Selon la Commission européenne, le nombre des travailleurs du numérique aura quasiment doublé en 2045. Ces nouveaux modes de travail induisent une autre organisation des relations entre employeurs et employés. Consciente des nouveaux défis du monde du travail et de l'augmentation de la mobilité internationale, l'Union européenne renforce sa législation pour mieux protéger les travailleurs européens, quel que soit le métier qu'ils exercent.
Elle prend aussi des mesures pour mieux encadrer les contrats de travail. Quelles répercussions ces changements ont-ils sur les expatriés ? À quels changements devront-ils s'attendre ?
Nouvelle directive européenne concernant le contrat de travail
Le 20 juin 2019, les pays de l'Union européenne (UE) adoptent une nouvelle directive relative aux relations entre employés et employeurs : la loi sur les « conditions d'emploi transparentes et prévisibles ». L'UE plaide pour plus de transparence dans les termes du contrat, et une meilleure protection des travailleurs européens. La loi est publiée au Journal Officiel (JO) de l'EU le 11 juillet 2019, pour une application prévue au plus tard le 1er août 2022.
Comme prévu, la nouvelle directive est entrée en vigueur le 1er août dernier, en lieu et place de la précédente réglementation du 14 octobre 1991. La précédente directive posait les bases d'une relation de transparence entre employeur et employé. En effet, suite à cette directive, l'entreprise avait l'obligation de détailler par écrit (contrat de travail, par exemple), à son salarié, les données essentielles qui concernaient la relation de travail. Mais selon les détracteurs, cette règle n'allait pas assez loin et ne protégeait pas assez les travailleurs européens. En parallèle, la mobilité internationale augmente. Les Européens se déplacent plus au sein de l'UE pour y faire leurs études et/ou chercher du travail. D'où la nécessité d'une nouvelle réglementation.
Renforcer les droits de tous les salariés européens, locaux comme expatriés
Que dit la nouvelle directive européenne ? Tout d'abord, elle renforce l'obligation d'information du salarié. L'employeur devra fournir plus de renseignements écrits concernant la nature et le cadre du travail. La directive étend également son champ de compétences. Tous les salariés européens (locaux comme expatriés) sont concernés, y compris les travailleurs des plateformes numériques.
Mieux protéger les droits des travailleurs des plateformes numériques
Livreur, VTC (voiture de transport avec chauffeur)… Les travailleurs des plateformes numériques sont des salariés ou des indépendants exerçant leur activité professionnelle via des plateformes numériques. Il y en a actuellement plus de 28 millions dans toute l'Union européenne, dont au moins 5,5 millions déclarés comme indépendants, mais dont les conditions de travail seraient en fait proches d'un salarié précaire et mal protégé. Selon la Commission européenne, les travailleurs des plateformes numériques pourraient être 43 millions en 2045. D'où l'urgence à réformer la réglementation en vigueur.
Le 9 décembre 2021, la Commission européenne propose de nouvelles mesures pour mieux protéger les travailleurs des plateformes numériques. Statut professionnel correctement établi, transparence de l'algorithme de la plateforme numérique, protection des travailleurs… L'entrée en vigueur de la directive relative au contrat de travail (le 1er août dernier), vient appuyer les dispositifs proposés en 2021.
Directive mise en vigueur le 1er août 2022 : ce qui change
Renforcement de l'obligation d'informer le travailleur
Avant la loi, les employeurs devaient déjà préciser dans leur contrat les éléments essentiels concernant le poste de travail, l'organisation et les relations de travail. La directive du 1er août renforce l'obligation d'information. Désormais, l'employeur doit expliquer clairement comment s'organisent les congés payés et quels sont les droits des travailleurs. Même rigueur concernant les lieux de travail (entreprise, télétravail, déplacements extérieurs ? ), et la période d'essai. Ces informations doivent être délivrées par l'employeur au début du contrat.
Horaires de travail mieux encadrés
Concernant les heures de travail, l'employeur doit mieux informer son salarié. S'il effectue des horaires classiques (horaires dits « prévisibles »), il doit connaître le montant exact de sa rémunération fixe, et le montant en cas d'horaires décalés exceptionnels, de changement de rythme de travail, d'heures supplémentaires. Si les horaires sont variables, décalés (horaires dits « imprévisibles »), le salarié doit connaître le nombre d'heures pour lesquelles il aura la garantie de toucher son salaire (« nombre d'heures payées garanties »). Il doit aussi être informé du montant du salaire pour tout travail effectué en dehors de ce socle de garantie. Là encore, l'employeur est tenu d'informer son salarié dès le début du contrat.
Obligation de mieux informer les travailleurs détachés
Un salarié détaché est un travailleur envoyé par l'employeur de son pays pour exercer une mission courte dans un pays étranger. Il garde son contrat avec l'employeur de son pays tout le temps de sa mission. Concernant l'Union européenne, les travailleurs détachés sont protégés dans tous les pays de l'UE. La nouvelle directive européenne renforce les droits des travailleurs détachés, en exigeant que leurs employeurs leur fournissent des informations plus claires et transparentes. Ces informations devront être délivrées avant le départ, et préciser le salaire perçu durant la mission, les indemnités de détachement, et les éventuels remboursements (frais de voyage et de séjour, matériels à acheter pour l'installation, le travail).
Prise en charge obligatoire des formations que doit faire le travailleur
Les employeurs sont déjà tenus de prendre en charge les formations que souhaitent effectuer leurs salariés (dans le cadre de leurs fonctions). En effet, les salariés disposent d'un droit à la formation. Mais dans la pratique, certaines entreprises ne paient la formation que si le salarié s'engage à rester en poste durant un temps fixé par l'employeur, sous peine de devoir rembourser tout ou partie de la formation. La nouvelle directive met fin à cette pratique. L'employeur est tenu de payer les formations obligatoires. Il doit aussi tout faire pour que cette formation s'exerce durant les heures effectives de travail.
Fin des clauses interdisant au travailleur d'exercer des activités annexes
Le contrat de travail contient parfois des clauses qui empêchent un salarié d'exercer une activité annexe. D'autres clauses obligent le salarié à communiquer à son employeur les autres activités qu'il exerce. Ces clauses sont souvent rédigées en dehors de tout cadre légal. Désormais, l'employeur devra justifier pourquoi il refuse que son employé exerce un ou plusieurs emplois accessoires. De même, il devra justifier pourquoi il cherche à connaître les emplois accessoires de son salarié. Par « justification », la directive européenne entend « justification objective » (risque de conflit d'intérêt, protection de données essentielles à la survie de l'entreprise, risque pour la santé, la sécurité…). Désormais, sans justifications objectives, ces clauses n'ont plus de valeur. La mesure concerne toutes les conventions collectives actuelles et futures.
À qui s'adresse cette nouvelle directive ?
Tous les travailleurs de l'UE sont concernés, qu'ils soient locaux ou étrangers. Par « travailleur », il faut entendre « travailleur lié par un contrat de travail ou une relation de travail ». Les stagiaires, apprentis et travailleurs des plateformes numériques sont aussi concernés.
Qu'est-ce que ça change pour les expatriés ?
La nouvelle directive européenne protège davantage les expatriés. L'harmonisation européenne leur garantit des droits similaires dans tous les pays de l'UE. Avec le bouleversement de l'organisation du travail, bouleversement accéléré depuis l'avènement des nouveaux métiers du numérique, les salariés sont soumis à davantage de pression. Les entreprises agissent parfois comme s'il n'y avait pas de règle, ou comme si leurs règles étaient supérieures à la loi. La nouvelle directive vise à corriger un déséquilibre entre employeurs et salariés, et à rétablir le droit. La Commission européenne veut montrer qu'elle a entendu les inquiétudes des salariés, surtout celles des travailleurs du numérique. La Commission montre aussi qu'elle s'adapte aux évolutions de l'organisation du travail, évolutions accélérées par la Covid. Télétravailleurs partiels ou à plein temps, nomades numériques… Autant de nouveaux profils de travailleurs que la directive entend mieux protéger.