Carrière internationale : faut-il changer souvent d'entreprise ?

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Écrit par Asaël Häzaq le 23 septembre, 2024
Le turn-over, vous l'appliquez à votre projet de carrière à l'étranger. Pour vous, changer souvent d'entreprise est le meilleur moyen de multiplier les expériences professionnelles et de gagner en compétence. Mais qu'en pensent les entreprises étrangères ? Ce changement est-il une bonne stratégie pour bâtir sa carrière à l'étranger ?

Quand « goût du risque » rime avec « sens de l'adaptation »

Le modèle de l'emploi à vie dans la même entreprise est fini depuis longtemps. Vous ne craignez pas de vous relancer sur le marché international du travail. Au contraire, c'est un moyen pour vous de gagner en compétences. Votre sens de l'adaptation se voit déjà au niveau des formalités administratives. Car il n'est pas toujours simple de changer de métier en expatriation. Il faut d'abord s'assurer que son permis de travail le permette. Certains expats hésitent à quitter leur entreprise, surtout lorsque la démission est la seule solution. Ils ne veulent pas quitter une structure qui leur a donné leur chance. Ils se sont adaptés à la culture d'entreprise et craignent de ne pas retrouver de poste (ou de perdre en avantages, en qualité de vie, etc.).

Les expatriés qui, comme vous, se relancent sur le marché du travail international transforment ces appréhensions en points positifs. Il existe effectivement un risque à changer d'entreprise. Mais ce risque peut être un booster de carrière. Car le changement d'entreprise fait apparaître plusieurs qualités très recherchées dans le monde du travail : sens de l'adaptation, persévérance, détermination, autonomie, sens des responsabilités, ambition, capacité à se remettre en question et à rebondir, etc. Vous vous présentez comme un travailleur qui n'a pas peur de relever de nouveaux défis pour réussir.

Multiplier les expériences à l'étranger fait gagner de l'expérience

Bien entendu, on ne vous demande pas de changer de pays tous les mois. Le changement d'entreprise à l'étranger n'induit pas un changement systématique de pays, ne serait-ce que pour des raisons administratives…

Changer d'entreprise, c'est multiplier les expériences. Or, l'expérience professionnelle est l'un des points importants du CV. Cette expérience est tout aussi importante pour l'obtention d'un permis de travail. Elle peut même pallier une absence ou un niveau de diplôme jugé « faible » (par exemple, avoir le niveau baccalauréat, mais accumuler 10 ans d'expérience dans son domaine d'activité). Multiplier les expériences dans le pays étranger montre aussi votre polyvalence. Vous savez vous adapter à la culture d'entreprise du pays et êtes rapidement opérationnel.

Changer souvent d'entreprise pour ne pas stagner

Changer souvent d'entreprise est également un excellent moyen de « rester dans la course ». On le sait, la concurrence est de plus en plus rude, surtout pour les profils qualifiés, très recherchés par les entreprises étrangères. Or, l'un des risques, pour le travailleur étranger, est de rester dans une entreprise dans laquelle il estime « avoir fait le tour ». Il n'évolue plus dans l'entreprise. Les promesses de carrière se sont peut-être envolées. Les projets ne sont plus aussi intéressants qu'avant. La vision de l'entreprise a changé… Il existe de multiples raisons qui peuvent expliquer cette stagnation.

Or, si l'on évoque souvent le risque de changer souvent d'entreprise, on évoque moins celui de rester dans une entreprise qui n'offre aucune évolution. C'est pourtant le meilleur moyen de perdre en compétence. L'expérience accumulée en expatriation s'efface, faute d'avoir été utilisée. Au final, l'expatrié se retrouve perdant. S'il avait peur de ne pas retrouver de travail en quittant l'entreprise, il se retrouve effectivement coincé dans cette entreprise, car son CV n'est plus aussi satisfaisant que par le passé.

Gagner en crédibilité auprès des entreprises étrangères

Les idées reçues sur le CV ont la vie dure. On estime toujours qu'un CV rempli d'expérience dans diverses entreprises est une preuve d'instabilité. Pour de nombreux recruteurs internationaux, c'est tout le contraire. Ces expériences (surtout dans des sociétés renommées dans le secteur d'activité du recruteur étranger) sont une preuve de fiabilité et de crédibilité. Vous avez déjà fait vos preuves ailleurs. D'autres recruteurs étrangers vous ont sélectionné : vous connaissez donc la culture d'entreprise du pays d'accueil et que vous ne serez pas long à former. Or, la formation peut être rapidement couteuse pour l'entreprise. En vous recrutant, elle économise sur la formation. Économies qui peuvent augmenter si vous vous mettez à former vos collègues. L'entreprise gagne sur les deux tableaux. Rapidement opérationnel, vous pourriez même fournir de précieux renseignements sur les concurrents. Voilà pourquoi les entreprises s'arrachent les talents étrangers.

… et risquer de perdre crédibilité auprès d'autres entreprises étrangères

Si des entreprises encouragent le « turn-over » de leurs salariés, d'autres s'accrochent au principe de loyauté. Une loyauté également importante pour les premières, mais qui peut s'associer à des changements fréquents de salariés. Pour les secondes, un expatrié qui change souvent d'entreprise risque de perdre en crédibilité. Elles craignent qu'il manque de loyauté et n'hésite pas à « aller voir ailleurs » au moindre coup de vent.

D'autres entreprises mettent en avant un risque pour la cohésion et l'esprit de groupe. Alors qu'on vente partout l'indispensable « esprit d'équipe », comment construire cet esprit avec des salariés qui changent d'entreprise tous les 2 ou 3 ans ? Les recruteurs réfractaires n'hésitent pas à lier le changement fréquent d'entreprise avec le risque de perte de productivité. Une perte aux conséquences néfastes pour l'entreprise, mais aussi pour l'expatrié qui, contrairement à ce qu'il pensait, n'évolue pas professionnellement. Au contraire, il devient « l'absent » qui loupe des missions et des projets importants. Il devient « le visiteur » qui n'arrive pas à s'intégrer dans les entreprises qu'il intègre.

Changer souvent d'entreprise fait-il perdre ses repères ?

Oui, vous souhaitez booster votre carrière internationale. Mais votre stratégie est-elle la bonne ? Est-elle adaptée à votre secteur d'activité ? En effet, en expatriation, on semble plus facilement admettre ces changements pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés. Eux-mêmes se savent en position de force : ils exercent une profession recherchée dans le pays étranger (et même dans plusieurs autres pays). Ils ont accumulé de l'expérience, un réseau. Ils ont un diplôme rare et des compétences recherchées. Ils évoluent dans un secteur frappé par des pénuries de main-d'œuvre, sans toutefois exercer un poste fortement soumis à la concurrence et sans réelles perspectives de carrière.

En revanche, changer souvent d'entreprise alors que vous n'avez pas de stratégie clairement définie risque de vous faire perdre vos repères. Vous devez savoir pourquoi vous quittez votre entreprise et pourquoi vous souhaitez être embauché ailleurs. Vous devez connaître les possibilités et les restrictions de votre permis de travail, le marché du travail du pays étranger et le processus de recrutement relatif à votre secteur professionnel. La procédure est-elle courte ou longue (étalée sur plusieurs semaines, avec tests et entretiens avec plusieurs cadres de l'entreprise recruteuse) ? Tous ces paramètres jouent fortement sur le projet de changement d'entreprise.

Comment accorder la vision du travailleur étranger et de l'entreprise ?

La pénurie de talents étrangers continue en 2024. Les entreprises étrangères des secteurs concernés veulent fidéliser leurs travailleurs locaux comme étrangers. Concernant les étrangers, l'heure est plus que jamais au recrutement des profils hautement qualifiés. Les réformes de l'immigration adoptées par certains pays (Royaume-Uni, Koweït, Canada, Suède, Australie, France, Finlande…) visent plutôt à restreindre l'immigration des expatriés peu qualifiés.

Ces entreprises qui recrutent font face à un dilemme. D'un côté, elles reconnaissent que le processus de recrutement d'un travailleur étranger est long et couteux. Elles n'ont pas envie de dépenser leur temps et leur argent pour un expatrié qui pliera bagage 2 ans plus tard. De l'autre côté, elles reconnaissent les points forts du salarié étranger passé par différentes entreprises. Il est généralement plus autonome, plus mobile, plus créatif, et s'adapte rapidement à son nouvel environnement.

Si vous avez besoin de changer souvent d'entreprise (pour garder votre motivation, tester de nouvelles choses, construire votre carrière), demandez-vous d'abord si vous souhaitez rester dans le pays étranger ou changer aussi de pays. Vérifiez que vous pouvez effectivement le faire : vous êtes certain de retrouver un poste ; vous êtes peut-être déjà en négociation avec une autre entreprise, ou en recherche d'emploi. Ne prenez cependant pas l'exigence de loyauté à la légère. Ne profitez pas du portefeuille de votre entreprise actuelle pour dénicher votre futur employeur… Évitez de manifester ouvertement votre ennui dans votre entreprise actuelle. Le monde du travail est plus étroit qu'il n'y paraît ; une attitude déloyale fait toujours très mauvais effet.

En cas de doute quant à la bonne stratégie à adopter, faites appel à une agence de placement d'expatriés, ou un coach spécialisé en expatriation. Ils pourront vous aider à établir votre projet de carrière à l'étranger.

A propos de Asaël Häzaq

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.