Séverine Jonas Lescuras : « La rééducation périnéale est essentielle pour les femmes expats »

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Écrit par Veedushi le 08 novembre, 2024
Dans un monde où la santé intime des femmes reste souvent enveloppée de silence, Séverine Jonas Lescuras se distingue par son engagement à briser les tabous et à rendre les soins périnéaux accessibles à toutes. Kinésithérapeute basée à Bordeaux, elle se spécialise depuis plus de 25 ans dans la rééducation périnéale féminine. Fondatrice de « Oh My Péry! », une plateforme de rééducation périnéale en ligne, Séverine offre une solution complète pour accompagner les femmes, partout dans le monde, vers une meilleure santé périnéale.

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Je suis Séverine Jonas Lescuras, j'exerce dans mon cabinet à Bordeaux comme kinésithérapeute spécialisée en rééducation périnéale féminine depuis plus de 25 ans.

Je suis la fondatrice de Oh my Péry !, la solution de rééducation périnéale en ligne pour que chaque femme, où qu'elle soit dans le monde, puisse bénéficier d'un accompagnement de qualité créé par une professionnelle de la santé féminine. Chaque parcours répond à une problématique spécifique, chaque utilisatrice est accompagnée vers la réussite !

Je travaille à rendre la prise en charge de la santé intime des femmes plus accessible, plus connue et moins taboue, car je pense que les femmes méritent qu'on prenne soin d'elles, que leur santé soit considérée avec ses spécificités. On ne peut plus se contenter de soigner les femmes sur le modèle des soins pensés pour les hommes et « adaptés » aux femmes…

Vous êtes kinésithérapeute spécialiste de la rééducation périnéale. Qu'est-ce qui vous a poussé vers ce domaine ?

Durant mes études, j'ai eu la chance de rencontrer une enseignante au parcours atypique, formée à la rééducation du plancher pelvien. C'était fin des années 90 et plutôt avant-gardiste… Elle m'a embarquée dans son univers et depuis toutes mes formations ont été réfléchies pour une meilleure prise en charge de la santé des femmes.

En France, les jeunes mamans sont invitées à suivre une rééducation abdomino-périnéale après la naissance de leur enfant. Le signal est bon, mais insuffisant, car les symptômes périnéaux ne se présentent pas uniquement à cette période de vie.

Les troubles périnéaux ne sont pas réservés à la période du post partum ; chaque femme peut être concernée quel que soit son âge. Pour rappel, les troubles les plus communs sont :

  • Les fuites urinaires à l'effort (à la toux, à l'éternuement, lors d'un fou rire, en sautant, en courant, en portant une charge…) ;
  • L'impériosité, c'est-à-dire ces envies pressantes d'uriner trop souvent, alors que la vessie n'est pas vraiment pleine, au contact de l'eau, lorsqu'il fait froid ou encore au moment de mettre la clé dans la serrure ;
  • Les fuites anorectales (ne pas réussir à retenir un gaz est déjà un signal d'alerte) ;
  • Les douleurs pelviennes ;
  • Les lourdeurs au niveau du périnée (risque de prolapsus des organes pelviens).

Tous ces troubles sont tellement fréquents dans la population féminine qu'ils en deviennent une fatalité.

Ma mission est donc de lutter contre cette banalisation des troubles, car une rééducation bien menée permet un retour à la normalité. À contrario, si rien n'est mis en place, les symptômes vont inexorablement s'aggraver et le quotidien se dégrader.

Il est vraiment trop dommage de constater tous les jours que des patientes se présentent en consultation-bilan alors qu'elles souffrent depuis des années et ont attendu la situation catastrophique pour réagir.

Vous proposez donc vos services à distance aux femmes souffrant de troubles périnéaux. Y a-t-il une forte demande pour ce type de soins, en particulier auprès des femmes expat ?

Chaque femme qui présente des symptômes périnéaux mérite un accès à des soins de qualité.

Les femmes expatriées rencontrent des difficultés particulières :

  • Trouver une personne ressource de confiance ;
  • Lutter contre la barrière de la langue ;
  • S'adapter à la barrière culturelle ;
  • Oser parler d'un sujet tabou ;
  • Prendre le temps de faire passer sa santé pelvienne au 1er plan.

La rééducation périnéale est largement répandue en France, mais l'accès aux soins spécialisés n'est pas égal sur l'ensemble du territoire, alors de nombreuses femmes cherchent des solutions en ligne qui répondent à leurs besoins spécifiques (déserts médicaux, horaires inadaptés des cabinets, par exemple).

Dans les autres pays du monde, la rééducation périnéale n'existe pas forcément ; alors, si les femmes sont informées et confrontées à des troubles de la sphère périnéale, avoir accès à une offre en ligne créée par une professionnelle de la santé pelvienne est une opportunité.

C'est pourquoi j'ai pensé ma solution comme un accompagnement professionnel malgré la distance. Je mets à disposition mes 25 ans d'expérience en version numérique et ça fonctionne !

Quelles sont, selon vous, les principales causes des troubles périnéaux auprès des femmes expat ?

Les troubles périnéaux et leurs causes ne sont pas différentes que l'on soit expatriée ou pas. La chose que je note spécifiquement chez les femmes en expatriation, c'est la difficulté du diagnostic et donc le retard de prise en charge.

Cette spécificité d'errance médicale entraîne des conséquences importantes sur la qualité de vie des femmes souffrant de fuites urinaires ou de prolapsus. En effet, il est notable de constater à quel point les troubles périnéaux peuvent être source d'isolement social et parfois déboucher sur des syndromes dépressifs qui s'installent insidieusement.

Il y a urgence à prendre en charge les troubles pelviens pour que toutes les femmes concernées retrouvent confiance en elles et vivent heureuses au sec !

Comment les troubles périnéaux affectent-ils le quotidien des expatriées ?

Il faut imaginer que les femmes expatriées qui ne trouvent pas rapidement de solutions à leurs symptômes périnéaux vont voir leurs troubles s'aggraver, il y a donc urgence à agir !

Plus la situation se dégrade, plus elles vont s'isoler.

Parler de fuites urinaires ou de descente d'organes est toujours un moment compliqué. Dans nos sociétés, c'est extrêmement tabou et handicapant.

Les solutions trouvées peuvent être très onéreuses et/ou ressenties comme humiliantes. Je pense spontanément au port de couches culottes (plus ou moins rendues sexy par les publicités…), ou encore à la mise en place d'un tampon hygiénique pour « soutenir » les organes pelviens, mais aussi à l'anticipation de prévoir une tenue de rechange « au cas où ».

Certaines femmes attendent l'occasion d'un séjour en France pour oser consulter et trouver une solution. Ce temps perdu joue contre elles et ajoute du stress à une situation déjà mal vécue.

Comment prend-on conscience de ce type de trouble quand on vit à l'étranger et comment le soigner ?

La prise de conscience d'un problème périnéal est l'étape clé. Je milite pour une éducation périnéale pour tous afin que les femmes sachent ce qui peut arriver au niveau de la sphère périnéale, car prévenir est essentiel pour ne pas subir !

Au moins une femme sur trois sera confrontée au cours de sa vie à un problème d'incontinence urinaire ! (c'est certainement beaucoup plus, car les femmes ne consultent pas leur médecin pour parler d'incontinence urinaire), on parle bien de millions de femmes concernées.

Une femme sur deux souffrira d'un prolapsus des organes pelviens (descente d'organes). Le sujet est encore plus mal traité que les fuites urinaires. La constipation chronique est l'ennemie sournoise de nos périnées, les pressions quotidiennes sur le plancher pelvien sont LE facteur de risque d'affaiblissement de celui-ci, majorant le risque de descente d'organes.

Je ne compte plus le nombre de patientes à qui je pose la question de la constipation et qui s'étonnent, personne ne leur en a jamais parlé et encore moins proposé une solution pour améliorer la situation.

La période de la ménopause est une période charnière, c'est très nettement le moment où les problèmes périnéaux apparaissent ou s'aggravent. Le plancher pelvien est très sensible aux variations hormonales, c'est donc le moment où il va présenter les premiers points de faiblesse, le moment idéal pour (re)prendre en main sa santé périnéale.

Concrètement, comment venez-vous en aide aux femmes nécessitant une rééducation périnéale ? Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Finalement, le plus important, c'est d'être à l'écoute des femmes qui cherchent à comprendre ce qui leur arrive, mettre des mots sur les maux et d'apporter la solution qui va résoudre leurs problèmes.

Que ce soit au cabinet ou sur Oh my Péry !, je commence toujours par un rendez-vous bilan qui permet de poser le diagnostic, d'apporter les premiers conseils d'hygiène de vie, de rassurer et de diriger vers le bon parcours de soin.

La rééducation périnéale est bien plus qu'une simple série d'exercices de contractions du plancher pelvien. Il s'agit de comprendre l'anatomie, la pathologie, le fonctionnement et le rôle du périnée, mais aussi l'importance d'avoir une bonne sangle abdominale, une respiration libre, une bonne posture, la gestion des pressions au quotidien.

Sur ma plateforme, je propose :

  • Une consultation-bilan en visio adaptée au décalage horaire de chacune afin de faire le point sur les symptômes et diriger vers le bon parcours de soins ;
  • Chaque parcours dure 10 semaines pendant lesquelles l'utilisatrice accède à des exercices périnéaux, abdominaux, respiratoires, posturaux et des tonnes de conseils pour résoudre sa problématique ;
  • J'accompagne les « Pérynettes » (utilisatrices des parcours) dans un groupe WhatsApp qui leur est dédié pendant 10 semaines afin que les enjeux soient bien compris et que la victoire soit au bout du chemin ;
  • J'offre la chance de prolonger 10 semaines de plus gratuitement pour ne pas se mettre la pression et rester dans une communauté bienveillante et de soutien.

De manière générale, les femmes font-elles suffisamment attention à leur éducation périnéale ?

Très clairement NON !

Une étude révèle que seulement 5% des femmes de plus de 30 ans connaissent l'emplacement de leur périnée. 77 % d'entre elles considèrent essentiel de sensibiliser davantage à l'incontinence urinaire (source Allways Discreet).

Le sujet du périnée est hyper tabou, il n'y a aucune éducation périnéale, la plupart des femmes ne découvrent cette zone qu'au moment du post partum, et encore, ce n'est pas valable dans tous les pays.

Si les femmes apprennent à connaître l'anatomie périnéale, l'importance d'un périnée en bonne santé, alors elles sauront réagir pour ne pas subir.

La moindre petite goutte qui s'échappe, c'est déjà une fuite et c'est le signal d'alarme qui doit nous faire réagir. Si vous ne mettez pas en place une bonne rééducation abdomino-pelvienne, alors, avec le temps, les choses vont se dégrader jusqu'à rendre votre vie insupportable.

Il semble urgent de savoir quels sont les facteurs de risques, les bons gestes à adopter pour préserver notre périnée, nous n'avons qu'un périnée et il doit être fonctionnel tout au long de notre vie, alors prenons-en soin !

Quels conseils donneriez-vous aux femmes en général par rapport à cette problématique de santé, mais aussi par rapport à leur bien-être ?

Je milite pour une meilleure connaissance de notre corps. Le sujet du bien-être périnéal est clairement un sujet tabou, car il touche à l'intime.

J'ai l'habitude de répéter aux femmes qu'elles n'ont qu'un corps et qu'un périnée qui doivent être capables de nous accompagner toute notre vie.

Savoir c'est pouvoir, alors avoir conscience de notre plancher pelvien, savoir détecter les premiers problèmes périnéaux afin de mettre en place les solutions qui nous permettent de retrouver une vie au sec, c'est le début d'une santé intime au top.

En résumé, je dirais qu'il faut :

  • Être à l'écoute de son corps ;
  • Ne pas négliger les premiers signes d'alerte (fuites urinaires, lourdeurs pelviennes, douleurs, fuites anorectales…) ;
  • Consulter un professionnel de la santé féminine pour faire un bilan ;
  • Rééduquer et adapter si c'est nécessaire (notamment le sport ou certaines activités aggravantes).

Il n'y a pas d'âge pour souffrir de problèmes périnéaux. Mes patientes ont entre 12 et 96 ans, alors, Mesdames, ne restez pas seules face à vos difficultés. Il y a urgence à aller mieux, faire du sport en restant au sec, sortir avec ses amis sans être obligé de chercher les toilettes partout, avoir une sexualité épanouie…

A propos de Veedushi

Détentrice d'un diplôme approfondi de langue française, j'ai été journaliste à Maurice pendant 6 ans. Je compte plus d'une dizaine d'années d'expérience en tant que rédactrice web bilingue à Expat.com dont cinq au poste d'assistante éditoriale.

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