents coins de Belgique pour m'installer avec ma petite famille à Hannut.
C'est en 2015 que j'ai eu vent d'une opportunité de travailler au Bénin dans le cadre des services d'aide à la Jeunesse pour une Asbl belge « La Pommeraie » en tant que coordinateur pour l'ONG, « La Pommeraie Pieds sur Terre » gérant des séjours de rupture pour des adolescents belges en difficultés. Nous nous occupons aussi d'enfants béninois handicapés/précarisés avec un centre dénommé Assrotinsa, centre qui va devenir sous peu une ONG également.
Les formalités pour rentrer dans le pays, en tant que Belge, étaient-elles difficiles ?
L'installation ne fut pas compliquée : la transition avec mon prédécesseur s'est opérée tout naturellement et mon employeur a mis le nécessaire à ma disposition. J'ai également été aidé par l'équipe béninoise.
La procédure à suivre pour s'installer n'est pas non plus des plus compliquées pour autant que vous ayez un contrat : vaccination, passeport, visa au départ de la Belgique. Une fois sur place, se manifester auprès des autorités du lieu de résidence. Par contre, la patience est de mise pour le renouvellement de visa (en attendant une carte de séjour).
Comment se sont passés tes premiers instants dans le pays ?
Au niveau de l'adaptation, elle fut aisée également. Dès le moment où l'expatrié comprend que c'est à lui de s'intégrer, cela se passe bien (je sais cela paraît évident mais ce n'est pas toujours le cas). Là où je réside (Ouidah), il y a bien les sempiternelles coupures d'électricité et le manque de réseau des services internet mais on s'y fait, forcé.
Qu'est-ce qui t'a surpris, et/ou qui continue à te surprendre, dans la culture béninoise ?
A mon arrivée, j'ai retrouvé deux des syllabes qui me touchent vraiment et qui sont propres aux pays africains visités et qui se sont quelque peu « égarées » en Belgique : « bonjour ». A cela vous pouvez ajouter un accueil chaleureux. Par contre l'extrême pauvreté et l'extrême richesse de certains vous sautent rapidement aux yeux. Il y a encore aussi une certaine forme d'esclavage « intra-muros » des enfants, la corruption sévit toujours et le béninois donne toujours l'impression d'être en attente par rapport aux « yovos » : c'est un constat qui me blesse parce que contrairement à ce que l'on dit, il y a énormément de compétences au Bénin… Mais à force de « copier » le système occidental, les dérives ont la dent dure.
La vie est saine ici, c'est là aussi une question d'intégration. Si vous souhaitez vivre à l'européenne, c'est possible mais il vous en coûtera davantage. Personnellement, je prône un « mix » en fonction de mes envies.
Ce qui me plaît le plus au Bénin ?
« Tout y est possible » à n'importe quel moment. Les contacts humains sont riches même si je ressens parfois quelques regards haineux venus d'un autre âge… Je ne suis tout de même pas responsable des atrocités du passé.
Une anecdote savoureuse : lors de mon déménagement l'un de nos éducateurs béninois, alors au volant, arrête le véhicule, nous lance un « lorsque la fatigue est là, l'esprit doit se rafraîchir » et s'en va chercher quelques bières… D'autres moments émouvants aussi lorsqu'on vous donne le surnom de « papa bonheur »…
Pourrais-tu nous décrire une journée type au Bénin ? Le rythme et les activités de chacun doivent être différents je suppose ?
Mon quotidien est celui de tout travailleur où qu'il soit si ce n'est que je n'ai pas vraiment d'horaire : au vu de mon activité professionnelle, je me dois d'être disponible à tous moments. Il suffit de s'adapter et de tenir son agenda à jour. Et la petite sieste au moment des fortes chaleurs est aussi notée dans l'agenda !
Le pays a deux géographies: une partie nord marquée par des paysages semi-arides et montagneux, et le centre et le sud sont constitués de plaines, lacs et marécages. Cette différence dans le pays se ressent-elle entre les habitants du nord et ceux du sud ?
En un an, je n'ai pas encore pu me promener dans tout le pays. J'ai poussé une pointe à Covè, à Dassa et si les paysages sont différents, l'accueil est identique avec peut-être davantage de chaleur encore dans le nord.
Quelle est la situation du pays en termes d'opportunités professionnelles, que ce soit pour les locaux ou pour les expats ?
Il m'est difficile de répondre à cette question pour les raisons évoquées plus haut. De plus un nouveau gouvernement se met en place, il faut donc lui laisser de temps de prendre ses marques et de développer l'emploi. Mais à mon avis, c'est un peu partout la même chose : être au bon endroit au bon moment.
Tu es enseignant, comment perçois-tu le système éducatif béninois ?
J'ai un peu de mal avec l'enseignement en général : partout dans le monde on parle de la gratuité de l'enseignement et il s'avère que ce n'est pas vraiment le cas. Donc cela signifie, notamment au Bénin, que tous les enfants n'ont pas la possibilité de se rendre à l'école. En outre le système béninois me semble bien compliqué : il manque de professeurs et pourtant on parle encore de vacataires. Les enseignants manifestent souvent par des actions de grève et cela perturbe le cycle scolaire. Ne me faites pas dire qu'ils ont tort mais il y a là un problème.
J'ai pu prendre connaissance des questions de l'examen de français de fin de secondaire et il m'est apparu de haute volée mais les résultats obtenus ne furent pas à la hauteur… Là aussi le problème de l'apprentissage survient. Mais ce n'est pas à moi de juger ; il y a des autorités compétentes pour cela.
Des clichés sur le Bénin qui se sont révélés faux ?
Je n'en avais pas spécialement au départ. Par contre, et contrairement à certaines contrées occidentales, les différentes religions vivent en symbiose. Du moins à Ouidah, ville du vodun. Ça mérite d'être souligné.
Quels conseils donnerais-tu à un(e) futur(e) expatrié(e) au Bénin ?
S'intégrer, être respectueux et éviter d'arriver avec ses gros sabots…