Le compte à rebours est lancé : le 5 novembre prochain, les Américains se rendront aux urnes pour élire leur prochain Président, un choix crucial qui façonnera le visage du pays pour les quatre années à venir. Dans cette course à la Maison Blanche qui oppose Kamala Harris, portant les couleurs démocrates, à Donald Trump, champion des républicains, un enjeu majeur se dessine : l'impact de leurs visions antagonistes sur la vie des expatriés, qu'ils soient Américains à l'étranger ou résidents étrangers sur le sol américain.
Les positions de Harris et de Trump sur l'immigration : deux Amériques qui s'affrontent
Pour les expatriés, un changement d'administration n'est jamais anodin. De la sécurité sociale aux opérations bancaires, du regroupement familial aux visas de travail, en passant par l'accès aux soins et la protection contre les discriminations : chaque décision politique peut avoir des répercussions concrètes sur leur quotidien.
L'héritage de la présidence Trump (2016-2019), marquée par un repli isolationniste, n'a été que partiellement effacé sous l'ère Biden (2019-2024). À l'aube de ce nouveau scrutin, quelles sont les positions des deux prétendants sur l'immigration, cette question cruciale pour la communauté expatriée ? Plongée dans leurs programmes respectifs, à travers une analyse détaillée basée sur les rapports du Peterson Institute for National Economics, d'Associated Press, de HR Brew et du Council on Foreign Relations.
Dans le camp de Mme Harris et son candidat à la vice-présidence, Harris-Walz, une approche qui se veut équilibrée :
- Augmentation du nombre de visas de travail et de visas familiaux : une augmentation de 13 % des visas qualifiés et de 7 % des visas familiaux d'ici 2030.
- L'autorisation de travailler pour les personnes à charge titulaires d'un visa H-1B : l'ouverture possible du marché du travail aux conjoints et enfants des expatriés sous visa professionnel.
- Renforcer la sécurité aux frontières et limiter l'asile : un durcissement des critères d'asile et un renforcement des frontières face aux flux migratoires d'Amérique centrale, notamment via une extension des capacités de l'ICE.
- Améliorer le traitement des dossiers d'immigration : le recrutement massif d'agents pour fluidifier le traitement des dossiers d'immigration.
- Facilitation de la résidence ou de la naturalisation pour certaines catégories de demandeurs : un processus de naturalisation simplifié pour les « Dreamers » et un accès privilégié à la résidence pour les réfugiés afghans de 2021.
Face à eux, le duo Trump-Vance dévoile un projet plus radical :
- Plus de droit de sol : exit la citoyenneté automatique pour les nouveau-nés de parents qui ne sont pas résidents permanents aux États-Unis.
- La déportation massive : l'ambition affichée d'expulser quelque 11 millions de sans-papiers.
- L'expulsion des étudiants étrangers qui protestent : le retrait des visas pour les étudiants étrangers participant aux manifestations pro-palestiniennes.
- Le filtrage idéologique des demandeurs de visa : un examen approfondi des opinions politiques des candidats au visa, particulièrement sur les questions liées au Hamas.
- L'octroi de la Carte verte pour tous les étrangers diplômés des universités américaines : paradoxalement, l'octroi automatique de la carte verte aux diplômés internationaux passant le filtre idéologique.
- Le retour du « Muslim Travel Ban » : la réactivation et l'élargissement de sa précédente interdiction de voyager aux visiteurs, étudiants internationaux et expatriés en provenance d'une liste de pays à majorité musulmane.
La communauté expatriée retient son souffle à l'approche des élections
Que pensent les premiers concernés de ces bouleversements annoncés ? Notre rédaction a pris le pouls de la communauté Expat.com. Si chaque parcours est unique, un mot d'ordre émerge : la stabilité avant tout. Pour la majorité des expatriés actuels ou en devenir, le ticket Harris-Walz apparaît comme le garant d'une certaine continuité, sans pour autant susciter un enthousiasme débordant.
Les témoignages recueillis dessinent une mosaïque d'inquiétudes et d'espoirs. Prenez ce couple d'Américains, propriétaire d'une villa sur la côte valencienne. Leur dilemme ? Une victoire de Harris les verrait partager leur temps entre les deux pays, tandis qu'un succès de Trump les pousserait à s'installer définitivement sous le soleil espagnol. Électeur assidu depuis les années 70, le mari a déjà fait son choix en votant Harris par anticipation.
Le Portugal fait figure de terre promise pour une autre Américaine et son époux, qui y voient un refuge potentiel en cas de victoire républicaine. Cette retraitée ne mâche pas ses mots : hors de question de vivre ses dernières années dans ce qu'elle redoute être une « dictature ». Mais l'inquiétude la tenaille : pourra-t-elle encore accéder à ses comptes américains, notamment via des services en ligne comme Wise, si l'isolationnisme gagne du terrain dans le secteur financier ?
Cette crainte fait écho à celle d'un expatrié déjà installé au Portugal, qui s'inquiète d'un effet domino inattendu : et si une victoire de Trump déclenchait un exode massif d'Américains vers ce petit pays ? Les services d'immigration et les agences immobilières, déjà sous tension, pourraient être submergés.
Plus au sud, un futur expatrié met le cap vers Medellín, en Colombie. Si une victoire de Harris aurait sa préférence, son projet de quitter la Floride reste gravé dans le marbre. Ce qui l'inquiète ? L'imprévisibilité de Trump en matière réglementaire, même s'il ne rejette pas en bloc les idées républicaines. Prudent, il songe à délocaliser ses actifs, y compris son épargne retraite, craignant pour leur sécurité aux États-Unis.
La double nationalité offre un regard unique sur ces enjeux. Un Américano-Brésilien partage une préoccupation géopolitique : et si un virage à droite aux États-Unis encourageait une vague autoritaire en Amérique latine, touchant jusqu'à sa terre d'adoption ? Sans compter ses inquiétudes sur l'avenir de la Sécurité sociale américaine, véritable filet de sécurité pour de nombreux expatriés dépendant du dollar.
Au Portugal, un couple d'Américains ne dort plus que d'un œil. Leur crainte ? Que l'annonce des résultats ne déclenche des troubles, fragilisant le dollar et, par ricochet, leurs investissements qui financent leur vie européenne. Leur réflexion sur des alternatives d'investissement hors États-Unis se heurte à un constat : dans une économie mondialisée, les secousses américaines font trembler la planète entière.
Le regard français apporte une perspective différente sur cette élection. Un Franco-Américain naturalisé s'étonne encore du climat électoral américain, bien loin de la tradition hexagonale. Face à cette polarisation extrême, il a opté pour le vote anticipé, espérant échapper au déluge de propagande électorale. Son compatriote, encore sans passeport américain, rêve d'un impossible consensus entre les candidats. Un autre expatrié français garde la tête froide : quelle que soit l'issue du scrutin, son quotidien ne devrait guère changer, hormis peut-être ses chances d'obtenir un jour la nationalité américaine.
Ce kaléidoscope de témoignages révèle une communauté expatriée sur le qui-vive, tiraillée entre pragmatisme et inquiétude. Au-delà des clivages politiques, c'est toute une vision de l'Amérique et de sa place dans le monde qui se jouera le 5 novembre prochain.