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Mid-terms : pas de raz-de-marée républicain

sénat américain
mark reinstein / Shutterstock.com
Écrit parAsaël Häzaqle 10 Novembre 2022

Bataille serrée entre les démocrates et les républicains. Mardi 8 novembre, les électeurs américains ont été appelés aux urnes pour les élections de mi-mandat. Ils ont eu à voter pour le renouvellement de l'ensemble de la Chambre des représentants, d'un tiers du Sénat, d'une série de postes d'élus locaux ; ils ont également eu à se prononcer sur des référendums. Les résultats commencent à tomber ce 9 novembre. Pas de vague rouge, mais une lutte acharnée entre les deux camps. Il faudra encore attendre de longues heures, voir plusieurs jours, avant la proclamation des résultats définitifs. Que peut-on déjà retenir de ces élections ?

Pas de vague rouge

Les républicains devancent les démocrates d'une courte tête à la Chambre des représentants, avec 199 sièges contre 172. Suspens au Sénat : républicains et démocrates sont à égalité. Mais les bulletins ne sont pas encore tous dépouillés. C'est déjà une première victoire des démocrates, et un sérieux revers pour Donald Trump, ex-président omniprésent dans les derniers temps de cette campagne, en course à peine masquée pour un nouveau mandat présidentiel. Il n'y a pas de vague rouge sur l'Amérique. Les républicains semblent cependant bien partis pour être majoritaires à la Chambre des représentants, et compliquer la tâche de Joe Biden. Ils pourraient bloquer des projets de loi et peser sur la politique internationale du chef de l'État pour les deux années restantes.

Les républicains ont gagné des États clés. Marjorie Taylor Greene est réélue en Géorgie malgré un premier mandat controversé. La républicaine est connue pour ses propos racistes, complotistes et antisémites. Elle dérange jusque dans son parti, mais est adulée par les fans de Trump. Proche de l'extrême droite, elle a apporté son soutien au mouvement Qanon (groupe conspirationniste d'extrême droite). Autre poulain de Trump, James David Vance (J. D. Vance) emporte le très disputé État de l'Ohio, fief industriel et agricole du pays. J. D. Vance a surfé sur l'inflation et l'exaspération des électeurs pour gagner des voix. En Floride, Ron DeSantis surclasse son rival démocrate. Même victoire facile pour Greg Abott, gouverneur du Texas. Si Greg Abott est un trumpiste convaincu, Ron DeSantis, ancien poulain de Trump, veut désormais faire cavalier seul à la course à la présidentielle. La Floride, traditionnellement vue comme un État hésitant entre démocrates et républicains, a largement voté pour DeSantis. Et ça ne fait pas forcément les affaires de Donald Trump. Car s'il se présente aux prochaines présidentielles, DeSantis pourrait être un sérieux rival.

Victoires symboliques côté démocrate

Le camp démocrate aussi gagne d'importantes victoires. Il conserve New York, non sans quelques frayeurs. Les républicains croyaient pouvoir déloger Kathy Hochul. Mais la gouverneure gagne avec 52,7% des voix, contre 47,3% pour le républicain Lee Zeldin. Le Maryland et le Massachusetts basculent côté démocrate. Les deux États, pourtant bastions républicains, écrivent une nouvelle page de leur histoire et de l'histoire des États-Unis. Dans le Maryland, Wes Moore devient le premier gouverneur africain-américain. Il l'emporte sur son rival républicain Dan Cox, à 59,8% des voix contre 37,1%. Déjà au travail, le nouveau gouverneur Moore écrit sur son compte Twitter : « Le vrai patriotisme signifie rassembler les gens. Cela signifie s'élever mutuellement et améliorer la vie de chacun. Le patriotisme, c'est savoir que notre pays est grand et que si nous faisons le travail, il sera encore plus grand. » Dans le Massachusetts, Maura Healey devient la première gouverneure ouvertement lesbienne. La gouverneure bat largement le républicain Geoff Diehl (63,2 % des voix, contre 35,2%).

La victoire qui symbolise la résistance des démocrates a lieu en Pennsylvanie. En l'emportant contre le républicain et chirurgien star de la TV Mehmet Oz, John Fetterman offre un siège au Sénat capital pour les démocrates. Fetterman revient de loin. Victime d'un AVC en mai dernier, il a dû combattre le scepticisme rampant. Serait-il capable de gouverner ? Les doutes augmentent lorsqu'il est contraint d'utiliser un téléprompteur pour lire les questions qu'on lui posait, à cause de problèmes auditifs. Sa campagne patine après avoir commencé sur les chapeaux de roues. Les sondages se resserrent et le suspense augmente. Le siège de Pennsylvanie était jusque-là sous contrôle républicain. Il devient donc démocrate. Une victoire de taille pour les républicains et pour Fetterman, surnommé maire « le plus cool », lorsqu'il était en fonction dans l'ancienne vielle industrielle de Braddock, entre 2006 et 2019. Ronald Klein, chef de cabinet de la Maison-Blanche, se félicite de ces bons résultats démocrates. « Ne jamais sous-estimer à quel point la Team Biden est sous-estimée », écrit-il sur son compte Twitter.

Que retenir de ces premiers résultats ?

L'incertitude plane sur le Sénat. On attend encore les résultats de 4 États : le Winsconsin, la Géorgie, l'Arizona et le Nevada. Le comptage des voix pourrait prendre plusieurs jours. La tension est à son comble et révèle des États-Unis plus désunis que jamais.

C'est le premier constat de ces élections. La démocratie américaine semble à bout de souffle. Des milliers d'électeurs ont déjà fait savoir qu'ils ne reconnaîtraient pas la victoire de l'autre camp. Encouragés par certains politiques (surtout côté républicain, il faut le dire), ils promettent le black-out total jusqu'à leur victoire. Mais est-ce toujours de la démocratie ?

Les élections de mi-mandat sont traditionnellement défavorables au parti en place. Si le clan démocrate n'a pas essuyé de grand revers, les premiers résultats en disent long sur les fractures qui divisent le pays. Joe Biden n'a pas convaincu, et certaines voix dissonantes proviennent de son propre camp. On lui reconnaît des aides sociales de grande ampleur, notamment durant la crise sanitaire. Mais la poussée inflationniste a considérablement freiné ses réformes économiques. Les inégalités de revenus, déjà importantes avant la crise sanitaire, se sont depuis transformées en gouffres. Elles n'ont en fait jamais cessé d'augmenter depuis les années 80.

Et c'est bien sur les questions économiques que Biden a trébuché. Du moins, aux yeux des électeurs et de ses détracteurs. Aucun débat n'a porté sur la Covid-19, mais « l'aura » de la pandémie a joué son rôle chez les électeurs républicains influencés par les discours complotistes. Ce qu'on reproche surtout aux démocrates, c'est d'avoir minimisé l'ampleur de la crise inflationniste. L'avaient-ils vu seulement venir ? Jerome Powell, patron de la FED (Réserve fédérale américaine) a longtemps parié sur une inflation de court terme. Un optimisme qui ne convainquait pas les marchés et qui n'a pas convaincu des milliers d'Américains aux finances amoindries et aux fins de mois difficiles.

Avec une inflation qui ne faiblit pas (8,2 % sur un an) des prix de l'énergie qui flambent, et une crise immobilière, difficile de garder le sourire. Biden espérait convaincre l'OPEP+ (Organisation des pays producteurs de pétrole). Durant des mois, il tracte pour que les pays fournisseurs augmentent leur production de pétrole, jusqu'à se rendre en Arabie saoudite en juillet dernier. La visite est très controversée. Celui que l'on surnomme MBS (le prince héritier Mohammed ben Salmane) est accusé par les services de renseignements américains d'avoir commandité l'assassinat journaliste saoudien Jamal Kashoggi en 2018. Pour les critiques, Biden s'assied sur sa fermeté d'alors (il promettait de faire de MBS un « paria ») et échange un check contre quelques barils de pétrole. Si encore, l'entreprise avait marché. Mais début octobre, l'OPEP+, menée par l'Arabie saoudite, et ses partenaires, conduits par la Russie, décident de réduire drastiquement la production de carburant (une baisse de 2 millions de barils par jour). Les prix à la pompe grimpent. Nouvelle surchauffe aux États-Unis. C'est un sérieux revers pour le président américain, à quelques semaines des mid-terms.

Biden paie-t-il une conjoncture défavorable ? La crise sanitaire, la guerre en Ukraine, la crise énergétique ont-elles eu raison de sa politique ? Certainement, le contexte mondial a joué un rôle dans la crispation des tensions. Un vent de droite, voire d'extrême droite se lève partout dans le monde. Le repli sur soi et la crainte de l'autre semblent motiver bien des intentions de vote, excités par les discours alarmistes aux accents trumpistes. Reste un président Biden qui incarne le rassemblement mieux que son prédécesseur. Les États-Unis sont redevenus audibles et crédibles sur la scène internationale. Mais à l'intérieur des terres, plus personne ne se comprend. La fracture du pays dépasse le simple clivage gauche/droite. Les jours s'annoncent encore longs, avant de découvrir le nouveau visage politique de l'Amérique.

Vie quotidienne
A propos de

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.

Commentaires

  • Tolson777
    Tolson777il y a 2 ans

    Si les américains ouvraient (vraiment) les yeux ils en auraient marre de Trump ET de Biden, et pas seulement de leurs âges respectifs car on se demande encore comment il ne peut pas y avoir de la place pour un renouvellement de classe d'âge (et pas nécessairement un trentenaire pantin sortit de nul part, mais il y a quand même bien un juste milieu entre ça et les quasi-séniles).

    Le problème c'est Biden ET Trump car comme c'est plutôt bien dit (pour une fois) dans l'article, le modèle politique "à l'américaine" arrive à bout de souffle, et ça c'est un gros problème car pour passer à autre chose avec un pays aussi complexe cela va être très compliqué (et/ou très brutal).


    En tout cas juste un mot (comme l'article n'en parle pas) pour dire que les 5 états qui devaient se prononcer sur l'avortement (malgré des questions très diverses pour chaque état) ont tous eu des réponses favorable à ce dernier.

  • Parenga
    Parengail y a 2 ans

    @Pesca

    Oui le mauvais resultat des republicains et surtout des "poulains" de Trump est une tres bonne nouvelle si ca pousse le parti a se reformer et a degager cette frange extreme et caricaturale du parti...ceci dit vu le personnage je pense pas que ca empechera Trump de vouloir se representer et a nous offrir un autre spectacle lamentable.

    La mauvaise nouvelle c'est que cette "petite victoire"des democrates vont pas pousser les démocrates a changer de cap non plus et c'est une autre mauvaise nouvelle.

    Le bilan de Biden et de son équipe n'est pas bon, c'est une enorme deception pour moi et pour des millions de gens.

    Quoi de pire pour les US que de continuer a voir des Biden, Trump, Pelosi etc...?

    Tous les américains que je connais qui ont voté m'ont dit voter sans aucune conviction, pour la plupart c'etait un vote contre...contre les Trumpiste, contre Biden, contre si, contre ca...aucune adhésion et quand on la majorité d'un pays qui vote comme ca une chose est sur on est mal...

    Oui le parti républicains doit se reformer mais le parti démocrate c'est la meme chose, c'est la politique américaine qui doit changer et arreter cette course a la démagogie et aux extremes...

    Pour le moment rien n'est encore fait mais il semble que les democrates vont garder le sénat (surement avec un 50/50) et perdre de pas grand chose la "House" et donc on va partir sur un blocage des institutions, comme lors du precedant mandat.

    En gros ce que veut le peuple américain c'est ni l'un ni l'autre...


    @ Asael


    Merci pour l'article, tres interessant !


    Par contre pas vraiment d'accord pour dire que Biden est plus credible que Trump sur la scene internationale.

    De nombreux articles et spécialistes sont d'accord pour dire que la Presidence de Trump et de Biden ont fragilisé les US a l'international.

    Il faut pas oublier la gestion catastrophique et honteuse de l'Afghanistan qui a couter la vie a des milliers de personnes et qui a été un véritable fiasco.

    La gestion franchement "Trumpiste" par Biden du contrat des sous marins australiens qui a été un mauvais coup porté a un allié historique qui est la France.

    Que dire de l'echec de Biden a Riyad avec les Saoudiens comme vous le relevez si bien dans votre article ?

    La gestion de la guerre en Ukraine par President Biden est aussi assez critiqué dans pas mal de pays d'europe (certains specialistes estiment meme que President Poutine est passé a l'offensive car les USA semblaient etre en état de faiblesse sous son mandat).

    Les troubles cognitifs que semblent souffrir President Biden est un sujet d'inquietude dans pas mal de pays du monde. De nombreux articles ou reportages traitent sur le sujet notamment en France (le Monde, RMC Info, BFM, France 5 etc...) et tous s'entendent pour dire que President Biden ne semble pas a 100% de ses capacités physiques et mentales et que ca pose de vrai question sur la credibilté des USA...

    Bref, plus audible oui plus credible ca semble pas...


    Pour finir et revenir sur la crise démocratique aux USA je suis tres septique a ce sujet...par contre répubicain et démocrate jouent a un jeu dangereux...

    Remettre en question la validité des résultats ou ne pas vouloir reconnaitre des resultats est grave et c'est un vrai sujet, par contre faut reconnaitre que ca represente qu'une infime partie des républicains (les plus extremes) et c'est un phenomene tres amplifié par les medias (ca fait 2 ans que l'on parle d'une guerre civile aux USA, elle est ou ?).

    De l'autre coté stigmatisé un parti politique ou des votants car il ne partage pas nos opinions en expliquant que si ils sont élus c'est la fin de la démocratie et a je ne sais quoi c'est tout aussi grave et c'est un probleme aussi (se faire élire par la peur n'est jamais une recette gagnante sur le long terme).

    Si il y a une crise aux USA c'est une crise des partis politiques car on entend que les extremes, c'est un jeu de surenchere...Votez pour moi ou le pays va devenir Cuba ! Votez pas pour eux ou le pays va devenir un dictature d'extreme droite ! bref, c'est le zéro de la politique, et ca ne fait rien avancer a part des agendas.

    Alors oui le pays est divisé (mais c'est vrai dans tous les pays démocratiques), apres il faut pas oublier qu'aux USA c'est un faible pourcentage de l'électorat qui fait une election.

    Un républicain votera toujours pour son candidat et vice versa meme si le candidat est la pire des crapules ou un vieillard sénile. L'électorat moins fanatique, celle qui fait tourner les elections ont, me semble t'il, choisi le statu quo et ne veulent ni des uns ni des autres...


  • Pescaraplace
    Pescaraplaceil y a 2 ans

    La bonne chose c'est que ces résultats montrent certainement que le trumpisme arrive au bout, les americains en ont assez et le parti républicains va bien devoir se reformer s'il veut continuer à compter.

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