Marché du travail international 2024
En 2024, les expatriés ont été impactés par les différentes lois des États : la France et le Canada en janvier (réforme de l'immigration ; plafonnement du nombre d'étudiants étrangers et de travailleurs temporaires), le Royaume-Uni en avril (augmentation du seuil de revenu pour les étrangers), l'Australie en juillet, le Japon et la Corée du Sud en septembre (visas nomades numériques), le Kenya et la Belgique en octobre (visa nomade numérique ; assouplissements des règles pour certaines catégories de travailleurs étrangers)…
Le marché du travail international en 2024 reste marqué par le vieillissement de la population et les importantes pénuries de main-d'œuvre. La « Chancenkarte » (Carte d'opportunité) créée en Allemagne en 2022 est entrée en vigueur depuis le 1er juin 2024. Elle permet aux expatriés non européens de venir un an en Allemagne pour chercher un emploi et travailler, dans la limite de 20h/semaine. La Carte fonctionne comme un permis de travail temporaire, et entend faciliter l'immigration des étrangers qualifiés. L'Allemagne espère recruter 400 000 travailleurs étrangers par an pour lutter contre la pénurie. L'accord conclu en septembre avec le Kenya va dans le même sens, même s'il ne précise aucun quota d'expatriés kenyans reçus en Allemagne.
À l'instar de l'Allemagne, d'autres pays ont cherché à recruter davantage de talents étrangers en 2024. En début d'année, les statistiques suisses relèvent une hausse de l'immigration nette de 98 851 personnes. C'est 17 506 individus de plus qu'en 2022. Les étrangers travaillent surtout dans le secteur de la construction, de l'agriculture, des services, de la vente, ou encore, de la santé.
Entre incertitude économique et progrès technologiques
Aux États-Unis, on navigue entre besoins en talents étrangers, baisse du chômage (4,2 % en août) et marché du travail en difficulté. Quelques semaines après l'élection présidentielle, les derniers chiffres montrent une lente érosion qui se poursuit. Le secteur privé n'a créé que 99 000 emplois en août 2024, loin des 140 000 espérés. En juillet, la baisse avait été moins importante (110 000 emplois créés au lieu de 122 000). Les chiffres suivent la tendance observée en début d'année et en 2023. Les économistes parlent de la « fin des années fastes » pour les travailleurs, après un rebond post-Covid. Le nombre d'emplois vacants diminue alors que l'incertitude économique grandit.
L'incertitude gagne aussi la France, toujours à la traîne en matière de recrutement des talents étrangers. En novembre 2023, l'ancien ministre de l'Industrie Roland Lescure affirmait que le pays aurait besoin de « 100 000 à 200 000 talents étrangers » dans les 10 ans à venir. Ce manque viendrait principalement des nombreux départs à la retraite et du manque de jeunes travailleurs formés. 1,3 million d'emplois seraient à pourvoir dans l'industrie d'ici 10 ans. L'analyse a néanmoins été accueillie diversement. Le nouveau gouvernement français planche sur une nouvelle loi sur l'immigration en 2025, plus sévère que celle adoptée en janvier 2024.
Expatriation : les secteurs les plus porteurs en 2025
Quels seront les secteurs qui recrutent dans les grandes destinations d'expatriation ? Les progrès technologiques pourraient-ils redynamiser le marché du travail international ? C'est le pari des entreprises, qui comptent sur les secteurs dynamiques pour attirer les talents étrangers. En toile de fond : les métiers de l'intelligence artificielle, bien partis pour redessiner les contours du marché de l'emploi.
Intelligence artificielle (IA)
Plus aucun grand État ne peut se passer de l'IA. En 2023, 80 % des investissements dans l'IA générative ont bénéficié aux entreprises américaines. L'an dernier, les États-Unis ont investi 67,2 milliards de dollars dans l'IA. Les investissements, bien qu'en progression, restent moins importants dans les autres pays. Le Canada entend accélérer sa progression dans le secteur : 2,4 milliards de dollars canadiens serviront à développer l'usage de l'IA dans les entreprises. L'Allemagne a investi 5,31 millions d'euros en 2023 ; les derniers chiffres parlent de 7,17 millions d'euros pour développer l'IA cette année. En mai, avant le remaniement gouvernemental, la France qualifiait l'IA de « priorité stratégique » ; elle lui réservait une enveloppe de 2,5 milliards d'euros en 2030. Le Japon s'appuie sur Microsoft et son investissement de 2,9 milliards de dollars pour rattraper son retard en la matière.
Car les débouchés de l'IA semblent infinis. La course aux talents étrangers est bien lancée. On compte plus d'une vingtaine de métiers liés aux intelligences artificielles : consultant data analytics, data analytics manager, data scientist, ingénieur machine learning, roboticien, ingénieur en IA, responsable de l'éthique de l'IA, data miner, chief data officer, IA trainer, deepfake reviewer, etc.
Mais les métiers, très pointus, nécessitent une formation d'exception. Les postes de l'IA ouverts à l'international sont souvent réservés aux personnels qualifiés et très qualifiés. La maîtrise de l'anglais est un impératif, quel que soit le pays d'expatriation. La maîtrise de la langue du pays d'accueil est tout aussi essentielle. L'expatrié devra maîtriser le langage informatique, la programmation, être doté d'une excellente capacité d'analyse, de rigueur et de précision. Autonome et créatif, il saura également travailler en équipe. À noter que le secteur de l'informatique restera aussi un secteur porteur en 2025.
Éducation
Si l'IA est accusée de menacer de nombreux métiers (son développement entraîne effectivement la destruction de certains emplois), l'heure des enseignants virtuels n'est pas encore venue. À l'image du Canada, de nombreux États font face à une pénurie d'enseignants. Au 15 août, le Québec cherchait encore 5 705 enseignants pour le primaire et le secondaire. En Australie, au moins 4 000 postes d'enseignants du secondaire devraient être vacants l'an prochain. La Corée du Sud et le Japon sont en crise, de même que nombre de pays de l'Union européenne : Belgique, Suède, Allemagne, Finlande, Espagne, Portugal, Irlande, Pays-Bas, Autriche… La situation est particulièrement critique en Suède : 153 000 enseignants pourraient manquer d'ici 2035. À ces pénuries s'ajoutent celles des professions de l'enfance : éducateurs, éducateurs spécialisés, animateurs, assistants maternels, etc.
Les pénuries rendent-elles ces secteurs porteurs ? Oui, à en croire les réformes proposées par les États. Le plan belge propose d'augmenter le salaire des enseignants, mais avec une potentielle surcharge de travail. En Corée du Sud aussi, les enseignants militent pour des salaires plus élevés. Le pays est secoué par des vagues de démissions inédites : 32 000 en 5 ans. La survalorisation du dossier scolaire des élèves augmente la pression des enseignants.
La Suède révise son modèle éducatif : moins de jeu, plus d'apprentissages classiques, avec des manuels scolaires papier (et non plus des tablettes). Mais le projet prévu pour 2028 ne fait pas l'unanimité. Des enseignants soulignent l'importance de l'apprentissage par le jeu à l'entrée en primaire. Mais ils confirment le surinvestissement dans le numérique (60 millions d'euros en 2023, 44 millions cette année et l'an prochain). Les déboires des terres traditionnelles d'expatriation font les affaires d'autres pays, comme les Émirats arabes unis (EAU), qui recrutent justement des talents étrangers dans l'enseignement.
Jeux vidéo
C'est l'un des secteurs qui s'est le mieux porté durant la Covid. Après un ralentissement cette année, le secteur devrait renouer avec la croissance en 2025 et 2026, notamment grâce à la progression des jeux en réalité virtuelle et réalité augmentée, des jeux mobiles, du cloud gaming et de l'e-sport. Les Émirats arabes unis (EAU) se sont lancés dans la course et ambitionnent de devenir le nouveau hub du gaming. Le Gaming Visa est justement censé attirer les talents étrangers du gaming (développeurs, créateurs de contenus, e-sportifs, etc.).
Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, le Brésil, le Japon, la Corée du Sud et la Chine font partie des pays concentrant le plus de développeurs de jeux vidéo. Les États-Unis restent le leader mondial avec près de 350 000 emplois et plus de 100 milliards de dollars générés annuellement. Au Canada, le jeu vidéo continue sa progression, après un boom entre 2019 et 2021 (+33 % de création d'entreprise). Le Japon reste le leader historique du jeu vidéo, porté par les géants mondiaux Nintendo ou Sony. La Corée du Sud se distingue dans l'e-sport. La Chine mise sur le jeu mobile. Le Brésil est l'une des puissances montantes du jeu vidéo. Même constat pour la République tchèque.
Les autres secteurs porteurs en 2025
La santé, la banque, la finance, le transport, l'environnement et la construction restent des secteurs clés, toujours gros pourvoyeurs d'emplois en 2025. La pénurie mondiale de soignants accentue la concurrence entre les États. Les métiers de la finance sont toujours aussi porteurs, notamment à Singapour, Hong Kong (redevenu un hub de la finance, mais davantage connecté avec la Chine continentale) ou aux Émirats arabes unis.
Les progrès technologiques s'invitent dans les métiers du transport et du bâtiment. Mais là encore, l'IA ne remplace pas les hommes. Les robots bâtisseurs de murs ne freinent pas les recrutements. Face à la crise immobilière, les États s'engagent dans d'ambitieux programmes de construction. Le 8 octobre, le Canada a annoncé de nouvelles mesures pour construire plus de logements. Son Plan d'action promet de construire 3,87 nouveaux logements d'ici 2031. L'objectif de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) reste néanmoins plus ambitieux : 5,8 millions seraient à construire d'ici 2030 pour lutter efficacement contre la pénurie de logements. L'Allemagne aura besoin de quelque 800 000 logements dès 2025.
Pour les candidats à l'expatriation, l'année 2025 devrait aller dans le sillon de 2024 : les traditionnels secteurs dynamiques restent porteurs. Les métiers de l'IA et du développement durable s'invitent davantage dans les milieux professionnels, y compris ceux n'étant pas directement connectés à eux. Le vrai défi des expatriés est celui de la formation. Car la percée des nouvelles technologies et la transformation des emplois obligent à accroître sa formation. C'est même le conseil des experts en intelligence artificielle : se former tout au long de sa vie pour rester compétitif. C'est aussi le souhait implicite des États, qui rivalisent de plans pour attirer les expatriés très qualifiés.