S'expatrier avec un handicap : attention aux pièges et réglementations

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Écrit par Asaël Häzaq le 19 août, 2024
Il faut le rappeler avec force : s'expatrier avec un handicap, c'est possible. De nombreux États mettent en place des politiques plus inclusives, à l'instar de la France, qui a profité des JO pour accélérer la mise aux normes de ses infrastructures. Mais comme Paris, beaucoup de villes restent inaccessibles aux expatriés en situation de handicap. À cela s'ajoutent d'autres problèmes : visa, assurance maladie, aides sociales… Comment envisager l'expatriation lorsqu'on a un handicap ? Sur quoi faut-il être vigilant ?

Obtenir un visa quand on a un handicap : le parcours du combattant

C'est ce que redoutent les candidats à l'expatriation en situation de handicap. Ne pas obtenir de visa pour s'expatrier. Le cas de l'Australie montre que l'État peut très bien développer une politique de lutte contre les discriminations ciblées sur le handicap, tout en discriminant lui-même les handicapés voulant s'expatrier.

Quand l'Australie restreint l'immigration des personnes en situation de handicap

Dans sa Stratégie australienne en matière de handicap, le gouvernement ambitionne de créer une « société inclusive ». La stratégie vise à donner les mêmes droits aux individus, qu'ils soient ou non en situation de handicap. Son action se concentre sur les domaines les moins accessibles pour les personnes en situation de handicap, comme l'emploi, le logement et le respect des droits. La stratégie rappelle la loi de 1992, qui rend illégale toute discrimination basée sur le handicap.

Mais en matière d'immigration, cette loi ne s'applique pas. L'Australie est l'une des rares destinations d'expatriation à s'exempter de ses propres règles pour restreindre l'immigration des personnes handicapées. La Nouvelle-Zélande a un système similaire, mais moins contraignant que le système australien. La stratégie australienne exclut donc les candidats à l'expatriation en situation de handicap. En pratique, la loi australienne refuse d'accorder les visas d'immigrants sur la base des soins médicaux, surtout s'ils dépassent 86 000 dollars australiens (57 000 dollars) sur 10 ans.

Les demandes de visas sont rejetées indépendamment de la durée passée sur le territoire et des conditions de ressources. Ainsi, l'Australie a récemment refusé la demande de visa d'un enfant né de parents étrangers sur son territoire. L'enfant est porteur d'un handicap, et ses soins médicaux dépassent le seuil fixé par la loi. Bien que ses parents aient immigré en Australie depuis près de 10 ans et disposent d'une assurance privée, leur demande de visa n'a pas abouti. D'autres expatriés ou candidats à l'expatriation se trouvent dans des situations similaires.

Or, interdire l'immigration de personnes handicapées revient, pour les spécialistes, à considérer les Australiens handicapés comme indésirables. Avec les familles concernées par ces discriminations, ils militent activement pour une révision de la législation.

Autres pays qui compliquent l'immigration des personnes en situation de handicap

En 2023, Amnesty International tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme. L'organisation internationale épingle l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, pour leurs pratiques. Comme vu plus haut, l'Australie est régulièrement pointée du doigt pour sa politique restrictive envers les personnes en situation de handicap. La Nouvelle-Zélande partage la vision australienne : tout candidat à l'immigration présentant un handicap peut voir sa demande refusée si elle représente un « coût élevé pour le système de santé ». Le pays fixe des « coûts de santé » à ne pas dépasser et exclut d'office les catégories de demandeurs présentant une pathologie au coût jugé « trop lourd ». Sont particulièrement visés les handicaps physiques et mentaux, les troubles du spectre autistique, ou les maladies cérébrales.

Le cas du Canada est peut-être moins connu que celui de l'Australie. Pourtant, la loi canadienne sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit une « interdiction de territoire pour motifs sanitaires ». Le droit canadien définit 3 cas « d'inadmissibilité médicale » justifiant le refus de visa/permis de séjour : le « danger pour la santé publique » (maladie infectieuse...), le « danger pour la sécurité publique » (l'expatrié perd soudainement ses capacités mentales et/ou physiques ; il devient imprévisible et/ou violent…) et le « fardeau excessif pour les services sociaux ou la santé ». Mais contrairement à la vision australienne, le droit canadien admet des exceptions pour certaines catégories de demandeurs, comme la famille parrainée (enfants à charge, les époux et conjoint de fait…).

Expatriation et handicap : à quoi doit-on faire attention ?

En principe, n'importe qui peut partir vivre dans un autre pays s'il remplit les conditions de visa, permis de séjour, etc. selon sa situation. Le handicap n'est pas un frein à l'expatriation. En pratique, les personnes en situation de handicap doivent faire face à de nombreux obstacles, à commencer par de possibles restrictions concernant le visa.

Visa, permis de séjour et législation

Avant d'effectuer toute démarche, il est important de bien s'informer sur les procédures de visa et de permis de séjour. Le visa choisi comporte-t-il des restrictions ? Si oui, quelles catégories de personnes visent-elles ? Existe-t-il des interdictions de séjour pour tel ou tel handicap ? Car si la grande majorité des États met en évidence son inclusivité et sa lutte contre les discriminations, en pratique, les personnes en situation de handicap peuvent faire face au « mur administratif », surtout si leur cas est considéré comme « lourd ».

Assurance maladie

Quel est le niveau de prise en charge dans le pays d'accueil ? Les soins remboursés sont-ils les mêmes que dans le pays d'origine ? Sur quels critères le taux de remboursement varie-t-il ? Voilà quelques-unes des questions utiles pour préparer son expatriation lorsqu'on a un handicap. Comme l'Australie, certains États refusent les demandes de candidats ayant une pathologie « trop coûteuse », selon les critères retenus par lesdits États. Ils se basent généralement sur des visites médicales obligatoires, qui se déroulent durant la procédure d'immigration. Il faut être certain que le système de santé du pays d'accueil prendra effectivement en charge l'expatrié en situation de handicap. Certains États prévoient une surcharge si le plafond des soins est atteint. D'autres refusent les dossiers qui sortent des plafonds quand bien même le demandeur ou sa famille aurait les moyens de prendre en charge le surcoût des soins (exemple de l'Australie).

Aides sociales

Prudence sur les aides sociales. Nombre d'entre elles sont liées à la résidence. Elles sont donc perdues lorsque la personne en situation de handicap s'expatrie. C'est le cas en France : une personne touchant l'allocation pour adulte handicapé (AAH) perdra son allocation en cas d'expatriation. L'État admet une exception pour les expatriations qui concernent les études. Là encore, il faut se demander si l'État d'accueil prévoit des aides pour les personnes en situation de handicap, et si ces aides sont accessibles aux étrangers (l'aide au logement, par exemple). Les bénéficiaires d'une aide sociale dans leur pays ont tout intérêt à calculer la part que représente cette aide dans leurs finances.

S'expatrier avec un handicap : quels sont les pays les plus accueillants ?

Il reste encore fort à faire pour rendre les villes véritablement accessibles aux personnes en situation de handicap. Les États votent des lois qu'ils ne respectent pas toujours. Les nouvelles constructions urbaines ne prennent pas assez en compte les handicaps (rues trop étroites, absence de marquage au sol, de feux sonores, etc.). Plusieurs pays sont néanmoins cités pour leurs efforts en matière d'inclusion. En 2024, les villes d'Edmonton, Toronto, Montréal, Winnipeg (Canada), Dubaï (Émirats arabes unis), Stockholm (Suède), Berlin (Allemagne), Tokyo, Osaka (Japon) et Barcelone (Espagne) font partie des villes les plus accessibles en termes d'infrastructures.

Ces mêmes villes sont néanmoins confrontées à de nombreux obstacles : infrastructures non adaptées, ascenseurs en panne, guichets trop hauts, appareils en panne, etc. Il faut aussi relever les paradoxes de villes qui se veulent plus inclusives, mais dont les législations continuent d'exclure les personnes en situation de handicap. La faute à une vision souvent trop réduite « du handicap », qui n'entend pas assez les voix des personnes concernées.

Les choses évoluent lentement. Au Canada, la province canadienne de l'Ontario ambitionne d'être 100 % accessible dès 2025. La Nouvelle-Écosse, qui compte le plus grand nombre de personnes en situation de handicap, veut relever le défi en 2030. En 2021, l'Union européenne a adopté un nouveau plan (2021-2030) pour « améliorer la vie des personnes handicapées en Europe et dans le monde. » En septembre 2023, elle propose deux nouvelles versions de ses cartes pour faciliter la vie des personnes handicapées : la Carte européenne du handicap et la Carte européenne de stationnement. Les expatriés en situation de handicap sont de plus en plus nombreux à partager leur expérience, à militer pour plus d'inclusivité. Les associations leur emboitent le pas, pour que les promesses des États se transforment en actes.

Liens utiles :

Welcoming Disability : organisation faisant pression pour que le gouvernement australien révise sa loi concernant l'immigration des personnes handicapées

Americans with Disabilities Act (ADA) : informations pour les personnes en situation de handicap aux États-Unis