Clôture en demi-teinte pour Wall Street. Le 27 octobre dernier, le dollar américain dévisse au profit du dollar canadien, de l'euro et du yen. C'est une annonce de la Banque du Canada qui a précipité le recul du dollar américain. Tiff Macklem, le gouverneur de la banque centrale, annonce une série de mesures, notamment le maintien de son taux directeur (taux d'intérêt à court terme fixé par une banque centrale) à 0,25%. En quoi les expatriés sont-ils touchés par ces fluctuations ?
Taux de change et poussée inflationniste
Pour le Canada, l'inflation ne sera pas, comme certains observateurs l'affirmaient, temporaire. La Banque du Canada prévoit au contraire une inflation forte et durable d'environ 4,45% d'ici à la fin de l'année.
Réaction immédiate des marchés de change : l'indice du dollar américain chute de 0,2% à 93,759. Le calme relatif du début de la semaine est brisé par l'annonce choc de la Banque du Canada. Avant cette annonce, c'est le dollar canadien qui ployait sous le dollar américain. Petite victoire du dollar canadien, donc, qui profite aussi à l'euro et au yen. Et les analystes financiers de prédire d'autres mouvements similaires, qui nourriront les incertitudes. Pour Ed Moya, analyste de marché principal chez le courtier OANDA, il faut s'attendre à voir « plus de volatilité et de fluctuations des changes ». L'analyse prévient : « les différentiels de taux d'intérêt vont être très difficiles à calculer pour certaines devises ».
La flambée de l'inflation inquiète. Pour les banques centrales, il s'agit de soutenir l'activité économique tout en la canalisant. Les marchés, eux, sont sensibles à la moindre annonce émanant d'une grande puissance, déclarations ayant un impact sur les taux d'intérêt et donc sur les devises. Réunie dès le lendemain (jeudi 28 octobre), la Banque centrale européenne (BCE) maintient son principal taux d'intérêt à zéro. Malgré l'inflation galopante et la reprise économique fragilisée par la pénurie de composants (notamment les semi-conducteurs), la BCE assure son soutien aux États. La lutte contre la Covid-19 engage des budgets impossibles à compresser. Contrairement au pronostic de la Banque centrale canadienne, la BCE ne craint pas une surchauffe durable de l'inflation. Christine Lagarde, sa présidente, est confiance : « Même si l'actuelle hausse de l'inflation va durer plus longtemps que prévu, nous nous attendons à ce qu'elle ralentisse au cours de l'année prochaine ». Même sérénité pour la Banque du Japon (BoJ), quoique la situation de l'archipel diffère de celle des autres puissances : au Japon, pas de flambée inflationniste. La BoJ conserve son taux directeur (-0,1%) et prévoit une inflation nulle pour 2021-2022. Le nouveau premier ministre Fumio Kishida a dévoilé son plan de relance économique, mais avec encore peu de données sur son financement. Il s'accorde néanmoins avec la politique monétaire de la BoJ.
Quelles conséquences sur l'expatriation ?
Les expatriés et candidats à l'expatriation sont directement concernés par les fluctuations des taux de change. Salaires, biens immobiliers, emprunts... Leurs revenus et patrimoines peuvent être impactés par le risque de change. Les négociations du package expatriation avec l'employeur prévoient souvent des compensations salariales, des formations et aides à l'installation... Mais les futurs expatriés ne pensent pas toujours à intégrer la possible dévaluation ou dépréciation monétaire. La différence est notable : la dévaluation est le fait d'une autorité monétaire, qui abaisse son taux de change par rapport à une valeur de référence (la monnaie d'un autre pays, par exemple). La dépréciation est le résultat de l'inflation ou d'une récession. La monnaie perd de sa valeur sur les marchés de change.
Pour exemple, la Livre Sterling. La monnaie a subi une forte dépréciation à cause des incertitudes engendrées par le Brexit. Pour les expatriés, cela s'est traduit par (notamment) une baisse de revenus, voire une précarité financière.
Le principal risque est donc de voir son salaire en monnaie locale diminuer par rapport aux autres devises (la devise de son pays d'origine, par exemple). On travaille toujours autant, mais pour gagner moins. L'impact est réel, surtout si l'on a des emprunts, des biens immobiliers, des activités dans son pays d'origine ou dans tout autre pays dont la monnaie devient plus forte que la nôtre. L'épargne est elle aussi affectée.
Pour éviter une chute de ses revenus, les analystes conseillent d'anticiper au maximum. Quel est l'historique monétaire du pays dans lequel on va vivre ? A-t-il déjà connu des dévaluations / des dépréciations ? Est-il stable politiquement ? Dans quelle monnaie le salaire sera-t-il versé ? Autre conseil : ne pas rapatrier tous ses actifs dans son pays d'accueil; rembourser, dans la mesure du possible, ses crédits dans son pays d'origine; négocier des clauses de sécurité dans le package expatriation (paiement en salaire net, réévaluation annuelle du salaire en fonction de l'index du taux de change...).
Les multiples crises de ces dernières années (crise des subprimes, Brexit, coronavirus...), leur durée et leur intensité obligent à plus de prudence et de réserve. L'économie mondialisée offre des avantages, mais subit aussi les inconvénients d'un système qu'elle a elle-même créé. 2022 dira si les pronostics optimistes d'une reprise économique sans flambée inflationniste se confirmeront.