À voir les réactions de votre entourage, vous avez pris une décision incompréhensible, proche de la faute grave : vous avez pris des vacances… alors que vous vivez à l'étranger. Pourquoi prendre des vacances quand on s'est expatrié à Bali, à Los Angeles ou à Victoria (jolie capitale des Seychelles) ? Un expatrié a-t-il le droit de prendre des vacances ? Comment prendre ses congés sans culpabiliser ?
Le mythe de l'expat « toujours en vacances »
Vous ne voulez surtout pas être la cible de vos collègues locaux et étrangers. L'expat « toujours en vacances », ce n'est pas vous. Mais les railleries que vous entendez sont-elles fondées ? Un rapide coup d'œil sur votre contrat de travail vous confirmera que oui, comme n'importe quel salarié, vous avez le droit de prendre des vacances. La question n'est pas d'ordre juridique, mais repose sur une incompréhension.
Pour certains, l'expatrié est déjà en vacances, surtout s'il est parti vivre dans une zone touristique ou un lieu qui a tout le potentiel pour l'être. Cela peut faire naître une culpabilité vis-à-vis de vos proches. Vos congés payés deviendraient un nouveau « luxe » de la vie d'expat. Votre entourage oublie que vivre dans un lieu privilégié ne vous empêche pas de travailler. Vous n'êtes pas rentier (même les rentiers travaillent), mais viviez la vie de n'importe quel salarié. Si vos proches peuvent prendre leurs congés, pourquoi n'auriez-vous pas le droit de les prendre ?
La culpabilité de l'expat « qui veut faire ses preuves »
La culpabilité peut aussi naître des avis réels ou supposés de vos collègues. Vous vous sentez coupable, car vous prenez des vacances quand ils n'en prennent pas. Au Japon, par exemple, de nombreux salariés ne prennent pas tous leurs congés payés. Ils le peuvent techniquement, mais ressentent de la gêne. Une gêne « culturelle » qui promeut le travail. Même bataille aux États-Unis, où la culture fait encore croire que celui qui ne travaille pas n'est bon à rien. Résultat : moins de la moitié des travailleurs prennent tous leurs congés. Au Mexique ou à Singapour, le peu de jours de congés coince les travailleurs au bureau. Au Royaume-Uni ou en Nouvelle Zélande, on ne prend pas tous ses congés…
En tant que travailleur étranger, vous craignez de vous faire remarquer négativement en prenant des congés auxquels vous avez droit. Vous oubliez que les pratiques de vos collègues locaux ne sont pas toujours un choix. Beaucoup voudraient bien partir, mais sont coincés par les difficultés financières ou la pression culturelle. Philosophe, vous pensez aux vacances à la maison. Mais vous craignez d'être surpris dans votre plus beau jogging par un collègue passant dans votre quartier.
La culpabilité peut également venir d'un désir de faire ses preuves. Vous venez d'arriver dans l'entreprise étrangère, cherchez une promotion… Rogner sur vos vacances est pour vous une manière de montrer votre motivation à votre employeur. Vous pensez à tort que demander vos congés revient à inscrire en grand sur votre front : « Je suis un paresseux ».
Comment ne pas culpabiliser en vacances ?
Il n'existe pas de recette miracle pour arrêter de culpabiliser, mais plutôt des conseils pratiques à mettre en place pour partir l'esprit tranquille. Rappelez-vous que l'objectif des vacances est de vous reposer. Or, « repos » n'a jamais rimé avec « culpabilité ».
Otez de votre esprit l'angoisse de perdre votre emploi
La culpabilité de l'expat « qui veut faire ses preuves », c'est fini. Rassurez-vous : vous ne trouverez pas une lettre de licenciement à votre retour de vacances. Les congés sont justement faits pour recharger les batteries. Votre employeur sera bien content de vous voir requinqué et plein de nouvelles idées. Ne soyez pas coupable de partir vous reposer.
La culpabilité peut néanmoins survenir si vous constatez que les autres salariés n'ont pas les mêmes droits que vous (droits pourtant prévus dans leur contrat). Ces salariés peuvent être d'autres étrangers ou des locaux, à des postes équivalents au vôtre ou différents du vôtre. Dans ce cas, oui, il y a injustice. Ce n'est pas de votre faute, mais la gêne que vous ressentez est compréhensible. Menez discrètement l'enquête (avant votre départ ou après votre retour dans l'entreprise) : pourquoi votre employeur enfreint-il la loi ? Pourquoi ne respecte-t-il pas le droit de vos collègues ? Votre qualité d'expatrié vous fait-elle bénéficier d'un « traitement de faveur » ?
Tentez d'en toucher un mot à votre hiérarchie. Plaidez la cause des autres salariés. Car une telle situation n'est confortable pour personne : mauvaise ambiance, mauvaises relations avec les collègues… Au final, c'est l'entreprise qui perd.
Ne jouez pas les absents, soyez vraiment absent
De nombreuses études montrent que les salariés ont du mal à se déconnecter en vacances ; ils consultent leur boite mail, envoient « un petit mail » par ci par là, lisent « un petit rapport », envoient « un petit mémo », ces « petites » tâches exécutées entre deux siestes dans la prairie ou sur la plage coupent votre instant… et ne vous apportent rien, contrairement à ce que vous pensez. Vous ressentez certainement une satisfaction soudaine : vous avez répondu vite, ce n'était qu'un « petit » e-mail, la sieste estivale peut reprendre. Vous montrez votre présence malgré votre absence. Un bienfait pour l'entreprise ? Oui et non. Techniquement, oui, car vos collègues avancent, mais ils auraient également avancé sans vous. À jouer les présents alors que vous êtes absent, vous court-circuitez le principe même des vacances. Être en vacances, c'est ne pas travailler, ni dans l'entreprise ni ailleurs. À trop jouer les travailleurs expatriés dévoués, vous vous retrouverez dans des « vacances travaillées » qui vous fatigueront. Vos collègues vous retrouveront dans votre « jus » d'avant vacances : fatigué et moins productif. Au final, même l'entreprise y perd… Rappelez-vous qu'en vacances, vous ne jouez pas les absents : vous êtes vraiment absent.
Déconnectez-vous de tout ce qui vous lie à l'entreprise
Le meilleur moyen de culpabiliser en vacances est de rester connecté à votre entreprise. Réseaux sociaux, boite mail… Vous restez disponible pour vos collègues. Peut-être avez-vous osé leur dire : « Je reste disponible au cas où ». Mais que pourrait-il se passer qui nécessite votre intervention urgente dans l'entreprise ? Bien entendu, il peut exister des cas de force majeure. Mais à moins que votre entreprise ne soit soudain en péril, vous n'avez aucune raison de continuer de travailler alors que vous êtes en vacances. Attention aux fausses urgences. Un collègue qui vous appelle pour vous demander de lui rappeler le planning de la semaine prochaine n'est pas « une urgence ». (Il peut se débrouiller seul).
Se déconnecter à 100 % est loin d'être aisé, surtout si votre téléphone personnel gère aussi votre vie professionnelle. On ne vous demandera pas de désinstaller toutes vos applis, mais plutôt de désactiver vos notifications. Lorsque l'e-mail arrivera, vous n'aurez plus d'alerte et ne serez plus tenté. Mais n'allez pas ouvrir votre boite mail. Faites preuve de détermination. Travailler à l'étranger ne vous dispense pas de prendre des vacances.
En pratique
Certes, vous prenez des vacances, mais vous ne partez pas non plus comme un voleur. Organisez votre départ pour profiter à fond de votre déconnexion :
- Faites le point avec vos collègues : dossiers urgents, importants, froids.
- Apprenez à déléguer. Vos collègues ne doivent pas compter sur vous.
- Activez le message d'absence de votre boite mail.
- Enregistrez un message spécial sur votre messagerie.
Travailleurs indépendants : levez le pied sans culpabiliser
Travailleurs indépendants : vous avez aussi le droit à vos congés. Que vous soyez ou non nomade numérique, vous pouvez prendre des vacances. Mais prendre une pause quand on travaille à son compte peut être mal compris… par l'intéressé lui-même. Comme « vous n'avez pas d'heures », vous pensez à tort que vous n'avez pas à prendre de vacances. Vous avez peur de perdre vos clients et d'avoir un trou de trésorerie. Votre entourage peut se montrer critique et ne pas comprendre pourquoi vous partez en vacances, alors que pour eux, vous êtes déjà en vacances.
Pour éviter de culpabiliser, rappelez-vous que votre entreprise n'est pas un loisir. Vous travaillez, peut-être même plus qu'un salarié. Vous ne comptez pas vos heures et avez parfois du mal à séparer vie professionnelle et vie privée. Prendre des congés vous permettra de mettre de l'ordre dans vos pensées et vos affaires. Mais comme pour le salarié expatrié, il convient de respecter certaines règles pour profiter de vos vacances.
En pratique
- Anticiper : trésorerie, dépenses, recettes, missions en cours, etc. Partir quand on est son propre patron représente une possible perte de revenus. Anticiper vous permet de dégager un budget pour vos vacances.
- Ne sortez pas d'un coup votre budget vacances au moment de vos vacances. Établissez-le longtemps à l'avance. Prenez l'habitude d'économiser régulièrement, que vous décidiez de partir ou non.
- Avant de partir, finissez toutes les missions en cours : ne froissez surtout pas vos clients en partant au beau milieu d'un projet.
- Prévenez vos clients de votre départ assez tôt pour qu'ils puissent s'organiser, surtout s'ils ont l'habitude de travailler avec vous.
- Rassurez-les : vous ne partez pas 3 ans, mais 3 semaines.
Étre là sans être là : une nécessité pour le travailleur indépendant
Certaines professions exercées en tant qu'indépendant nécessitent une présence plus ou moins continue sur Internet (réseaux sociaux, blog, site Internet…). Pour être là sans être là, planifiez tous vos posts avant votre départ : enregistrez et planifiez vos podcasts, vos messages de blogs, vos publications sur les réseaux sociaux, etc. Pour les e-mails, programmez des réponses automatiques.
Peur de perdre vos clients ou de passer à côté d'un gros contrat ? On vous autorise la « mini » connexion. Vous êtes en vacances, mais prévoyez, par exemple, quelques heures par semaine pour suivre vos e-mails, rechercher des nouveaux clients… Attention : les « quelques heures » ne doivent pas se transformer en « jours complets » de travail.
Les 7 règles pour profiter de ses congés en expatriation
- Culpabiliser ne vous rendra pas plus productif.
- Culpabiliser n'est surtout pas une marque de dévotion envers votre entreprise. C'est surtout un bon moyen de gâcher vos vacances.
- L'employeur étranger était là avant vous : il saura très bien se débrouiller sans vous.
- Vos vacances ne sont pas un cadeau : vous payez pour. Raison de plus pour en profiter.
- Vos collègues étrangers ne prennent volontairement pas leurs vacances. Respectez leur choix, mais respectez aussi le vôtre. Qui sait, votre choix pourrait devenir le leur…
- Prendre des vacances n'est pas l'apanage des paresseux. C'est votre droit. N'écoutez pas les ragots des collègues.
- Prendre des vacances vous rend plus créatif et plus productif : un bon point pour vous et votre entreprise.