Salaires minimum à travers le monde : quel impact sur les travailleurs expatriés ?

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Écrit par Asaël Häzaq le 19 août, 2024
Dans quelle ville s'expatrier ? Les travailleurs peuvent avoir quelques surprises en découvrant que le revenu minimum passe du simple au double selon la province choisie. Sans aller dans ces extrêmes (quoiqu'on peut observer de grandes variations au sein d'un même État), il est important de connaître les seuils de salaire minimum fixés par le pays d'expatriation. Tour d'horizon.

Salaire minimum : de fortes disparités entre les pays

Lorsqu'il est instauré, le salaire minimum est censé suivre l'évolution du coût de la vie. Il doit permettre au travailleur de vivre « décemment ». Néanmoins, les États peuvent chacun développer leur propre définition de la décence. Dans un contexte de crise du logement et d'une inflation pas toujours bien maîtrisée, les expatriés sont nombreux à constater une baisse dans leur budget.

Inflation et relèvement du salaire minimum

Depuis le 1er avril, le salaire horaire minimum au Canada (minimum fédéral) et en Nouvelle-Zélande est respectivement passé à 17,30 dollars canadiens (11,53 euros) et 23,15 dollars néo-zélandais (12,76 euros). Ces deux augmentations tiennent compte de l'inflation. Mais au Canada, le minimum fédéral est complété par les règles des provinces, qui restent libres de déterminer leur salaire minimum. L'Alberta, la Saskatchewan ou la Nouvelle-Ecosse le fixent à environ 15 dollars canadiens (9,99 euros). Il dépasse les 16 dollars canadiens (10,66 euros) en Colombie-Britannique, en Ontario ou dans le Nuvanut. La province de Yukon propose un salaire minimum encore plus élevé : 17,59 dollars canadiens de l'heure (11,72 euros).

Aux États-Unis, le salaire fédéral (7,25 dollars américains de l'heure/ 6,64 euros) vient également donner une base que peuvent ou non dépasser les États. L'Alabama, l'Indiana, l'Iowa, le Kansas et l'Idaho restent sur le taux fédéral. Le Main, le Maryland et New York doublent le taux fédéral (respectivement 14,15 et 15 dollars de l'heure / 12,95 et 13,73 euros).

L'Australie a relevé son salaire minimum horaire de 3,75 % : il est passé à 24,10 dollars australiens au 1er juillet (14,49 euros). Comme au Canada et en Nouvelle-Zélande, cette hausse suit l'évolution des prix. Au Royaume-Uni, le salaire horaire minimum est de 11,44 livres sterling (13,36 euros). Il est de 9860 wons (6,57 euros) en Corée du Sud, et d'environ 1000 yens (6,23 euros), au Japon, avec des disparités selon les préfectures. Une récente étude gouvernementale pointe le retard du Japon par rapport aux autres grandes économies. Le salaire minimum japonais est loin derrière les standards canadiens, australiens, et néo-zélandais. Il est aussi derrière les pays européens dont les salaires minimums sont les plus élevés, Luxembourg en tête (14,86 euros pour un salarié non qualifié, 17,83 euros pour un salarié qualifié).

Union européenne (UE) : les disparités selon les États

Une majorité des États membres de l'UE (22 États sur 27) a institué un salaire minimum. Le Luxembourg, l'Irlande, l'Allemagne et les Pays-Bas sont les pays les plus généreux, avec un salaire minimum fixé respectivement à 2571, 2146,3, 2054 et 1995 euros par mois. La Belgique et la France arrivent juste derrière, avec 1994 et 1766 euros par mois. En Espagne et en Slovénie, le salaire minimum est de 1323 et 1253 euros mensuels. Il oscille entre 600 et 980 euros en Europe de l'Est (Estonie, Pologne, Roumanie, Grèce…) et au Portugal. Seule la Bulgarie propose un salaire minimum inférieur à 500 euros par mois (477 euros).

Les pays de l'UE sont encore loin de l'harmonisation voulue par le Parlement européen. Alors que l'UE manque toujours de talents étrangers, le Parlement européen constate une hausse de la précarisation de l'emploi et de la pauvreté. Il pointe du doigt l'augmentation de l'écart salarial depuis la Covid ; écart déjà important avant la crise sanitaire. Par « harmonisation », le Parlement européen n'entend pas imposer un même salaire minimum à tous les États membres. Ce domaine reste de la compétence exclusive des États. En revanche, la nouvelle directive européenne sur le salaire minimum doit permettre de lutter efficacement contre la précarité. Les ressortissants doivent pouvoir vivre décemment. La directive invite les États à accélérer leurs mesures de lutte contre l'écart salarial entre les femmes et les hommes. En 2022, 60 % des personnes touchant le salaire minimum étaient des femmes.

Ces pays qui n'ont pas de salaire minimum

Le salaire minimum n'est pas une obligation. Plusieurs pays n'en ont pas. C'est le cas de l'Italie, l'Autriche, le Danemark, la Suède et la Finlande, où les salaires sont négociés au niveau des branches professionnelles. La Norvège, l'Islande et la Suisse ne proposent pas non plus de salaire minimum. Idem aux Émirats arabes unis (EAU), et en Arabie saoudite (dans le privé). En Inde, il n'existe pas non plus de législation fixant le salaire minimal ; sa méthode de calcul est complexe. Elle prend en compte différents critères (l'aire géographique, le secteur d'activité, le poste occupé, le niveau de qualification).

Attention aux législations de certains pays. Aux États-Unis, il est possible, dans certains cas, d'être payé sous le seuil fédéral. La Géorgie applique ce principe pour les très petites entreprises. La Louisiane, le Tennessee et le Mississippi ne prévoient pas de salaire minimum. Mais ils précisent que les entreprises soumises à la Fair Labor Standards Act (loi sur les normes de travail équitables) doivent payer leurs travailleurs conformément aux standards fédéraux.

L'absence de loi sur le salaire minimal ne signifie pas que travailleurs ne bénéficient d'aucune protection. Les entreprises sont tenues de les payer « décemment » pour leur permettre de vivre. Encore faut-il s'entendre sur la notion de "décence". À l'heure de la crise économique, de nombreux travailleurs locaux et expatriés ne cachent pas leur exaspération. Les postes de dépense les plus importants restent le logement, les transports et l'alimentation. Au Japon, la Confédération des syndicats presse le gouvernement d'augmenter le salaire minimum à 1500 yens par heure (9,34 euros).

Les expatriés sont-ils impactés par le salaire minimum ?

La question est plus délicate qu'elle n'en a l'air. En effet, elle soulève un débat qui, depuis des années, cristallise les tensions entre salariés expatriés et locaux. Tout d'abord, on serait tenté de penser que les expatriés ne sont pas touchés par la présence ou l'absence de salaire minimum. Recrutés pour leur talent, ils gagnent « forcément » plus que les employés locaux. Ils ont pu négocier leur salaire et leurs avantages. Mais ce cadre correspond bien plus à la vision idéalisée de l'expatrié qu'à la réalité. De plus, il occulte le fait qu'il existe plusieurs situations d'expatriation. On rappelle qu'au sens strict, l'expatrié est celui qui part en mission à l'étranger, dans le cadre d'un contrat d'expatriation. Au sens large, l'expatrié est celui qui quitte son pays pour immigrer dans un autre État.

Si la vision de l'expat privilégié perdure, c'est en partie parce qu'elle se concentre sur les travailleurs étrangers qui occupent les catégories socio-professionnelles (CSP) les plus élevées. Elle oublie, volontairement ou non, les milliers d'expatriés occupant les autres CSP. En réalité, nombre de travailleurs expatriés ne peuvent négocier leur salaire (ou alors, à la marge). La pénurie mondiale de main-d'oeuvre dans les secteurs clés (industrie, transports, restauration-hôtellerie, santé, éducation…) réduit encore plus l'éventuelle marge de manœuvre des travailleurs étrangers.

Salaire minimum et écart salarial entre expatriés et locaux

Les pénuries de main-d'oeuvre ont relancé le débat sur l'écart salarial entre les expatriés et locaux. Car si le « golden expat » est passé de mode, les expatriés des CSP les plus élevées gagnent généralement plus que les locaux. Les entreprises soutenant ce modèle attestent recruter les étrangers pour leur talent. Un talent qu'ils ne trouvent pas chez les locaux. Elles soulignent également que les expatriés venant de pays riches sont « naturellement » payés selon les standards de leur pays. L'argument ne date pas d'aujourd'hui. En 2016, une étude publiée dans le journal britannique The Guardian révèle que l'écart salarial entre les expats et les locaux peut atteindre 400 %. En Inde ou en Chine, il peut même dépasser les 900 %. En 2023, des entreprises internationales envoyant des expatriés dans la zone Asie-Pacifique reconnaissent réserver les 3/4 de leur budget du personnel aux travailleurs étrangers. Intolérable, pour les employés locaux qui, malgré leurs compétences, restent payés au salaire minimum.

Là encore, les pénuries de main-d'œuvre (et les conséquences de la crise sanitaire) changent la donne. Lorsque les frontières ont fermé, les entreprises employant traditionnellement des étrangers ont dû se rabattre sur les locaux. Les pays du Golfe ont accéléré leur politique de nationalisation des emplois, quitte à léser les travailleurs étrangers (exemple du Koweït). Singapour prend des mesures pour favoriser l'emploi des locaux. La Chine accélère la formation des talents locaux pour recruter moins de cadres étrangers. À la réouverture des frontières, les expatriés doivent composer avec les pénuries de main-d'oeuvre, des réformes de l'immigration plus contraignantes, et une concurrence accrue entre les travailleurs.

Revenus et expatriation : les écarts de richesse entre les États

Où s'expatrier ? Faut-il choisir un pays dont le revenu national brut (RNB) est élevé ?

Paru en juillet 2024, le nouveau rapport de la Banque mondiale sur les revenus des États classe les économies du monde en 4 grands groupes : les pays au faible RNB, au revenu intermédiaire de la tranche inférieure, supérieure, et les pays aux revenus élevés. D'après le rapport, le revenu national par habitant (RNB) est considéré comme inférieur s'il est en dessous de 1145 dollars/mois. Le RNB élevé dépasse les 14 000 dollars. Les RNB intermédiaires oscillent entre 1146 (niveau bas) et plus de 1000 dollars (niveau haut).

La crise sanitaire a aggravé les écarts de richesse entre les États. Le Canada, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, les Émirats arabes unis (EAU), l'Arabie saoudite, Oman, le Qatar, la Russie, le Royaume-Uni et les pays européens font partie des pays aux revenus élevés. La Chine, le Brésil, l'Argentine, le Mexique, l'Afrique du Sud ou encore l'Algérie appartiennent aux États « intermédiaires supérieurs » : leur RNB est compris entre 4516 et 14 005 dollars. Le RNB de l'Inde, des Philippines et du Maroc est « intermédiaire inférieur » (entre 1146 et 4515 dollars). Sans surprise, les pays les plus pauvres ont un RNB inférieur à 1146 dollars.

On note un lien le RNB, les niveaux de salaire et la richesse de l'État. Mais un pays au PIB élevé ne veut pas forcément dire que les salaires y seront conséquents. Malgré son PIB dépassant les 7 % de croissance, l'Inde est fragile sur le plan du développement économique : de larges catégories de travailleurs restent éloignées des richesses produites.

Un projet d'expatriation ne peut bien sûr pas se baser uniquement sur les seuils de richesse d'un État ou sa politique de revenu minimum. Ces données servent à mieux situer le futur pays, pour mieux envisager sa nouvelle vie à l'étranger.

Liens utiles :

Canada : connaître le salaire minimum d'une province

Etats-Unis : connaître le salaire minimum d'un Etat

Royaume-Uni : salaire minimum

Corée du Sud : salaire minimum