Virginie a un parcours pas comme les autres. Si c'est principalement l'amour qui a conduit cette Française en Tanzanie, cette expérience lui a aussi donné l'opportunité de faire ses preuves dans des eaux différentes. Ayant une riche carrière dans de nombreux domaines, Virginie est aujourd'hui à la tête de sa propre entreprise et profite de la vie « hakuna matata ».
Pouvez-vous vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours ?
Je m'appelle Virginie Roux, j'ai 48 ans, je suis originaire de Seine-et-Marne et me suis installée dans le sud de la France, le Gard précisément, en avril 2000. J'ai deux filles âgées de 19 et 22 ans.
Après un parcours d'assistante sociale, j'ai été chef d'un service gérant des ressources humaines, de la logistique et de la santé sécurité au travail.
Après 25 ans au service de la fonction publique, je me suis mise en disponibilité pour commencer ma vie d'expatriée en Tanzanie.
Qu'est-ce qui vous a motivé de partir ? S'agit-il de votre première expérience à l'étranger ?
Suite à un safari animalier et des rencontres de tribus il y a 7 ans, j'ai particulièrement apprécié le contact avec la population tanzanienne, accueillante, chaleureuse, souriante. Bien qu'ayant voyagé dans différents pays précédemment, la relation à l'autre était différente ici. Je suis naturellement revenue quelques mois plus tard en tant que volontaire dans un orphelinat pendant près d'un mois. Il m'a fallu reprendre quelques cours d'anglais, vu mon faible niveau, afin de pouvoir communiquer avec les enfants aisément (en Tanzanie la langue maternelle est le Swahili mais dès l'école primaire les cours sont dispensés en anglais).
Durant cette période de volontariat, j'ai fait différentes rencontres dont celle d'Anna, jeune réceptionniste dans un petit hôtel local. Anna m'invitera à son mariage quelques mois plus tard, c'est là que je rencontrerai Kelvin.
Notre histoire d'amour débute donc à distance et aboutit en 2019 à la création de notre petite agence de safaris locale, Kelvin étant guide de safari. Le succès est au rendez-vous rapidement, je commence à envisager de quitter la France début 2020, lorsque la situation sanitaire me stoppe dans mon élan.
Le tourisme est fortement ralenti mais nos voyageurs tiennent absolument à s'évader le temps d'un séjour, notre activité reprend donc fin août 2020, en même temps que la reprise des vols internationaux. Je m'envolerai pour vivre en Tanzanie fin octobre 2020, juste avant le second confinement en France. Il s'agit donc de ma première expérience à l'étranger.
Depuis combien de temps vivez-vous en Tanzanie ? Qu'est-ce qui vous y a attiré ?
Je suis maintenant installée depuis presque 15 mois dans le pays. La population, les paysages et la faune sauvage, le mode de vie « hakuna matata », l'exercice d'un nouveau métier, la découverte d'une autre culture et la vie commune avec Kelvin sont à l'origine de mon expatriation. La rencontre avec Kelvin est le fil conducteur, l'objectif et le facilitateur de cette expatriation.
Comment s'est passée votre installation ? Quels ont été les principaux défis et comment les avez-vous surmontés ?
Je suis arrivée en Tanzanie avec deux valises de 23kg chacune. Réduire sa vie passée à deux valises a été très difficile. J'ai dû encombrer le garage de mes parents de quelques affaires que je ramène petit à petit au cours de mes allers-retours avec la France. Kelvin habitait une toute petite pièce unique avec son cousin. Par hasard, sur les réseaux sociaux, j'ai vu la publication d'une maisonnette locale. Ici, lorsque vous souhaitez louer, il n'est pas nécessaire de présenter des fiches de paie, un contrat d'embauche, des garanties diverses. Vous payez 6 mois de loyer d'avance et vous êtes le locataire en titre. Nous avons donc pu intégrer notre petite maison, dans un quartier populaire d'Arusha, partageant le terrain avec la propriétaire des lieux. L'intégration dans le quartier a été immédiate, même si la « Mzungu » (la Blanche) ne passait pas inaperçue. Nous avons récemment emménagé dans une maison plus grande mais toujours dans un quartier populaire d'Arusha.
Je n'ai pas eu de réels défis à surmonter, juste quelques adaptations par rapport à ma vie précédente : m'adapter aux coupures d'électricité fréquentes et pendant de nombreuses heures sans en être informés en amont, apprendre à faire des réserves d'eau et à se laver avec un litre car les coupures d'eau sont fréquentes également et pendant plusieurs jours, m'habituer à la conduite à gauche et à regarder du bon côté avant de traverser la route, apprendre à payer son électricité avant de la consommer ou de payer via son téléphone, m'habituer à une saison des pluies intense qui peut s'étaler de mars à mai, laver son linge à la main…
Les conditions de vie nous contraignent à vivre l'instant présent, il est fort difficile de planifier sur du court ou moyen terme. « Hakuna matata » prend tout son sens, ma nouvelle philosophie est que ce qui n'est pas fait aujourd'hui sera fait demain (peut-être…).
La Tanzanie est-elle un pays accueillant pour les expatriés ?
La Tanzanie est un pays accueillant de nombreux expatriés (salariés ou investisseurs), que ce soit sur le continent ou sur l'île de Zanzibar. Il est alors nécessaire d'obtenir un permis de travail et un permis de résident si l'on souhaite s'installer et travailler dans le pays.
Les Tanzaniens sont habitués à la mixité des populations, le pays accueille des Indiens, Chinois, Européens… L'accueil est bienveillant; habitant un quartier populaire, j'ai immédiatement été acceptée par notre voisinage.
Parlez-nous de votre carrière. Votre domaine d'activité a-t-il été affecté par la crise ?
Je suis aujourd'hui la directrice d'une petite compagnie de safaris proposant des séjours privés. D'assistante sociale à chef de service gestion des ressources humaines à gérante d'une agence de safaris, il a fallu aller puiser dans mes compétences professionnelles transférables et mon expérience personnelle. Je ne suis pas une professionnelle du tourisme mais j'avais l'expérience d'organiser moi-même mes voyages depuis des années et la relation à l'autre est mon cœur de métier. Tout naturellement, une grande complicité s'est créée avec nos voyageurs qui sont en quête d'une relation personnalisée. Le fait d'avoir une interlocutrice francophone, de préparer des séjours sur-mesure lors d'un entretien téléphonique, d'être présente avant/pendant et parfois même après le séjour, si affinités, permet à nos voyageurs de se sentir en confiance pour co-construire une aventure unique qui leur ressemble. Je ne propose au programme que ce que j'ai moi-même testé et je fais régulièrement des safaris avec nos voyageurs, ce qui me permet de vérifier en permanence la qualité de nos hébergements partenaires, par exemple.
Le tourisme, de façon générale, a été fortement impacté par la crise sanitaire actuelle. De mars à août 2020, l'arrêt total des vols internationaux a de fait totalement stoppé notre activité. Depuis septembre 2020, nous avons pu reprendre les circuits et notre activité progresse à nouveau petit à petit. Nous avons donc été fortement ralentis dans le développement de notre compagnie mais savons reconnaître la chance que nous avons par rapport à d'autres pays toujours fermés au tourisme.
Y a-t-il des opportunités pour les expatriés en Tanzanie ? Dans quels domaines et quels conseils leur donneriez-vous ?
Le tourisme est une belle opportunité pour s'expatrier en Tanzanie, incluant l'île de Zanzibar, pour ceux qui rêvent de nature, de beaux espaces et surtout d'un rythme de vie différent.
Toutefois la concurrence est très importante, avec par exemple des milliers de compagnies de safaris sur le nord du pays ou des centaines d'hébergements à Zanzibar. Je dirai donc qu'il fait y aller pole pole (doucement), idéalement avoir l'opportunité de débuter son projet tout en maintenant son activité professionnelle actuelle et s'expatrier une fois que l'on est certain de la viabilité de son projet d'un point de vue financier. Il est également nécessaire d'avoir une parfaite connaissance de la réglementation tanzanienne pour la création de son entreprise, l'achat d'un bien ou terrain, les taxes diverses…
Enfin, il est essentiel de se démarquer au vu de la masse des propositions existantes. Pour notre part, nos atouts sont un suivi de grande proximité de nos voyageurs et des rencontres authentiques et originales avec les populations locales (jusqu'à l'immersion dans une tribu pour ceux qui souhaitent vivre une expérience enrichissante humainement). Bien évidemment, être passionné par ce que l'on fait et le pays est essentiel.
Qu'en est-il de la vie sociale en Tanzanie ? Quelles sont les restrictions en place et comment vous y prenez-vous ?
Nous n'avons pas de restrictions liées à la situation sanitaire, si ce n'est le bon sens de respecter les gestes barrières dans les lieux publics. Nous avons la chance sur le nord du pays, où je vis, d'avoir de grands espaces, d'avoir (par défaut de construction à l'origine) des maisons/huttes naturellement ventilées et un climat nous permettant de vivre essentiellement à l'extérieur.
Ma vie sociale ici n'est donc pas impactée par la crise sanitaire. La demande de présenter un justificatif de vaccination pour accéder à tel ou tel lieu n'est pas envisageable dans un pays/continent où le vaccin n'est de toute façon pas disponible pour tous.
À quoi ressemble votre quotidien d'expatriée en Tanzanie ?
Mon quotidien est toujours rythmé par mon activité professionnelle. Je travaille tous les jours, avec une amplitude horaire plus importante qu'en France puisque nos voyageurs peuvent arriver à 23h ou que les futurs clients ne peuvent être joignables que le week-end ou tard le soir (notamment lorsque nous avons deux heures de décalage avec la France en heure d'hiver).
La grande différence avec mon travail de fonctionnaire est que je n'ai pas la contrainte de me rendre au bureau chaque jour de la semaine. Je travaille quand je veux mais surtout d'où je veux. Ce nomadisme m'est d'un grand confort et j'adore pouvoir préparer un devis en soirée après un safari dans le Serengeti, par exemple, au milieu des animaux sauvages.
J'aime toutefois m'accorder une demi-journée pour aller au marché faire mes courses ou accompagner nos voyageurs dans leurs journées locales dans la petite école/orphelinat que nous soutenons, dans notre plantation de caféiers familiale pour un déjeuner local et torréfier le café ou encore pour faire du canoë sur un petit lac à proximité d'Arusha.
Y a-t-il une chose qui vous manque de votre pays d'origine, particulièrement dans le contexte pandémique ?
Les personnes me manquent bien sûr, mes filles, ma famille et mes amis. Ensuite, pour le moment, je n'ai pas de manque spécifique, à part le bon fromage français et l'huile d'olive. Mais nous avons des voyageurs extraordinaires qui viennent souvent avec un petit cadeau typiquement français (vin, fromage…).
Le contexte pandémique ne m'a pas empêché de retourner en France et de revenir en Tanzanie à chaque fois que je le souhaitais donc cette situation sanitaire n'a pas été contraignante pour moi de ce côté-là.
Si vous pouviez repartir à zéro, que feriez-vous différemment ?
Je ne changerai rien. Tout s'est déroulé pour moi dans un parfait timing dans ma vie personnelle et professionnelle. Mes filles étaient assez grandes et autonomes pour que je puisse envisager sereinement mon expatriation ; ma maturité et mon expérience professionnelle étaient suffisantes pour passer le cap de me lancer dans une nouvelle aventure, à mon propre compte, après des années de fonctionnariat.
Quels sont vos projets d'avenir ?
Nous aimerions que la compagnie prenne un petit peu d'ampleur mais toujours en restant à taille humaine afin de garder cette grande proximité avec nos voyageurs. Dans ce même objectif de proximité et de liens, nous avons le projet de construire un petit lodge éco-responsable (à proximité de notre future maison) afin que je puisse sereinement satisfaire mon besoin, mon envie de rencontrer nos voyageurs avant et après leur safari.
Nous avons également le projet de créer une petite école, avec l'aide de volontaires. Mais je ne peux en dire davantage pour le moment…