Gabriel vit depuis plusieurs années à Kiev, la capitale ukrainienne. Au travers de son témoignage, il nous apporte un regard personnel et intimiste sur le pays.
Bonjour Gabriel, peux-tu te présenter brièvement et nous parler de tes projets en Ukraine ?
Je viens de Genève en Suisse, je n'ai pas spécialement de projet actuellement, hormis atteindre un niveau de russe qui se situe entre intermédiaire avancé et avancé.
Pourquoi as-tu décidé de t'installer en Ukraine ?
A Genève, j'étais sans emploi et mon domaine professionnel dans la finance n'est plus porteur depuis la crise de 2008. Mon dernier emploi fut auprès de l'Etat dans le domaine social, un emploi purement alimentaire en CDD d'une année. J'ai compris une fois ce contrat terminé et en fin de droit au chômage, que je n'avais aucun avenir sur Genève. Ayant déjà eu une expérience d'un an en Ukraine, et ayant vraiment apprécié Kiev, j'ai décidé de venir m'y installer.
Comment s'est passée ton arrivée et les premiers instants de ton installation ?
Mon arrivée s'est bien passée, j'ai suivi des cours intensifs de russe et j'ai également fait faire des travaux dans mon appartement. J'ai donc été bien occupé.
Tu vis à Kiev depuis plusieurs années, que retiens-tu de ton expatriation dans le pays ?
Je vis à Kiev depuis maintenant deux ans et demi, je dirais que j'ai dépassé la phase de découverte et que j'ai acquis une certaine routine. Ce qui est certain, c'est que je ne regrette absolument pas d'avoir quitté Genève pour Kiev et me félicite de cette décision tous les jours.
Tu es suisse, quelles sont pour toi les grandes différences entre la culture suisse et la culture ukrainienne ?
Les différences principales, culturellement, sont à mon avis, une formalisation moindre en Ukraine. Les choses sont plus chaotiques mais l'on a également plus de libertés. Plus concrètement, tout ne passe pas par l'Etat ou des contrats. De même, les factures n'existent presque pas, tout se règle en cash ou presque. Lorsque je paie des ouvriers pour des travaux, il n'y a aucune trace écrite. C'est un peu étonnant au début, mais l'on s'y fait. Idem pour régler des différents s'il y en a, les gens vont plus recourir aux manières brutes (insultes et coups) qu'aux avocats et à la justice. Je dirais que les choses sont beaucoup moins policées qu'en Suisse.
Le pays est très grand, quelles sont à tes yeux les plus belles régions et villes ?
Concernant les différentes régions en Ukraine, je n'ai pas tout visité, donc difficile de répondre. J'ai surtout visité les villes de Kiev, Odessa et Lviv, ainsi que la Crimée lorsqu'elle appartenait encore à l'Ukraine. Si je devais faire des analogies avec des villes françaises, je dirais que Kiev, c'est Paris, Odessa c'est Marseille et Lviv c'est Lyon. Kiev est la grande capitale, Odessa la ville du sud avec la mer, et Lviv, la ville avec un centre propre et joli qui attire de nombreux touristes.
Comment se déroule une journée type en Ukraine ? Le rythme et les activités sont-elles les mêmes qu'en Suisse ?
Personnellement, je ne travaille pas, j'étudie, mais, pour un travailleur, les journées de travail sont beaucoup plus longues qu'en Suisse. Il n'est pas rare que les gens travaillent ici 12 heures par jour ou plus, y compris le weekend pour certains.
L'Ukraine, et en particulier Kiev, a fait la une de l'actualité ces deux dernières années, comment as-tu vécu cette période de troubles ?
Parler de ces deux dernières années est une question délicate puisqu'elle touche à la politique. J'étais ici lorsque la révolution a éclaté. Bien entendu, je n'ai pas pris part aux manifestations, mais il suffisait de se promener en ville pour voir les groupes parés de drapeaux, défilants en uniformes et souvent équipés de batte de baseball. J'ai également vu nombre de mes anciens amis ukrainiens devenir du jour au lendemain les individus les plus pacifiques aux plus va-t'en guerre qui soient, avec la volonté de coopter tout le monde dans leur combat. Je pense qu'à titre personnel, je me suis distancé de plusieurs de mes anciens amis ukrainiens, leur guerre n'étant pas la mienne ! J'ai également vu l'école de langue se vider. Avant la révolution, nous étions entre 10 et 15 personnes en cours de russe, ensuite, je me suis retrouvé seul avec une dame d'un âge avancé qui habitait également à Kiev.
Un cliché sur l'Ukraine qui s'est révélé faux ?
Le cliché qui bien entendu s'est révélé faux était que tout le pays était en guerre. Même en Bulgarie, un vendeur dans un magasin m'a demandé pourquoi je restais à Kiev alors qu'il y avait la guerre là-bas. Un autre cliché est de croire qu'il fait froid en permanence en Ukraine, alors que les étés sont certainement plus longs qu'en Suisse et que les températures atteignent souvent 30 ou 35 degrés.
Quels conseils donnerais-tu pour quelqu'un souhaitant s'expatrier en Ukraine ?
Si je devais donner un conseil à quelqu'un qui veut s'expatrier, c'est bien entendu de bien tester le terrain et de se renseigner. J'ai lu sur votre site nombre de personnes qui voulaient venir s'expatrier en Ukraine en croyant trouver l'eldorado. Les emplois sont maintenant difficiles à trouver et très mal payés. En outre, sans le russe et / ou l'ukrainien, c'est impossible de trouver un emploi sauf au sein d'une compagnie internationale ou d'un organisme étatique tel qu'une ambassade. En outre, j'ai vu de nombreux Européens de l'ouest qui n'arrivaient pas à s'adapter et se sentaient mal en permanence, soit parce qu'ils étaient angoissés / nerveux ici, soit parce qu'ils souffraient de solitude. Personnellement, bien qu'ayant vécu en Ukraine déjà une année il y a de ceci plusieurs années en arrière, je suis revenu par étapes en testant le terrain, d'abord quelques jours, puis quelques semaines, trois mois, et enfin j'ai pris la décision de vraiment m'y installer.