82 705. C'est le nombre d'emplois que les autorités italiennes prévoient d'attribuer aux travailleurs étrangers. Le dernier Décret relatif aux flux migratoires (Decreto Flussi), publié le 26 janvier dans le Journal Officiel italien entend répondre aux pénuries que traversent certains secteurs. Quelles opportunités les talents étrangers peuvent-ils saisir ? De quels avantages peuvent-ils bénéficier ? Quel est l'état du marché du travail italien ?
82 705 permis de travail pour faire face à la pénurie
Avec 82 705 admissions prévues, l'Italie relève son quota de permis de travail pour les étrangers non européens. En 2022, 67 000 permis avaient été délivrés. Approuvé par le gouvernement italien en décembre 2022, le nouveau Décret relatif aux flux migratoires est entré en vigueur le 26 janvier dernier. Des pénuries de main-d'œuvre parfois importantes frappent les économies européennes et internationales. En Italie, plusieurs secteurs sous tension sont visés par le décret : la construction et le bâtiment, le transport routier, l'hôtellerie et le tourisme, la construction navale, l'agroalimentaire, les télécommunications et la mécanique.
Sur les 82 705 permis de travail, 44 000 sont réservés à l'emploi de saisonniers, dont environ 22 000 pour le milieu agricole. L'État envisage un peu plus de 30 000 permis dévolus aux emplois non saisonniers, notamment les secteurs du tourisme, de la construction et du transport routier. L'Italie a signé des accords bilatéraux relatifs à l'immigration avec une trentaine de pays, dont l'Algérie, la Côte d'Ivoire, le Japon, l'île Maurice, le Soudan, la Tunisie, l'Ukraine, le Ghana, la Corée du Sud, la Moldavie, l'Inde ou encore le Maroc.
Marché du travail italien : quelles opportunités ?
Trois grands secteurs contribuent à la croissance du marché italien : les services, le bâtiment et l'agriculture. Dans chacun de ces secteurs, la pénurie se fait sentir à divers degrés. Certaines situations sont particulièrement critiques, comme dans la construction navale. Mais il existe aussi des secteurs non répertoriés par le Décret relatif aux flux migratoires, qui sont en manque de travailleurs.
Les autres secteurs qui recrutent en Italie
L'Italie manque de dentistes, de professionnels de la santé et du paramédical, d'informaticiens, de physiciens, d'experts en mathématiques, sciences et physiques. La mécanique et la réparation manquent aussi de bras, de même que le textile, les techniques d'information et de communication (TIC), le textile, l'énergie, l'artisanat et l'industrie. Quasi tous les secteurs sont touchés par des pénuries de main-d'œuvre.
L'économie verte est en pleine croissance un peu partout dans le monde. Transversal, le secteur est source d'emploi dans de nombreux domaines. En Italie, cette croissance pourrait bien être freinée par le manque de main-d'œuvre. Certains postes sont très demandés : architecte spécialisé dans l'architecture durable, installateur de systèmes de climatisation à faible impact sur l'environnement, avocat spécialisé en droit de l'environnement, éco-concepteur, ingénieur en électronique, concepteur de logiciels…
Selon les prévisions, les TIC devraient embaucher quelque 40 000 professionnels dans les 5 ans (prévisions 2022-2026). Le secteur de la finance devrait en embaucher entre 120 000 et 130 000. L'industrie (construction, architecture, ingénierie en bâtiment…) devrait en embaucher 50 000.
En 2022, près de 40 % des postes cherchent toujours preneurs. Le textile, les TIC, la métallurgie, l'habillement et les chaussures, la mécatronique, et le bois et l'ameublement sont les secteurs les plus touchés. 45,5 % des postes vacants nécessitent une formation universitaire. 43,5 % des postes nécessitent un diplôme technique, une formation professionnelle spécifique. L'Italie manque de professionnels qualifiés.
Le paradoxe de l'Italie
C'est une situation qu'on observait déjà avant la Covid-19. En 2019, les grandes entreprises de la construction navale tirent la sonnette d'alarme. Elles n'arrivent plus à recruter des jeunes. Fincantieri, l'un des principaux groupes mondiaux de construction navale, annonçait avoir besoin de 6 000 techniciens dans les trois prochaines années, techniciens qu'il peinait déjà à recruter en Italie. Selon le groupe, la main-d'œuvre qualifiée se trouvait plus facilement à l'étranger. En 2023, la tension est toujours très forte dans ce secteur, qui a toujours du mal à intéresser les jeunes.
C'est un paradoxe dont voudrait bien se passer le gouvernement. Le taux de chômage en Italie reste stable, aux alentours de 7,8 % (novembre 2022). Un taux qui reste au-dessus de la moyenne de la zone euro (6,5%). Un taux qui explose surtout chez les jeunes. Même si le taux de chômage des 15-24 ans a légèrement baissé (-0,6%), il reste à un niveau très élevé : 23 %. La faute, selon le patronat et les syndicats, à un manque d'investissement du gouvernement dans la formation professionnelle. Déjà en 2019, on s'inquiétait de la fuite des cerveaux. Près de 300 000 jeunes diplômés avaient préféré quitter l'Italie (les cinq dernières années). Le défi du pays reste de les faire rester, alors que sa population vieillit et que s'ajoute, à la pénurie de main-d'œuvre, la crise démographique.
Vers une nouvelle politique migratoire ?
Assiste-t-on alors à une forme de mea-culpa ? Le gouvernement Meloni, né de l'alliance entre le Fratelli d'Italia (parti de Meloni qualifié de post-fasciste), La Lega (parti de Salvini, extrême droite) et Forza Italia (parti de Berlusconi, droite), reconnaît à demi-mot avoir besoin de main-d'œuvre étrangère. Les mêmes dirigeants, connus pour des propos racistes et une politique migratoire dure, concèdent qu'ils ne pourront ni soutenir la croissance ni faire face au vieillissement de la population sans l'aide des étrangers.
Ce n'est pas la première fois que l'Italie se retrouve confrontée à la réalité : en 2020, elle annonçait vouloir régulariser 600 000 sans-papiers pour faire face aux graves pénuries du secteur agricole. En 2021, 69 700 permis de travail sont accordés pour faire face à la reconstruction économique. En 2022, le secteur du bâtiment dit avoir besoin de 260 000 travailleurs. Le gouvernement italien en forme 3 000. D'autres analystes soulignent que les postes concernés par le décret ne sont pas les plus rémunérateurs. Le gouvernement met plutôt en avant les nouvelles prévisions de la Banque d'Italie, qui a finalement établi la croissance 2022 à 3,8 %, au lieu de 3,3 % lors de ces précédentes estimations. Un léger mieux, qui écarte les risques de récession. La Banque d'Italie se montre optimiste pour 2023, et table sur une croissance de +0,6 %, soit 0,2 point de plus qu'en décembre 2022.
Liens utiles :
Obtenir le Sistema Pubblico di Identità Digitale (SPID) – système de reconnaissance numérique
Ministère de l'Intérieur italien : faire sa demande de permis de travail (site en italien)