"Les étudiants doivent désormais élargir leur horizon de pensée et s’attendre à apprendre tout au long de leur vie !". Vesselina Stefanova Ratcheva, économiste au Forum Economique Mondial, partage la vision de l'organisation sur l'avenir de l'emploi et les compétences les plus recherchées par les employeurs dans un avenir proche.
Comment définiriez-vous la 4e révolution industrielle ? Quand va-t-elle démarrer ?
La première révolution industrielle a consisté à utiliser l'énergie de la vapeur pour mécaniser la production. La seconde révolution industrielle est intervenue lorsque l'homme a su exploiter l'énergie électrique pour générer une production de masse. La troisième révolution industrielle se définit par l'automatisation de la production grâce à l'utilisation de l'électronique et des technologies de l'information. A présent, nous assistons à l'émergence d'une quatrième révolution industrielle, caractérisée par la combinaison des technologies existantes, estompant les frontières entre les sciences physiques, numériques et biologiques.
De par son ampleur, sa portée et sa complexité, cette transformation ira bien au-delà de ce que l'être humain a connu jusqu'à présent. Les récents développements techniques, révélateurs de son imminence, prennent peu à peu de l'importance. L'émergence de technologies hybrides devrait s'accélérer dans les prochaines années.
Comment pensez-vous que le monde économique, politique et social réagira ? Qui mène actuellement le jeu ?
Les gouvernements et les entreprises sont de plus en plus conscients des enjeux liés aux technologies émergentes et commencent à s'organiser. Cet environnement comprend de nombreux défis, notamment en matière de ressources humaines. La disponibilité, ou non, des compétences recherchées aura en effet un impact certain sur la croissance économique. Nous pouvons saluer les initiatives lancées dans quelques pays. Citons par exemple le programme Singapourien Skills for the Future (Compétences pour l'Avenir), le système éducatif finlandais, qui s'adapte aux évolutions du marché ou encore l'approche exemplaire de l'Allemagne et de la Suisse en matière d'éducation technique et professionnelle.
Dans quels pays les étudiants devraient-ils se rendre pour se former aux nouvelles technologies ?
Aucune institution, aucun pays ne peut prétendre avoir une formation adaptée à l'apprentissage de ces nombreuses technologies émergentes. De plus, la plupart de ces technologies ne peuvent être apprises à l'université. C'est dans le monde du travail, à travers de nouveaux modèles de certification ou via des micros formations que la main d'œuvre saura monter en compétence. Le travail que nous avons mené avec des spécialistes du domaine de l'éducation a révélé que les systèmes éducatifs, mais aussi les étudiants, se doivent d'être plus agiles, afin de s'adapter aux nouveaux défis. Il ne faut plus considérer les études comme une période limitée d'acquisition de connaissances. Les étudiants doivent désormais élargir leur horizon de pensée et s'attendre à apprendre tout au long de leur vie.
Comme par le passé, des entreprises sauront tirer profit de ce nouvel environnement industriel. Dans un monde multidimensionnel, ces entreprises peuvent voir le jour dans de nombreux secteurs et pays. Leur émergence dépendra surtout de la culture entrepreneuriale locale.
Quels seront les profils et compétences les plus recherchés ?
Tout dépend du rythme de transformation de chaque secteur d'activité, ainsi que de l'influence que les nouvelles technologies exercent sur une industrie. Globalement, les compétences scientifiques, techniques, mathématiques et d'ingénierie seront très prisées sur le marché. En matière de compétences personnelles, la résolution de problèmes complexes, l'analyse critique, la créativité, la gestion d'équipe et la coordination des ressources seront des compétences clés à horizon 2020.
Quels seront les métiers en croissance ?
Tous les métiers liés au développement de nouveaux outils. Les ingénieurs en mécanique ou en électrotechnique continueront d'être très recherchés. Le développement de nouveaux matériaux, de nouvelles méthodes d'extraction ou de transformation ne se fera pas sans des opérateurs d'installation pétrolière ou minière, des ingénieurs en science des matériaux, des ingénieurs industriels ou de production…
Les métiers du Web, déjà très populaires, resteront encore très recherchés : mentionnons ici les analystes de données ainsi que les développeurs applicatifs et de logiciels. Nous nous attendons également à voir un intérêt prononcé des recruteurs pour les profils capables de comprendre et de tirer parti de données complexes : économistes, analyste organisationnel, spécialiste de la chaîne de production, responsable logistique…
La quatrième révolution industrielle aura-t-elle un impact sur les métiers plus traditionnels : docteurs, enseignants, avocats, cols bleus ? Quel sera son impact sur la mobilité internationale ?
Nos différentes projections suggèrent que des changements majeurs affecteront les cols bleus. Les métiers du droit seront également largement transformés. Le secteur médical, ainsi que le corps professoral, ont des perspectives plus stables, bien que les enseignants devraient connaitre des changements en profondeur dans leur manière d'exercer leur métier.
De nombreuses entreprises s'attendent à ce que le marché du recrutement devienne plus compétitif. Les compétences recherchées seront de plus en plus spécifiques. Cette évolution suggère que les professionnels du recrutement élargiront leurs recherches à de nouveaux bassins de talents. Il reste à voir si les entreprises opteront pour le développement du travail à distance, le rapatriement de talents étrangers ou le recrutement de professionnels locaux.
Dans le monde du travail, on assiste à de nouveaux modes d'organisation favorisant une plus grande flexibilité. Cependant, cela ne signifie pas forcément un accroissement de la mobilité. Des facteurs exogènes, notamment géopolitiques, pourraient potentiellement peser sur le besoin de mobilité exprimé par les jeunes professionnels.