La retraite à l'étranger n'a jamais été aussi attrayante. Mais ce n'est pas simplement une histoire de climats ensoleillés et de plages paradisiaques. Avec le coût croissant de la retraite aux États-Unis (et dans plusieurs autres pays développés), de nombreux retraités explorent désormais des alternatives plus abordables pour profiter de leur temps libre.
Crise de la retraite aux États-Unis : comprendre l'enjeu
Cela devient de plus en plus onéreux de prendre sa retraite aux États-Unis. En raison de la hausse du coût de la vie, une part significative de la population a épargné moins de 50 000 dollars, un montant bien en deçà de ce qui serait nécessaire pour assurer un niveau de vie confortable à la retraite.
Plusieurs facteurs expliquent cette insuffisance de l'épargne-retraite :
- Le déclin des pensions traditionnelles, remplacées par des régimes à cotisations définies comme les 401(k), a transféré la responsabilité de l'épargne et de l'investissement aux individus. Beaucoup manquent des compétences financières ou de la discipline nécessaires pour gérer efficacement leurs économies.
- La sécurité sociale, bien qu'essentielle pour de nombreux retraités, fait face à des difficultés majeures. Le fonds fiduciaire devrait être épuisé d'ici 2037, ce qui pourrait entraîner une réduction substantielle des prestations futures. De plus, plus de la moitié des travailleurs du secteur privé n'ont pas accès à un régime de retraite financé par leur employeur.
- L'espérance de vie a considérablement augmenté, ce qui devrait être une bonne nouvelle. Toutefois, cela signifie également que les retraités doivent faire durer leur épargne sur une période plus longue. Malheureusement, de nombreux Américains risquent de survivre à leurs économies.
- La Grande Récession et la pandémie de COVID-19 ont également perturbé de manière significative l'épargne et les investissements de millions d'Américains, aggravant encore cette situation précaire.
La tendance mondiale à la retraite à l'étranger
Ces trois dernières décennies, le nombre d'Américains souhaitant prendre leur retraite hors de leurs frontières a triplé. Mais ce phénomène ne se limite pas aux États-Unis : c'est une tendance mondiale parmi les citoyens des pays développés.
Quelques exemples éloquents illustrent cette mobilité internationale des retraités :
- Au Royaume-Uni, environ 284 000 citoyens britanniques résident en Espagne en 2023, selon les données de Statista.
- L'Allemagne compte plus de 1,5 million de citoyens vivant à l'étranger, avec l'Autriche et l'Espagne comme destinations privilégiées.
- Les retraités français plébiscitent majoritairement l'Europe pour leur nouvelle vie. Selon une étude de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (CNAV), près de 60 % choisissent des pays européens, principalement l'Espagne, le Portugal et l'Italie. Le Maroc représente également une destination attractive.
- Les Australiens se tournent vers l'Asie du Sud-Est. En 2022, environ 27 000 résidaient en Thaïlande, séduits par des soins de santé abordables et un coût de vie bas.
- Les Canadiens montrent une préférence marquée pour le Mexique, avec près de 12 000 résidents enregistrés uniquement dans la péninsule du Yucatan en 2023.
- Les retraités japonais suivent également cette tendance, s'installant principalement aux Philippines et en Malaisie.
Gérer la bureaucratie de la retraite à l'international
La décision de prendre sa retraite à l'étranger va bien au-delà du simple changement de décor et de la découverte de la cuisine locale. L'installation durable dans un pays étranger implique de nombreuses démarches administratives, souvent complexifiées par les barrières linguistiques et les différences juridiques.
La première étape consiste à comprendre les conditions de résidence et les options de visa. De nombreuses destinations prisées des retraités proposent désormais des dispositifs spécifiques , dont voici quelques exemples :
- Thaïlande - Visa de retraite (visa de non-immigrant O-A ou O-X) ;
- Espagne - Visa non lucratif ;
- Portugal - Visa D7 (visa de revenu passif) ;
- Mexique - Visa de résident temporaire ou permanent pour les retraités ;
- Malaisie - Programme « Malaysia My Second Home » (MM2H) ;
- Panama - Programme pour les retraités.
L'option pour un pays disposant d'un cadre clair pour les retraités peut grandement simplifier l'installation. Ces programmes offrent une feuille de route légale précise, facilitant les démarches administratives.
Toutefois, la flexibilité reste de mise. L'histoire de Julia illustre parfaitement les imprévus possibles. Installée en Turquie avec son conjoint, elle a dû tout réorganiser en 2023, suite à des changements soudains dans les règles de résidence, les contraignant finalement à s'installer en Espagne. « Nous nous sommes réveillés un jour et avons réalisé que nous ne pouvions plus vivre dans le pays à cause de ces nouvelles règles. Nous étions dévastés et perdus. Nous avions ce plan depuis si longtemps et nous étions sûrs d'être bien préparés. Mais nous avons dû tout réorganiser en cours de route. Nous vivons maintenant en Espagne, mais notre premier déménagement pour la retraite nous a rendus très anxieux pour l'avenir ».
L'accès aux soins de santé constitue un autre point crucial. Chaque pays impose ses propres conditions. En Thaïlande, les retraités doivent souscrire une assurance couvrant a minima 400 000 THB (12 000 USD). En Espagne, les titulaires d'un visa non lucratif doivent initialement souscrire une assurance privée avant de pouvoir intégrer le système public.
Dans certains pays, l'accès aux soins de santé publics peut être restreint pour les étrangers ou conditionné à des statuts de résidence spécifiques. En Espagne, par exemple, les retraités détenteurs d'un visa non lucratif sont tenus de souscrire une assurance maladie privée jusqu'à obtenir le statut de résident permanent, qui leur ouvrira ensuite l'accès au système de santé public.
N'oubliez pas qu'un déménagement à l'étranger implique de nombreuses démarches administratives, généralement rédigées dans une langue étrangère. Des documents incontournables comme les actes de mariage, les actes de naissance ou les relevés de pension doivent fréquemment être apostillés ou légalisés. Il est essentiel d'anticiper ces procédures, qui sont non seulement chronophages mais peuvent également s'avérer onéreuses.
L'ouverture d'un compte bancaire dans la nouvelle destination peut rapidement se transformer en parcours du combattant. Certains pays subordonnent l'accès aux services bancaires à la détention d'un permis de séjour spécifique. D'autres imposent des restrictions drastiques sur les transferts de devises étrangères, susceptibles de compromettre vos projets de retraite.
Au Portugal, bien que les non-résidents puissent techniquement ouvrir un compte bancaire, la procédure s'avère complexe. Il faut obtenir un numéro fiscal portugais (NIF) et fournir un justificatif de domicile, des démarches particulièrement compliquées pour les retraités fraîchement débarqués.
Au Mexique, les transferts de fonds substantiels peuvent déclencher des obligations déclaratives supplémentaires ou attirer l'attention des établissements financiers.
La fiscalité constitue un enjeu clé pour les retraités expatriés. Ces derniers doivent impérativement s'adapter à de nouveaux régimes fiscaux et comprendre précisément leurs obligations déclaratives suite à leur déménagement.
La première étape consiste à vérifier l'existence d'une convention de double imposition entre votre pays d'origine et votre nouvelle destination. Un tel accord peut vous permettre d'éviter une double imposition.
La Thaïlande offre un exemple intéressant : aucun impôt n'est prélevé sur les revenus étrangers, sauf s'ils sont transférés sur le territoire thaïlandais durant la même année civile. Cette disposition permet à de nombreux retraités de conserver leurs pensions étrangères en franchise fiscale, à condition de gérer stratégiquement leurs transferts financiers.
Pour les expatriés qui projettent une installation à long terme, l'achat d'un bien immobilier peut sembler une étape logique. Mais attention, de nombreux pays imposent des restrictions drastiques à l'acquisition immobilière par des étrangers, nécessitant soit des autorisations spécifiques, soit des montages juridiques complexes avec des partenaires locaux. Prenons l'exemple de la Thaïlande, où la réglementation est particulièrement restrictive. Les étrangers sont dans l'impossibilité d'acquérir directement un terrain. Leurs options d'investissement immobilier se limitent à l'achat de condominiums, dans la limite de 49 % de la participation étrangère, la location de terrains pour une durée maximale de 30 ans et la création d'un partenariat avec un citoyen thaïlandais pour devenir propriétaire
Le Mexique offre un cadre plus ouvert : les étrangers peuvent généralement acheter des biens immobiliers, à l'exception des zones réglementées situées à moins de 50 kilomètres des côtes ou de 100 kilomètres des frontières.
L'installation dans un nouveau pays peut s'accompagner d'une réduction inattendue des prestations sociales. Certaines destinations n'hésitent pas à geler les pensions et à modifier les droits de sécurité sociale des expatriés.
L'Australie illustre parfaitement ces complexités. Les retraités qui quittent le territoire pendant de longues périodes s'exposent à une diminution de leurs prestations. La pension de vieillesse est calculée selon la règle de la résidence professionnelle, qui ajuste les versements en fonction des années passées sur le sol australien entre 16 et 67 ans.
La situation diffère selon les pays. En France, les retraités installés à l'étranger peuvent généralement continuer à percevoir leur pension, moyennant la transmission régulière de certificats de vie. Les modalités de paiement dépendent essentiellement des accords bilatéraux : certains pays comme le Maroc proposent des régimes favorables, tandis que d'autres comme l'Espagne appliquent une imposition plus standard.
Certains retraités souhaitent compléter leurs revenus en créant une petite entreprise, mais l'expatriation complique singulièrement ce projet. En Espagne, par exemple, un visa non lucratif interdit strictement toute activité économique, y compris la gestion d'une entreprise. Pour entreprendre, il faudra impérativement modifier son statut de résidence. Des contraintes similaires existent dans de nombreux pays.
L'histoire de Ben, installé à Phuket avec un visa de retraite, illustre ces particularités : « En tant qu'étranger, j'ai dû obtenir une licence commerciale spéciale pour gérer mon bar sans partenaire thaïlandais. La démarche s'est révélée complexe, coûteuse et chronophage. J'ai finalement obtenu mon établissement, mais ai choisi de m'associer avec un ami local pour gérer les opérations courantes. »
En conclusion, bien que la retraite à l'étranger s'accompagne de multiples complications administratives, de plus en plus de personnes sont convaincues que l'aventure en vaut la peine. Pour échapper à un coût de vie élevé et à des climats rigoureux, il faut certes mener de nombreuses recherches et mettre en place une planification méticuleuse, mais les chiffres sont éloquents : toujours plus de retraités choisissent de passer leur troisième âge sous d'autres cieux.