![Hong Kong au coucher du soleil](https://www.expat.com/images/upload/7/1/8/1/1657689319-hong-kong-news_item_slider-t1657689319.jpg)
Un article publié dans le magazine Quartz le 13 juin 2022 démontre à quel point Hong Kong peine à maintenir son attrait en tant que hub financier international. Face à l'exode des expatriés, le gouvernement hongkongais est en train de mettre en place de nouvelles mesures pour attirer et retenir les talents étrangers.
Un nombre alarmant d'expatriés a déserté le pays, suite aux troubles politiques et au strict confinement imposé depuis le début de la pandémie de Covid-19. Au cours du premier trimestre de 2022, 140 000 personnes ont quitté la Hong Kong.
Selon Tiffany Ip, l'auteur de l'article paru sur Quartz, le gouvernement hongkongais est si désespéré de retenir les professionnels étrangers qu'il a dû créer un programme d'incitation financière pour encourager les étudiants étrangers et les expatriés à rester au pays. Chaque personne éligible devrait ainsi recevoir une somme de 5 000 HK$ (637 USD).
Depuis les années 70, Hong Kong est un centre financier mondial de premier plan, aux côtés de New York et de Londres. Depuis près de quatre décennies, sa fiscalité attractive, ainsi que d'autres facteurs favorables aux affaires, en ont fait le lieu de prédilection des bureaux offshore en Asie.
Qu'est-ce qui explique donc cet exode et pourquoi la présence durable d'expatriés hautement qualifiés est-elle si cruciale pour la survie économique de Hong Kong ?
Les raisons de l'exode des expatriés
- L'instabilité politique
Depuis 2014, Hong Kong connaît de gros mouvements de protestation civile, générés par le mécontentement des citoyens, face aux méthodes de la Chine dans sa gestion de la région. Cela a entraîné des affrontements avec les forces de l'ordre dans les espaces publics. Cette dernière a même dû faire usage de gaz lacrymogènes et de gaz poivrés dans les rues, causant de graves perturbations dans les services publics, notamment le métro et l'aéroport international.
La stabilité politique est souvent citée comme l'un des points forts qui rendent une destination d'expatriation attractive. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la popularité du Canada et de la Nouvelle-Zélande auprès des expatriés, par exemple. La tendance de la migration hors de Hong Kong a commencé avec la poussée de l'instabilité politique.
Selon le département de l'immigration hongkongais, en 2019, avant la pandémie, près de 100 000 personnes avaient déjà quitté Hong Kong pour une durée indéterminée. Certains expatriés qui ont décidé de s'installer ailleurs, ont cité les récents changements apportés par le gouvernement chinois à la législation et au programme d'enseignement à Hong Kong comme raisons premières de leur départ. Leurs principales destinations étaient l'Australie, le Canada, le Royaume-Uni et Singapour.
- Une réglementation anti-Covid jugée trop stricte
Si Hong Kong a pu contenir la Covid-19 en 2020 et pendant une grande partie de l'année 2021, les choses ont empiré début 2022. En mars 2022, Hong Kong avait effectivement le taux de mortalité lié au Covid le plus élevé au monde par habitant, soit 38 résidents par million, avec plus de 200 décès par jour.
Ce nombre élevé de décès a été un moteur de l'exode au début de l'année 2022, mais les règles extrêmement strictes de distanciation sociale en ont été un plus grand catalyseur. Même si le nombre de morts a diminué depuis la mi-2022, beaucoup de ces règles strictes demeurent. Alors que la plupart des pays du monde assouplissent les dernières mesures sanitaires, Hong Kong applique toujours un grand nombre des mêmes règles qui prévalaient au début de la pandémie.
Par exemple, les patients séropositifs à la Covid à Hong Kong sont toujours équipés de bracelets électroniques pour que leurs mouvements soient surveillés. Tous les arrivants internationaux à Hong Kong doivent toujours payer une quarantaine de sept jours dans un hôtel désigné par le gouvernement. Les hôtels sont saturés de voyageurs et il est souvent difficile de réserver une place, même si l'on est prêt à payer. En outre, aucun non-résident n'était autorisé à entrer à Hong Kong jusqu'en mai 2022, y compris les proches et les partenaires commerciaux des expatriés basés dans la province chinoise.
Le chef de l'exécutif de Hong Kong nouvellement nommé, John Lee, a assoupli certaines des mesures anti-COVID en juin 2022. Par exemple, la quarantaine obligatoire dans un hôtel a été raccourcie par rapport aux 14 jours qui étaient la loi jusqu'en mai. M. Lee envisage également d'étendre la quarantaine à domicile.
Afin que Hong Kong redevienne une plaque tournante pour le trafic aérien entre l'Asie et le reste du monde, le chef de l'exécutif a également levé l'interdiction des vols de correspondance. Cette politique stricte interdisait en effet, aux compagnies aériennes de passer par Hong Kong pendant cinq jours, si l'un de leurs avions comptait cinq voyageurs positifs à la Covid-19. Les grandes compagnies aériennes internationales comme Emirates et Qatar Airlines en ont fait les frais. Depuis juillet 2022, les compagnies aériennes en infraction ne sont plus sujettes qu'à un avertissement et qu'à une faible amende de 2 548 HK$ (325 USD).
Les expatriés sont des "citoyens du monde" dont la famille, les amis, les collègues de travail et les partenaires commerciaux sont souvent dispersés aux quatre coins du globe. Ils voyagent souvent, tant pour des raisons personnelles que professionnelles. Nombreux sont ceux qui ont choisi Hong Kong comme ville d'expatriation en raison de sa bonne liaison avec les aéroports du monde entier.
Le fait d'être isolés de leur famille, d'être partiellement coupés du commerce international, d'être dissuadés de voyager par la rareté des vols en raison des interdictions, de faire face à des prix de billets anormalement élevés provoqués par cette rareté de service ont été autant de facteurs d'exode. Tout cela aura poussé de nombreux expatriés à choisir finalement de rentrer dans leur pays d'origine, ou même de s'installer dans un autre pays aux règles plus souples.
Depuis deux ans maintenant, le gouvernement de Hong Kong n'a toujours pas donné de feuille de route claire quant à un assouplissement majeur des restrictions sanitaires, ce qui n'a fait qu'accroître le sentiment de frustration et d'incertitude des expatriés.
- Un coût de la vie élevé
La cherté de la vie hongkongaise est, avec la volatilité politique, un autre des problèmes prépandémiques qui s'est aggravé après 2020. Hong Kong est arrivée en tête du classement de l'indice ECA des villes les plus chères du monde pour vivre, en 2020, 2021 et 2022, soit trois années consécutives à la pandémie.
L'inflation mondiale a accentué le coût de la vie, et les célèbres appartements exigus de la ville sont devenus encore plus invivables, car les gens y ont été cantonnés, quasiment contre leur gré, pendant le confinement sanitaire. Un appartement d'une chambre à coucher se loue au minimum 12 000 HK$, soit 1 500 USD par mois. En 2021, le prix d'achat d'un micro-appartement de moins de 19 m² a augmenté de façon exponentielle pour atteindre 274 509 HK$, soit environ 1 840 USD par mètre carré.
De nombreux expatriés, en particulier ceux de la classe moyenne qui ne peuvent pas s'offrir des appartements spacieux, ont trouvé injuste de payer si cher pour vivre dans l'inconfort pendant un confinement interminable. Ils ont préféré s'installer ailleurs pour de bon.
La fuite des cerveaux étrangers et le ralentissement économique
Les raisons énumérées jusqu'ici ont provoqué une fuite des talents étrangers de Hong Kong, qu'il s'agisse d'expatriés individuels ou d'entreprises étrangères. La ville perd du terrain en tant que centre d'affaires asiatique face à ses concurrents régionaux, notamment Singapour.
Selon une enquête publiée par la Chambre de commerce européenne en mars 2022, près de la moitié des entreprises européennes basées à Hong Kong, envisageraient de partir. Certaines ont déjà quitté le pays, comme la multinationale allemande de la chimie BASF SE, qui a délocalisé ses opérations régionales à Singapour en janvier 2022.
D'autres multinationales sont parties encore plus tôt, tels le fonds d'investissement américain Elliott Management et le géant de l'habillement VF Corporation, qui commercialise les chaussures Timberland. Tous deux sont partis en janvier 2021. Les effectifs d'Elliot Management ont été redéployés à Tokyo et à Londres, tandis que VF a réaffecté ses ressources humaines à Shanghai, Singapour et Kuala Lumpur.
D'autres multinationales ne quittent pas complètement Hong Kong mais réduisent simplement leurs effectifs. Par exemple, le géant de la finance JPMorgan a transféré plusieurs directeurs généraux dans d'autres pays. Il leur était devenu effectivement, très difficile de mener des affaires internationales en passant uniquement par des appels Zoom, sans grandes possibilités de déplacement.
Cet exode des entreprises dénote surtout la fuite des compétences et de l'expertise d'expatriés rapportées à Hong Kong. Il augure également, la perte du produit des épargnes conservé dans le circuit bancaire local, ainsi qu'un manque à gagner sur les baux immobiliers des expatriés, en particulier.
Un rapport de la Mandatory Provident Fund Schemes Authority, publié en décembre 2021, indique que 2,6 milliards de dollars hongkongais (344 millions de dollars américains) ont été définitivement retirés des fonds d'épargne, par les personnes quittant Hong Kong au cours du dernier trimestre de 2021. Ce chiffre inclut les fonds de pension.
Une grande partie de la richesse des résidents de Hong Kong se trouve dans des placements immobiliers. Pour parer aux incertitudes hongkongaises, un nombre croissant de propriétés sont mises en vente. Selon la Bank of America, d'ici 2025, plus de 90 000 appartements auront été mis en vente par des personnes s'installant au Royaume-Uni. Il s'agirait là d'une forme évidente de fuite de la richesse hors de Hong Kong.
Le taux d'inoccupation dans l'immobilier commercial inquiète également. Il a tout simplement bondi avec le départ des multinationales. Selon le prestataire de services immobiliers CBRE Group Inc., plus de 845 724 mètres carrés d'espace de bureaux sont actuellement vides à Hong Kong. Cette inadéquation entre l'offre et la demande a contraint les sociétés immobilières à revoir les loyers à la baisse (de 19,3 % en 2020 et de 4,7 % en 2021, selon Cushman & Wakefield), et donc à réaliser moins de bénéfices.
C'est donc sans surprise, qu'une baisse de 4 % du PIB de Hong Kong au premier trimestre 2022 aura été notée. Ce chiffre est quasiment trois fois supérieur aux prévisions de Bloomberg, qui tablaient sur 1,3 %. Le marché boursier de Hong Kong est également passé de la troisième à la quatrième place mondiale, se classant désormais derrière le marché boursier de Shanghai.
L'assouplissement d'une partie des restrictions de voyages et le plan de relance pour les étrangers sont des signes que le gouvernement de Hong Kong souhaite retrouver l'environnement commercial prépandémique de la ville, et attirer à nouveau les expatriés. Toutefois, sa lenteur à lever toutes les restrictions, ainsi que l'instabilité politique qui pourrait persister au-delà de la pandémie, pourraient s'avérer des obstacles.