Vivre à l'étranger n'enlève pas l'attachement au pays d'origine, au contraire. Les expatriés sont nombreux à faire entendre leur voix, à l'instar des Néerlandais résidant à l'étranger, qui viennent d'obtenir leur premier collège électoral. Les États eux-mêmes se rendent bien compte du poids que représente leur électorat immigré à l'étranger. Comment organiser le vote ? Comment les expatriés font-ils pour voter depuis l'étranger ? En filigrane se pose toujours la question du vote électronique, avancée inéluctable pour les uns, fausse bonne idée pour les autres.
Les Pays-Bas instituent le premier collège électoral pour ses ressortissants expatriés
C'est un pas de plus vers l'intégration des expatriés au processus de vote. Les ressortissants néerlandais expatriés pouvaient déjà voter pour les élections législatives. Ils pourront désormais intervenir dans la composition du Sénat. Les Pays-Bas viennent d'instituer le premier collège électoral pour ses ressortissants résidant à l'étranger. Rappelons que le pays est à la fois une monarchie constitutionnelle avec un système parlementaire. Le Parlement (États généraux du Royaume des Pays-Bas) se compose de deux chambres : le Sénat (chambre haute), et la Chambre des représentants (chambre basse).
Plus de 30 000 Néerlandais vivant à l'étranger se sont déjà inscrits pour voter. La majorité réside en Allemagne. Les autres sont immigrés en Belgique, en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Les expatriés ont eu jusqu'au 1er février dernier pour enregistrer leur intention de vote. Vote qui aura lieu le 15 mars pour désigner un collège électoral de 25 membres. C'est ce collège qui, au mois de mai, votera pour le Sénat. Les élections sénatoriales sont indirectes, contrairement aux législatives. Pour les Néerlandais résidant à l'étranger, c'est une nouvelle victoire qui rappelle que les expatriés restent attachés à leur pays, et souhaitent participer à sa vie politique et sociale.
Expatriation : comment voter depuis l'étranger ?
Le premier élément à vérifier est le vote en lui-même : la situation d'expatriation permettra-t-elle de voter ? Pour quelles élections ? En général, les expatriés peuvent voter pour les élections présidentielles, législatives, consulaires. Les ressortissants d'un État européen peuvent également voter pour les élections européennes. Mieux vaut cependant vérifier quels sont les dispositifs mis en place par son pays concernant le vote.
Pour voter depuis l'étranger, il faut également être majeur et s'inscrire sur une liste électorale consulaire. L'inscription se fait la plupart du temps en ligne, et comporte une date limite. Par exemple, pour voter à une élection qui a lieu cette année, la date limite d'inscription sur la liste électorale consulaire était le 31 décembre 2022. En revanche, si le pays d'origine dispose d'un registre comptabilisant ses ressortissants à l'étranger, ces derniers sont automatiquement inscrits sur les listes électorales consulaires. C'est le cas des Français résidant à l'étranger et inscrit au Registre des Français établis hors de France. Attention : en cas de retour dans le pays d'origine, gare à ne pas oublier de se désinscrire de la liste électorale consulaire, au risque de ne pas pouvoir participer aux prochaines élections.
Une fois son inscription faite, l'expatrié se rend dans son bureau de vote, muni d'un justificatif d'identité. Les bureaux de vote se situent généralement à l'ambassade ou au consulat du pays étranger. Ils peuvent également avoir lieu dans un bureau de circonscription consulaire.
Expatriation : voter par procuration
Tout d'abord, il convient de s'assurer que le permis d'origine permet le vote par procuration. Si oui, l'expatrié (le mandant) pourra déléguer son mandataire : cette personne doit être majeure et inscrite sur la même liste électorale consulaire que l'expatrié (ou dans la même commune).
L'expatrié doit tout d'abord se présenter devant les autorités habilitées. L'expatrié présente sa pièce d'identité ainsi qu'une attestation sur l'honneur dans laquelle il certifie être dans l'incapacité à voter lui-même. Il fournit les renseignements de son mandataire (nom, prénom, date de naissance, adresse). La démarche peut se faire à l'ambassade ou au consulat du pays étranger (consul honoraire, chef de poste consulaire). Elle peut aussi se faire dans le pays d'origine : au commissariat de police, au tribunal d'instance ou à la gendarmerie de la commune d'inscription. Il vaut mieux s'y prendre assez tôt pour que la procuration soit prise en compte. Elle pourra concerner un seul ou deux tours, ou toute autre durée inférieure à un an. À noter que l'expatrié peut aussi voter par correspondance.
Les expatriés à l'épreuve du vote
En pratique, voter relève parfois du parcours du combattant. Lorsque l'expatrié habite une ville qui dispose de toutes les infrastructures nécessaires, le problème ne se pose pas. Les services consulaires ou de l'ambassade sont facilement accessibles. Les informations circulent. Le vote se déroule sans encombre, hormis, peut-être, des temps d'attente plus ou moins longs en fonction de l'élection et de l'affluence. Ainsi, les élections présidentielles sont traditionnellement plus fédératrices.
Le temps d'attente peut cependant être démobilisateur. Lors des élections présidentielles françaises de 2017, nombre d'expatriés ont fait part de leur mécontentement. Bureaux de vote trop peu nombreux, personnels débordés, attentes de plusieurs heures dans le froid ou la chaleur… À Montréal, on comptait un seul bureau de vote, deux à Londres. À Tokyo, la file d'attente serpentait depuis l'ambassade jusque dans les quartiers résidentiels. De longues heures sous la chaleur, mais dans le calme.
En 2019, les expatriés canadiens dénonçaient un processus de vote (la voie postale) jugé archaïque. Depuis 1993, un Canadien vivant à l'étranger plus de 5 ans ou plus perdait (en théorie) le droit de vote, car la loi n'était pas vraiment appliquée. En 2018, le gouvernement Trudeau rétablit cependant le droit de vote pour tous les Canadiens de l'étranger. Le processus reste néanmoins la voie postale. Difficile, voire impossible, pour certains expatriés vivant dans des zones difficiles d'accès, avec peu d'infrastructures ou instables (instabilité politique, guerre…) de voter par voie postale.
Le vote électronique est-il la solution ?
Pourquoi ne pas passer au vote électronique ? Déjà appliqué dans plusieurs pays, le système a ses avantages et ses inconvénients. Côté avantages, une facilité qui permettrait à davantage d'expatriés et de locaux de voter. Pour ses défenseurs, le vote électronique serait le meilleur moyen de lutter contre l'abstention. Seule contrainte : avoir Internet et savoir se servir de son équipement informatique. Une contrainte minime pour les défenseurs du vote électronique.
D'autres soulèvent la menace de piratage et des erreurs techniques qui fausseraient le vote. En 2014, la Norvège, qui testait l'e-voting depuis les années 2000, a suspendu la pratique après s'être rendu compte que des électeurs avaient pu voter deux fois. Aux États-Unis, la « machine à voter » est régulièrement sous le feu des critiques. Fragile, il faciliterait la fraude électorale. C'est justement le contraire qu'affirment les partisans de l'e-voting, qui citent en exemple les dernières élections présidentielles au Brésil.
Une majorité d'États reste cependant frileuse. Certains le réservent aux expatriés. Lors des législatives de 2022, la France a retenté l'expérience de l'e-voting pour ses ressortissants vivant à l'étranger. Le pays avait abandonné la pratique en 2017, suite à des menaces de piratage. Les résultats donnent l'e-voting gagnant : plus des trois quarts des votants expatriés ont choisi ce système. Reste à savoir si le vote électronique gagnera du terrain, et comment. L'enjeu est grand, et sur le plan démocratique, et sur le plan organisationnel.