Patrick à Huahine : « La vie peut y être à la fois très douce, mais aussi très compliquée »

Interviews d'expatriés
Écrit par Expat.com team le 23 juin, 2016
Après avoir fait carrière en France métropolitaine, Patrick a souhaité voir du pays, mais sous un autre angle, en s'installant en Polynésie française avec Saa, son épouse. Parfaitement installé et intégré, Patrick a mis de côté sa retraite pour devenir autoentrepreneur.

Patrick, présente-toi en quelques lignes...

J'ai 58 ans, à la retraite depuis 3 ans. Ma femme et moi vivons une deuxième vie. Nous nous sommes connus il y a 12 ans et sommes mariés depuis 8 ans. Nous avons 4 enfants (26 à 40 ans) et 3 petits enfants. Nos enfants sont autonomes. Une de nos filles vit avec son compagnon et leur fille à Nouméa, en Nouvelle Calédonie. Les autres vivent en France.

Tu habites en Polynésie française, archipel de 118 îles. Ailleurs, dans le monde, avons-nous raison d'y voir un véritable paradis sur Terre ?

La Polynésie française est un ensemble de 5 archipels très différents les uns des autres (Société, Marquises, Tuamotu, Gambier, et Australes) répartis sur une surface équivalente à celle de l'Europe. Chaque archipel dispose de ses propres atouts et peut être considéré comme un petit paradis sur Terre, en fonction des aspirations et de la situation de chacun d'entre nous. La vie peut y être à la fois très douce, mais aussi très compliquée.

Ton pseudonyme sur le site est « LeHéros », que nous sommes tentés d'associer avec « aventures ». Es-tu allé vivre loin de la Métropole sur un coup de tête ? Raconte-nous un peu ton expatriation.

Ce surnom m'a été attribué par Saa, ma femme, au regard de mes activités passées. Lorsque l'heure de la retraite a sonné pour moi, annonçant la fin d'une vie d'aventures, souvent solitaires, Saa a demandé et obtenu un poste en Polynésie française et elle a bien voulu m'emporter dans ses bagages. Nous avons quitté la France avec l'idée de nous installer ici définitivement, l'opportunité nous étant offerte de pouvoir « vivre nos rêves » dans des conditions particulièrement favorables.

Tu vis à Huahine, dans l'archipel de la Société. Tu avais pourtant le choix : pourquoi cette commune en particulier ?

Le hasard fait parfois bien les choses. Saa a été affectée sur cette île et nous nous sommes aperçus, avec le temps et après quelques prospections, que c'est celle qui nous convient le mieux, compte tenu de nos aspirations et de notre âge. C'est une île qui a su conserver son authenticité, mais qui présente le double avantage de ne pas être trop loin de Tahiti et d'être très bien approvisionnée par voie maritime.

Tu expliques sur ton profil être à la retraite. Quelles sont (dans les grandes lignes) les démarches administratives à accomplir pour vivre sa retraite en Polynésie française ?

Ma pension de retraite m'étant versée par l'État, je n'ai eu qu'à avertir le Trésorier Payeur Général de Papeete de mon arrivée et de mon installation pour que mon dossier lui soit transféré. J'ai également déclaré ma nouvelle situation au service des impôts : en tant que résident en Polynésie, je suis soumis à un régime de retenue à la source.

Justement, comment vis-tu ta retraite à Huahine ?

Dans l'immédiat, je cherche à faciliter au maximum la vie de Saa qui, elle, a encore des contraintes professionnelles. J'avoue que mes activités ménagères me laissent tout de même de confortables plages horaires de liberté, que j'occupe en jardinant et en pratiquant le sport national polynésien, la pirogue (je me suis acheté un va'a, pirogue à balancier). J'ai également pris une patente pour réaliser des sites Internet au profit de particuliers, d'associations, de commerces et d'administrations.
Lorsque ma femme est disponible, nous passons le plus de temps possible à la plage et/ou avec nos amis, locaux ou expatriés définitifs comme nous, même si nous limitons sciemment nos contacts avec la plupart des expatriés pour éviter de nous enfermer dans une communauté exclusive.

La vie sur une île ne correspond pas à tous les profils d'expatriés. Que conseillerais-tu aux rats des villes qui souhaitent tenter l'expérience ?

Il faut être sûr de supporter cette sorte d'enfermement, que certains appellent le syndrome de l'îlien. La vie à Huahine (6 000 habitants pour 75 km2) est très douce. Pas de pollution, pas de bruit, des habitants très accueillants, un lagon magnifique, des plages de sable blanc quasi désertes. Cette vie nous convient très bien, elle correspond à nos aspirations, mais aussi à notre âge et à notre capacité à ne jamais nous ennuyer. Il est moins sûr que sur la durée elle convienne à des gens plus jeunes, habitués à une vie plus animée et à la recherche de plaisirs plus occidentaux.

Tu indiques avoir des enfants : comment est la vie pour les jeunes expatriés à Huahine (scolarité, santé, loisirs) ?

Nous sommes ici sans nos enfants, qui sont tous autonomes. La scolarité est assurée jusqu'en classe de seconde au Collège de Fare. Ensuite, pour ceux qui souhaitent poursuivre des études, quelle que soit la filière choisie, il faut partir sur Raiatea ou Tahiti, en internat ou dans la famille, pour ceux qui en ont sur place.
Huahine dispose d'un dispensaire, de plusieurs médecins libéraux et infirmières libérales, d'un dentiste et d'un kinésithérapeute. L'hôpital le plus proche est celui de Raiatea, à 20 minutes de vol.
Les sports nautiques, traditionnels ou non, sont les plus fréquemment pratiqués. Mais de nombreuses activités culturelles sont également proposées, comme la danse et la musique, traditionnelles ou non.
Huahine dispose en outre d'une bibliothèque très bien fournie, gérée par une association à but non lucratif.
La plupart des loisirs sont très orientés vers la nature et la vie au grand air. Saa s'initie à l'artisanat avec une vieille dame qui se plaint régulièrement de ne pas trouver de jeunes femmes auprès desquelles elle voudrait pouvoir perpétuer son savoir.

Concernant le logement, tu dis sur le forum : « Il n'y a pas d'agences sur l'île (juste des correspondants des agences tahitiennes), la plupart des locations se font par le bouche à oreilles ». Raconte-nous ta recherche d'un logement à Huahine.

Nous avons eu la chance de trouver facilement une très grande maison, disposant de nombreux éléments de confort. Elle nous aura servi de sas pour passer de la vie occidentale à la vie polynésienne. Nous allons en changer dans quelques mois pour une maison plus proche du centre et du lagon, moins cher et plus typique.
Nous avions trouvé la première maison par l'intermédiaire d'une collègue de Saa, bien avant notre arrivée. La deuxième nous a été proposée spontanément par un couple de Polynésiens avec qui nous avons sympathisé. La plupart des locations sont proposées meublées et équipées, avec des baux d'un an. Très peu d'entre elles, pour ne pas dire aucune, sont confiées à des agences (il n'y en a d'ailleurs pas sur Huahine, même si quelques agences immobilières tahitiennes disposent localement d'un contact). Les agences sont plus orientées vers la vente et parfois les locations saisonnières.
Les nouveaux arrivants qui n'auraient pas trouvé à se loger avant leur arrivée vivent souvent dans une des nombreuses pensions et chambres d'hôtes de l'île, le temps de prospecter. D'une manière générale, les maisons (il n'y a pas d'appartements à Huahine) sont louées entre 80 et 150 000 francs CFP (650 et 1 300 euros), suivant la taille, les éléments de confort proposés et la localisation. C'est comparativement beaucoup moins cher qu'à Tahiti.

Quel est le coût de la vie en Polynésie française en général ? Les dépenses du quotidien sont-elles moindres en dehors de Tahiti, l'île principale ? Que conseilles-tu ?

À condition d'adopter des habitudes alimentaires plus proches de celles des Polynésiens, la vie est beaucoup moins chère à Huahine qu'à Tahiti et les tentations y sont moins grandes.
Nous disposons d'un magasin sous licence Super U très bien achalandé, mais proposant peu de superflus et effectuons une grande partie de nos approvisionnements en fruits, légumes et poisson sur le marché, qui est quotidien. Le poisson vendu sur le marché est toujours fraichement pêché.
La viande, généralement importée de Nouvelle-Zélande est d'excellente qualité et proposée à des prix très raisonnables. Les achats de biens d'équipement sont moins onéreux sur Tahiti et le fret maritime très peu cher.
Le prix des voitures est très élevé, presque du simple au double par rapport à la métropole (par exemple, une Dacia Duster vendue moins de 10 000 euros en France coûte ici plus de 20 000 euros).
L'eau est très peu chère (environ 10 euros mensuels pour un couple sans enfants, sans se restreindre), mais l'électricité est l'une des plus chères au monde après celle des Vanuatu (pour nous, entre 70 et 100 euros mensuels, suivant la saison et donc l'utilisation intensive ou non de la climatisation et des ventilateurs).
Les tarifs des abonnements téléphoniques, des abonnements à Internet et des abonnements aux chaînes satellitaires sont très élevés par rapport à la métropole.
Les impôts locaux et la taxe sur l'audiovisuel n'existent pas, la taxe foncière pour les propriétaires est quasi inexistante, et nous bénéficions d'un régime d'imposition sur les revenus particulièrement intéressant, avec retenue à la source.
Nous n'avons bien entendu aucune dépense de chauffage et nos garde-robes sont des plus limitées, sans avoir besoin de vêtements ni de chaussures spécifiques à une saison ou une autre.

Autre question essentielle : l'emploi. Comment se porte l'emploi en Polynésie française ? Sais-tu quels sont les secteurs qui recrutent ?

La situation de l'emploi est très préoccupante. L'économie de la Polynésie française est largement tributaire de son offre touristique et, dans une moindre mesure de son activité perlière. Elle reste très soutenue par l'État français.
Sur Huahine, sauf à monter sa propre entreprise, l'offre est plus que limitée pour tous, quasi inexistante pour les métropolitains. La préférence locale est régulièrement appliquée, ce qui est compréhensible même si parfois c'est au détriment de la compétence.

Pourquoi as-tu décidé de créer le blog « Je tu ile huahine » ?

Depuis plusieurs années, Saa ouvrait un blog à chacune de ses mutations, pour partager ses impressions, découvertes, étonnements, déceptions... Il était donc dans l'ordre des choses d'en ouvrir un à l'occasion de cette « nouvelle et dernière aventure » qui soit aussi un lien mis à la disposition de nos familles et amis pour qu'ils puissent partager avec nous ce que nous vivons ici. Saa rédige les billets, je me contente, pour ma part, de maintenir la partie « En pratique » et d'assurer la maintenance du site.

Retournes-tu de temps en temps en France métropolitaine ?

J'y suis retourné en septembre-octobre 2015, pour soutenir mon fils qui devait faire face à un évènement familial douloureux. Saa y retournera en juin-juillet de cette année pour faire le tour de la famille. Les voyages sont très chers, au minimum 2 000 euros par personne pour un aller-retour Papeete-Paris, auxquels il faut ajouter les trajets inter-îles et souvent l'hébergement pour l'escale tahitienne (départs des vols internationaux tôt le matin, avant l'arrivée des premiers vols inter-îles, et arrivées tard le soir, après le départ des derniers vols inter-île). Et très longs (plus de 20 heures de vol entre Papeete et Paris, avec une escale rendue particulièrement pénible par les autorités américaines à Los Angeles).

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