L'Ukraine et la Russie sont-elles au bord du conflit? Alors que des pays comme la Grande-Bretagne ont exhorté leurs ressortissants à quitter ces pays et que les ambassades américaines ont évacué leur personnel non essentiel, les expatriés actuellement en Russie et en Ukraine ont le choix entre retourner chez eux ou rester là en attendant de nouvelles informations. Les expatriés russes et ukrainiens du monde entier retiennent eux aussi leur souffle.
Tout en suivant de près la situation actuelle, les expatriés en Ukraine ne semblent pas avoir l'intention de quitter le pays de sitôt malgré les appels au retour lancés par plusieurs de leurs pays d'origine. "Je reste !", déclare Vet, un expatrié français, qui vit en Ukraine depuis 9 ans. Il ne croit pas à une invasion russe et n'envisage pas de partir, sauf en cas de menace réelle. "Cela fait des lustres que l'on entend parler d'une invasion russe, je ne vais pas commencer à y croire maintenant". Et les autres expatriés français participant à la discussion semblent tous abonder dans son sens. Ils ont tous des opinions différentes sur les relations russo-ukrainiennes, mais sont unanimes sur un point : ne pas s'inquiéter tant qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter.
Un expatrié américain vivant en Ukraine a été prié de quitter le pays par l'ambassade des États-Unis. En effet, les États-Unis ont demandé à leurs ressortissants de quitter le pays et ont évacué les employés non essentiels de l'ambassade. "J'ai simplement répondu que je ne partais pas, mais après avoir été bombardé de courriels en ce sens, je ne peux m'empêcher de me poser des questions. Quoiqu'il en soit la crise ne sera pas terminée la semaine prochaine. Elle peut s'éterniser pendant des mois, voire des années", dit-il. Alors, quel sera le bon moment pour partir? "Quand les ambassades françaises et allemandes évacueront elles aussi leurs ressortissants, je m'en irai. Selon moi, le Royaume-Uni et les États-Unis ne sont pas assez impartiaux!".
Mais il n'y a pas que les expatriés qui vivent déjà dans le pays, il y a aussi ceux qui envisagent de partir en Ukraine, comme Jo. Cette citoyenne britannique s'est vu offrir une opportunité difficile à laisser échapper et aimerait déménager dès que possible, mais se trouve face à un dilemme. "Je pourrais renoncer à déménager, mais l'offre d'emploi va de pair avec la décision de rester au Royaume-Uni...", regrette-t-elle.
Pourquoi ce conflit russo-ukrainien ?
La guerre russo-ukrainienne est un conflit installé qui s'est envenimé car l'Ukraine veut intégrer l'OTAN, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Le gouvernement russe menace d'envahir l'Ukraine et de reconquérir la région de Crimée. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a parlé au président américain Joe Biden et a exhorté les membres de l'OTAN à accélérer la demande d'adhésion de l'Ukraine. L'OTAN est impliqué dans ce conflit depuis 2014, c'est pourquoi la Russie n'a pas apprécié la volonté de l'Ukraine à intégrer l'organisation. Bien qu'un porte-parole du Kremlin ait déclaré que les mouvements militaires russes ne constituent pas une menace, le responsable russe Dmitry Kozak a averti que les forces russes pourraient intervenir pour "défendre'' les citoyens russes en Ukraine, et que toute escalade du conflit signifierait "le début de la fin pour l'Ukraine" - "qui ne se tirerait pas seulement une balle dans le pied mais en plein coeur".
Daria Kagamlyk, une expatriée russe en France, donne son opinion sur les raisons pour lesquelles la Russie tente d'envahir à nouveau la Crimée. Elle est titulaire d'une licence en droit et poursuit actuellement un master en droit international à Grenoble. "J'ai à ce sujet un autre avis sur la question. La Crimée fait partie de la Russie depuis 2014, et cela est écrit dans la constitution russe".
La crainte d'une troisième guerre mondiale
Bien qu'étant un pays indépendant depuis 1991, l'Ukraine, en tant qu'ancienne république soviétique, est perçue par la Russie comme faisant partie de sa sphère d'influence. Le Kremlin a systématiquement tenté d'intimider et de faire taire les défenseurs des droits humains qui ont enquêté sur la mort de soldats russes en Ukraine. Selon le Moscow Times, la Russie a tenté de faire pression et de réduire au silence les défenseurs des droits de l'homme qui s'interrogent sur la mort de soldats russes dans le conflit. La décision de la Russie d'annexer la Crimée a été prise le 20 février 2014. Environ 13000 soldats ukrainiens ont été tués jusqu'à présent ainsi que 3393 civils, dont 312 étrangers, selon l'ONU.
Daria a peur d'une guerre russo-ukrainienne et s'inquiète pour sa famille et ses amis ainsi que pour tous les civils russes et ukrainiens. Pour elle, le fait que la Russie envisage d'attaquer l'Ukraine maintenant, "est un non-sens". "Ma grand-mère et mon grand-père vivent en Ukraine, mais ils ne parlent pas ukrainien. Et nous nous inquiétons beaucoup pour eux. J'espère qu'il n'y aura pas de guerre. La Russie est une puissance nucléaire (surtout comparé à l'Ukraine) et il ne lui serait pas difficile de "gagner". Bien sûr, la Russie a une armée, tout comme d'autres pays, mais ce n'est pas une armée russe régulière. De plus, nous avons tellement de choses en commun, beaucoup de gens ont de la famille en Ukraine et cette hostilité entre nos pays me désole."
En quoi la situation actuelle affecte-t-elle les expatriés et le monde ?
Dara ne pense pas que ce conflit ait des conséquences sur sa vie d'expatriée en France. Cependant, "bien sûr, c'est toujours une "question russe", lorsque les professeurs parlent de l'Ukraine ou de Navalny. Ils n'expriment pas ouvertement leur opinion, mais nous demandent ce que nous en pensons. J'explique toujours que je ne suis pas entièrement d'accord avec la politique russe, mais que tous les changements doivent être introduits avec beaucoup de précaution. Et bien sûr, l'élite politique russe devrait être remplacée par des personnes jeunes, bien éduquées et patriotes."
Aujourd'hui, fin mars-début avril 2021, l'armée russe a déplacé de grandes quantités d'armes et de matériels depuis la Russie occidentale et centrale et même depuis la Sibérie, vers la Crimée occupée.
Ce conflit peut se transformer en une éventuelle troisième guerre mondiale avec l'implication des États-Unis et de la Chine. Daria explique ce que cela peut signifier pour les politiques et l'économie européennes et pour le reste du monde. Selon elle, "les guerres entraînent toujours un effondrement économique. Bien sûr, l'Europe est aujourd'hui plus interconnectée qu'il y a 70 ans, après la Seconde Guerre mondiale, mais il serait tout de même très difficile d'en vivre une à nouveau. Je crois que si une 3ième guerre mondiale avait lieu, les états qui ont l'arme nucléaire détruiraient simplement toute vie sur terre et qu'il n'y aurait pas de vainqueur."
